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Le sol a tremblé
à l'École Polytechnique

Les normes de construction devraient être révisées,
soutient André Filiatrault.


Un séisme de magnitude 6,4 a secoué pendant 54 secondes le Laboratoire de structures de l'École Polytechnique le 3 septembre dernier à 11 h 45. Aucun dommage n'a été signalé et personne n'a été blessé. Personne n'a d'ailleurs senti la secousse, sauf le journaliste et le photographe de Forum, qui étaient déjà sur les lieux.

Il s'agissait en fait d'une démonstration du simulateur sismique utilisé pour mesurer la résistance de diverses structures aux tremblements de terre. Le professeur André Filiatrault, du Département de génie civil, a la responsabilité de manipuler ce joujou de un million de dollars et reproduisait pour nous les conditions d'un tremblement de terre survenu à El Centro, en Californie, en 1940.

«Cette secousse a été la première dont les données ont été enregistrées sur ordinateur et elle sert de point de référence», explique le professeur. Le contrôle du simulateur est totalement informatisé et il peut reproduire à volonté le profil exact d'un séisme réel - magnitude, séquence ondulatoire et durée - ou en produire des fictifs.

Des normes à réviser

En juin dernier, André Filiatrault réalisait une expérience qui visait à tester la résistance d'une structure en béton d'un immeuble de deux étages construit selon les normes du Code national du bâtiment. «Pour savoir si nos constructions auraient résisté au séisme de 89 secondes survenu à Seattle en 1949 et qui a atteint une magnitude de 7,1, nous avons soumis cette structure au même type de secousse. Puis nous avons doublé l'intensité. La même expérience a été reprise avec une structure appelée "ossature ductile" comportant des poutres de béton plus grosses et construite selon les normes en vigueur sur la côte ouest.»

Les deux structures ont résisté à la première secousse. Par contre, à la seconde, la structure répondant aux normes d'ici a présenté des fissures qui pourraient «comporter un risque de problèmes majeurs», soutient André Filiatrault. «Nous allons recommander d'interdire la norme actuelle pour adopter la norme de la côte ouest», conclut-il.

Selon le chercheur, on aurait tort de penser que des tremblements de terre d'une telle intensité sont improbables au Québec. «La vallée du Saint-Laurent constitue une importante zone de sismicité, déclare-t-il. La différence avec la côte ouest, c'est que la périodicité est plus longue. Nous avons eu, au cours des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, deux séismes majeurs par siècle. Celui de 1732 dans Charlevoix a atteint 7,2.»

«Toutefois, poursuit-il, comme nous n'avons pas eu d'importants séismes au cours du XXe siècle, les bâtiments ont été construits sans tenir compte de ce danger. Le tremblement de terre de 1988 au Saguenay a atteint une magnitude de 6 et il aurait causé des problèmes majeurs si l'épicentre avait été situé à Québec ou à Montréal.»

Sans vouloir jouer l'oiseau de mauvais augure, André Filiatrault est convaincu qu'une telle catastrophe «va finir par arriver». «De plus, ajoute-t-il, les tremblements de terre d'ici se produisent surtout en hiver. Par -25°, les problèmes de relocalisation des populations seraient beaucoup plus graves qu'en Californie.»

Affaiblir pour renforcer

Une autre expérience portant sur la résistance des structures d'acier est actuellement en cours sur le simulateur.

Malgré le tremblement de terre dévastateur de 1994 à North Ridge, en Californie, aucun immeuble à structures d'acier ne s'est écroulé. Par contre, les inspecteurs ont relevé quelque 200 bâtiments où les soudures des poutres se sont fissurées. Ces immeubles pourraient s'écrouler au prochain séisme, craint-on. Un consortium d'ingénieurs a confié au laboratoire de Polytechnique le mandat de mener une étude sur les façons de renforcer ces structures.

«La solution que nous testons consiste à réduire la poutre d'acier en taillant un demi-cercle aux abords des soudures afin de créer une zone de faiblesse à la manière d'un fusible. Cette zone permet à la poutre de plier, ce qui préserve la soudure et évite l'effondrement.»

Les résultats des tests menés jusqu'ici semblent concluants: la poutre s'est légèrement déformée et les soudures ont résisté aux coups.

Sept expériences du genre ont déjà été réalisées sur le simulateur sismique depuis sa mise en activité il y a un an. L'an prochain, André Filiatrault testera un pilier de l'autoroute Métropolitaine par -40°. Espérons qu'il tienne le coup!

Daniel Baril


Le simulateur en quelques chiffres

Le simulateur sismique de l'École Polytechnique est l'un des deux seuls appareils du genre au Canada, l'autre se trouvant à l'Université de Colombie-Britannique. Celui de Polytechnique est le plus puissant; sa table vibrante, de 3,4 mètres de côté, peut supporter des poids de 15 tonnes et produire des déplacements de 12,5 centimètres à une fréquence vibratoire de 50 cycles par seconde (50 Hz). La pompe qui actionne les pistons hydrauliques peut fournir jusqu'à 60 000 livres de pression. L'appareil utilise 25 % de toute la consommation électrique de l'École Polytechnique; pour éviter les chutes de tension, il a dû être branché sur le même circuit que la boucle thermique du laboratoire René-J.-A.- Lévesque (anciennement le Laboratoire de physique nucléaire) de l'U de M, qui doivent fonctionner en alternance.

D.B.


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