Après un an d'attente, le laboratoire René-J.-A.-Lévesque
a reçu son nouvel accélérateur ionique de
type Tandem, acquis au coût de 1,7 million de dollars. Il
servira en recherche fondamentale et appliquée, au Département
de physique.
«Nous utiliserons cet accélérateur pour la
recherche en modification et caractérisation des matériaux,
explique Sjoerd Roorda, professeur agrégé au Département.
Nous serons aussi en mesure de modifier, par implantation ionique,
les propriétés électroniques, optiques, magnétiques
et tribologiques de matériaux dans des couches minces,
jusqu'à des profondeurs de quelques micromètres.»
Les chercheurs vont par exemple accélérer des ions
de bore qui, en frappant une cible semi-conductrice comme du silicium,
en modifieront la composition. Si les ions et la cible sont du
même élément, on pourra changer la structure
cristallographique de celle-ci, c'est-à-dire la façon
dont les atomes sont empilés dans le solide.
Les applications de ces recherches sont nombreuses. En bombardant
une surface multicouche, on crée des alliages qui n'existent
pas en équilibre. Mieux, ces recherches ont des conséquences
importantes en micro-électronique, dans la fabrication
des puces (microchips) de silicium. Par implantation ionique,
on modifie localement leurs propriétés électroniques.
«Sans le processus d'implantation ionique, les ordinateurs
personnels ne seraient pas aussi abordables», rappelle M.
Roorda.
Parmi les autres domaines de recherche, mentionnons les points
de défectuosité dans les semi-conducteurs, l'interaction
faisceau-surface, les structures magnétiques, etc.
Des chercheurs et des étudiants diplômés de
l'U de M mais aussi de Polytechnique, des universités McGill
et Sherbrooke et de groupes de recherche gouvernementaux (IREQ,
INRS) participeront aux travaux.
Remplacer le Dynamytron
Appareil ultramoderne, le nouveau Tandem est contrôlé
par ordinateur. Il remplacera le Dynamytron, autre accélérateur
dont le laboratoire s'est départi.
Construit aux Pays-Bas, il est d'un maniement plus simple et plus
efficace. De plus, son taux de radiation est beaucoup plus bas.
Ce Tandem rejoint au laboratoire (autrefois le Laboratoire de
physique nucléaire) son grand frère, un accélérateur
Tandem acquis en 1957 et encore utilisé!
«Nous avons la plus ancienne et la plus récente technologie
Tandem sous le même toit, rappelle, amusé, le professeur
Roorda. L'appareil de 1957 (acquis en 1966 après avoir
servi à Chalk River) était le prototype de sa génération
et celui que nous venons d'acquérir est la toute dernière
technologie existante.»
Maintenu en bonne condition grâce au travail des techniciens,
le vieux Tandem est capable de produire 6 millions de volts. Par
contre, le nouvel appareil produit un voltage variable, entre
0 et 1,7 million de volts, ce qui en fait un instrument beaucoup
plus souple, un «must» dans la recherche actuelle.
La subvention d'environ 1,7 million de dollars a été
octroyée par le Conseil de recherches en sciences naturelles
et en génie du Canada. Les frais d'exploitation et d'entretien,
assumés par le gouvernement fédéral, l'Université
et l'entreprise privée, s'élèvent à
112 000 $ par année.
Les chercheurs qui piaffent sans doute d'impatience à l'idée
d'utiliser cette rutilante machine devront prendre leur mal en
patience pour quelques mois encore. Le Tandem dort toujours dans
ses caisses, dans le local en voie d'être aménagé
pour l'accueillir. Après, montage et calibrage prendront
trois mois.
Le monstre est encore endormi, donc. Mais pas pour très
longtemps. Et, une fois en marche, il tournera rondement et servira
aux chercheurs pour «quelques décennies», selon
le professeur Roorda.
André Durocher