Le groupe de réflexion n'a pu aborder la question
de la «reconfiguration» des facultés.
«L'impasse budgétaire exige des mesures radicales,
des choix difficiles, des changements majeurs auxquels il est
vain de vouloir se soustraire.» L'ampleur des compressions
imposées, qui auront atteint 60 millions de dollars au
31 mai 1998, fait qu'il n'est plus possible de «faire plus
avec moins»; il faut apprendre à «faire autrement».
Dans le rapport qu'il déposait au Conseil de l'Université
le 16 septembre dernier, le Groupe de réflexion sur les
priorités institutionnelles (GRÉPI), mis sur pied
pour trouver des moyens de survivre à la diète radicale
imposée par le gouvernement, propose une série de
mesures permettant des économies récurrentes de
l'ordre de 27 millions de dollars. Pour y arriver, le GRÉPI
recommande de réduire les dépenses de 18 millions
et d'augmenter les revenus de 9 millions.
Diminution des dépenses
C'est la masse salariale du corps professoral qui sera le plus
touchée par le bistouri puisqu'on prévoit y retrancher
pas moins de 13 millions de dollars, soit près de la moitié
du montant total à récupérer. Le GRÉPI
a rejeté l'idée d'accroître la charge de cours
des professeurs. Il propose plutôt une «modulation
des missions académiques», ce qui se traduit en termes
clairs par la conversion de 150 à 200 postes de professeurs
réguliers en postes de chargés de cours et d'auxiliaires
d'enseignement.
Le GRÉPI appuie cette recommandation sur le fait que le
potentiel de recherche et d'encadrement associé à
un poste de professeur «n'est pas toujours pleinement utilisé
ni requis». À son avis, la conversion des postes
pourrait ainsi se faire «tout en préservant l'essentiel
de la mission académique des unités». Cette
mesure s'ajoute à la suppression de quelque 190 postes
de professeurs annoncée au printemps dernier; un programme
de départ volontaire serait au coeur de l'ensemble des
opérations.
Les membres de la direction (recteur, vice-recteurs, secrétaire
général) ainsi que les doyens, vice-doyens et secrétaires
de faculté devront eux aussi passer à la caisse.
La libération de tâches non essentielles à
leurs fonctions et pouvant être reléguées
à des cadres et professionnels permettrait de réduire
de 20 % le montant consacré à leurs primes et aux
exemptions de cours. Au total, des économies évaluées
à 500 000 $.
Le comité des sages s'est également penché
sur les nombreuses répétitions de cours. Un ménage
dans les cours répétés, empruntés,
pluridisciplinaires ou plurisectoriels pourrait, selon une «hypothèse
raisonnable», produire des économies récurrentes
d'environ un million de dollars.
La rationalisation entraînerait également l'élimination
des cours à faible fréquentation, c'est-à-dire
ceux donnés à moins de 10 étudiants au premier
cycle et à moins de 4 étudiants aux cycles supérieurs.
Ceci permettrait une réduction de 1461 crédits-cours,
qui se traduirait par des économies de deux millions.
Augmentation des revenus
Au chapitre de l'augmentation des revenus, le GRÉPI juge
réaliste de stopper la diminution d'inscriptions qui touche
l'Université depuis trois ans et de hausser l'effectif
étudiant à temps complet de 400. Il s'ensuivrait
une augmentation de revenus d'environ deux millions de dollars.
Cette proposition n'est pas assortie de suggestions.
On souhaite également réduire le taux de décrochage
de trois pour cent grâce à l'amélioration
des mesures d'accueil et d'encadrement. Économies: trois
millions.
La formation continue serait pour sa part mise à contribution
pour assurer une autre augmentation de trois millions de dollars.
À cette fin, on recommande entre autres la création
d'une école d'été qui offrirait des sessions
intensives de six à huit semaines en juin, juillet et août.
À l'Université McGill, une telle école accueille
près de 10 000 étudiants par été.
