L'ouverture à la diversité est un gage de
réussite.
L'école multiethnique n'est
pas nécessairement un endroit de perdition pour les élèves
québécois «de souche». Ils peuvent très
bien mettre à profit - pour leur développement professionnel
et social - le contexte particulier de ces écoles à
condition toutefois de faire preuve d'ouverture envers leurs compagnons
et compagnes d'autres origines.
C'est l'une des conclusions que l'on peut tirer d'une étude
comparative effectuée par Jacques Perron, professeur au
Département de psychologie, auprès de 1031 élèves
d'écoles secondaires francophones uniethniques et multiethniques.
L'étude visait entre autres à mesurer si les efforts
investis par les adolescents de groupes ethniques minoritaires
dans le développement de leur identité ethnique
et de leur identité personnelle avaient un impact positif
ou négatif sur le développement de leur identité
professionnelle.
Par «développement professionnel», le professeur
désigne les démarches de réflexion et d'information
entreprises par l'adolescent pour se définir un plan d'études
en fonction d'une future carrière. Le développement
de l'identité ethnique est quant à lui mesuré
par la connaissance des moeurs et coutumes de son groupe ethnique
et par l'engagement dans ce groupe d'appartenance. Le troisième
élément, l'identité personnelle et sociale,
concerne l'état d'âme actuel de l'élève
vis-à-vis de lui-même et des autres.
Développement complémentaire
«C'est la première fois qu'une étude cherche
à clarifier les liens entre ces trois formes de développement
chez les Québécois de souche et chez les néo-Québécois
en milieux scolaires à la fois uniethniques et multiethniques»,
souligne Jacques Perron.
Aux États-Unis, des études ont indiqué que
le développement de l'identité ethnique chez des
minorités interfère de façon négative
avec le développement professionnel et social parce qu'il
accapare un surcroît de temps et d'énergie chez l'adolescent.
La recherche du professeur Perron infirme ces résultats.
«Les trois formes de développement sont reliées
de façon complémentaire et non rivale, tire-t-il
comme première conclusion. Mieux l'élève
développe l'un des éléments, mieux les deux
autres seront développés. Ceci est vrai autant pour
les Québécois en milieu uniethnique que pour les
néo-Québécois en milieu multiethnique.»
Selon le chercheur, le processus de développement est le
même pour les trois identités, si bien que l'adolescent
effectue une transposition des motivations et des habiletés
acquises d'un domaine à l'autre.
Par contre, la dynamique suit une construction différente
pour les Québécois en milieu multiethnique. «Chez
eux, la donnée concernant le développement ethnique
n'est pas significative. Ce qui distingue ceux qui ont un haut
score dans le développement professionnel, c'est leur degré
d'ouverture aux autres, qui est l'un des éléments
du développement personnel et social. Cette ouverture aux
autres constitue pour eux le pendant de l'identité ethnique.»
Plus l'élève québécois s'ouvre à
la réalité multiculturelle de son milieu, plus son
développement professionnel sera lui aussi favorisé.
Inversement, celui qui se referme sur lui-même en réaction
à cette diversité risque de voir son développement
professionnel entravé.
Ces résultats peuvent aider les intervenants scolaires
dans leur travail sur le terrain en leur indiquant sur quel élément
agir selon le milieu uni- ou multiethnique, croit Jacques Perron.
«Il est connu que l'isolement est un facteur de non-réussite.
L'ouverture aux autres doit être un objectif à atteindre
dans les interventions en milieux multiethniques.»
Alors que les médias mettent plutôt en évidence
les incidents racistes et les actes de violence survenus dans
certaines écoles, «il est important de dire que l'école
multiethnique est aussi une école où les enfants
peuvent trouver leur compte, estime le professeur. Il est important
de dire que les gens biens vont bien.»
Les résultats de cette étude, à laquelle
ont également travaillé Chantal Tremblay, du Département
de psychologie, et Jean-Claude Coallier, de la Faculté
d'éducation de l'Université de Sherbrooke, ont été
présentés au congrès de l'International Society
for the Study of Behavioral Development, tenu en août dernier
à Québec.
Daniel Baril