Le GRÉPI s'attend en outre à ce que les revenus
externes des services de l'Université connaissent une hausse
de l'ordre de un million de dollars. La commercialisation des
produits lui paraît plus prometteuse qu'une hausse du prix
des activités des Services aux étudiants, des Services
auxiliaires (cafétérias, stationnements, polycopie,
etc.) et des cliniques externes. «Une analyse plus poussée
pour retenir des cibles budgétaires précises»
demeure à faire.
Finalement, puisqu'il n'y a pas de vice à être vertueux,
le GRÉPI invite la direction de l'Université à
entreprendre de nouvelles démarches auprès du ministère
de l'Éducation afin qu'il revoie la formule de financement
de l'enseignement supérieur. Le récent rapport du
Conseil supérieur de l'éducation sur cette question
apportait de l'eau au moulin des universités.
Les chaînons manquants
Les économies potentielles de mesures à moyen terme,
comme la collaboration entre professeurs réguliers et chargés
de cours, le recours aux NTIC et la concertation interuniversitaire,
n'ont pu être chiffrées. Le GRÉPI recommande
tout de même qu'elles soient versées au paiement
de la dette.
Parmi ces mesures, une pièce majeure n'a pratiquement pas
été touchée par le rapport, soit la «reconfiguration»
facultaire et départementale. Sauf dans le domaine de la
santé où les membres du groupe encouragent la création
d'une école de santé publique, le délai trop
serré ne leur a pas permis d'étudier la restructuration
de la FAS, de la FEP et de la FES. La réflexion devant
nécessairement être poursuivie dans ce dossier, le
GRÉPI recommande donc que son mandat soit prolongé
de 18 mois.
Le même manque de temps est invoqué dans le dossier
de la rationalisation de la gestion, où le groupe se limite
à proposer la poursuite des réflexions amorcées
par la Table thématique sur la restructuration des services
et entreprises.
D'autres décisions découlant de la «modulation
des missions», comme les fermetures de programmes ou de
départements ainsi que les échanges avec d'autres
établissements, n'ont pas été abordées
non plus parce que ces décisions doivent être prises
dans le cadre d'une concertation interuniversitaire. Le GRÉPI
estime que l'Université de Montréal doit prendre
l'initiative d'une telle démarche de mise en commun des
ressources.
Ceux qui s'attendaient à trouver dans le rapport du GRÉPI
une liste de moyens précis en mettre en oeuvre resteront
quelque peu sur leur faim. En fait, c'est la vice-rectrice à
l'enseignement qui écope de la partie congrue de ce qu'il
reste à accomplir pour articuler les recommandations du
GRÉPI. Celle-ci ne chômera pas au cours des prochains
mois puisqu'elle devra: mettre sur pied les tables de travail
visant l'élimination des répétitions de cours;
poursuivre l'analyse sur la rationalisation de l'offre de cours;
définir les cibles d'augmentation de la clientèle
étudiante et de diminution du décrochage pour chaque
unité académique; créer un programme-cadre
de deuxième cycle en formation continue; voir à
la mise en oeuvre de l'école d'été; voir
à ce que tout programme de premier cycle comprenne des
crédits offerts par d'autres unités; mettre sur
pied un groupe de travail visant l'adaptation des activités
d'enseignement à la nouvelle réalité.
La vice-rectrice à l'enseignement a jusqu'à janvier
1997 pour présenter au Conseil de l'Université un
rapport sur chacun de ces mandats! Sa collègue aux affaires
publiques devra quant à elle trouver les moyens de moderniser
le système d'information et de communication de l'Université,
une opération de 4,2 millions de dollars.
Quant au vice-recteur aux ressources humaines, il reçoit,
entre autres mandats, celui de préparer un programme de
départ volontaire alors que le vice-recteur à l'administration
devra trouver les moyens d'accroître les revenus externes
des services.
Malgré l'ampleur de ce qu'il reste à réaliser,
le GRÉPI n'en estime pas moins «avoir rempli, pour
l'essentiel, le mandat qui lui a été confié».
Daniel Baril