Le travail se déplace vers les banlieues.
Situation socio-économique
oblige, la profession d'architecte paysagiste n'a pas échappé
aux nouvelles conditions de travail qui auront caractérisé
les deux dernières décennies de ce millénaire.
Ron Williams, directeur de l'École d'architecture de paysage
depuis le 1er juin dernier, en sait quelque chose. Ces conditions
d'emploi, tout comme les principales avenues de travail des diplômés,
n'étaient pas du tout les mêmes alors qu'il remplissait
un premier mandat de directeur de 1978 à 1984.
«Les défis sont très différents, raconte-t-il.
En 1978, la profession était en pleine expansion, la demande
était forte. Tout le monde avait besoin d'un architecte
paysagiste sans trop savoir ce que nous faisions! Aujourd'hui,
avec une économie à plat, la profession est sujette
au cycle des affaires.»
La liste des grands projets, incluant des interventions urbaines
à grands frais (réaménagement des rues commerciales,
parcs-écoles, etc.), a subi une cure d'amaigrissement qui
a sans doute laissé plusieurs architectes paysagistes sur
leur appétit. Simultanément, une forte demande a
émané du secteur résidentiel. Heureux hasard!
Chaque propriétaire de maison unifamiliale, de duplex et
autres unités d'habitation a voulu faire de son terrain
un oasis de verdure et de pavé autobloquant, avec piscine
et parterre assortis. Flairant le vent, plusieurs architectes
de paysage ont lancé leur entreprise et se tirent bien
d'affaire.
«L'approche professionnelle s'est tournée vers le
secteur résidentiel, résume M. Williams. Mais nous
rappelons à nos étudiants que ce n'est pas de cette
façon qu'ils vont devenir millionnaires.» Avis aux
intéressés!
Ce déplacement des activités a eu pour conséquence
d'inciter les architectes paysagistes à repenser leurs
méthodes de travail en fonction des besoins du public,
et non des corporations ou des institutions. La notion d'environnement
est devenue un mot clé et le sera encore plus dans les
années à venir. Pour Ron Williams, il faudra adapter
les modèles d'enseignement en conséquence.
«Laissés de côté ces dernières
années pour des raisons économiques, les enjeux
environnementaux vont redevenir un élément majeur,
une réalité très présente dans notre
profession», dit-il.
Ne méprisez pas les banlieusards
À écouter Ron Williams, on conclut que le phénomène
de l'étalement urbain n'est pas en voie de se résorber.
L'homo banlieusarus, ce dégénéré de
la civilisation, cette menace vivante pour l'environnement, abatteur
d'arbres et consommateur insatiable de ressources naturelles,
n'est pas prêt de disparaître.
Et voilà que, dans les années à venir, il
faudra continuer à le bichonner, lui prodiguer de bons
conseils, faire de son lopin de terre le paradis-refuge dont il
rêve, bref, amener l'Éden à Balconville.
On est à l'ère du «paysage régional»,
pour reprendre un mot de M. Williams. Paradoxe avec une résurgence
des enjeux environnementaux dont il est fait état ci-dessus?
Pas tout à fait.
«La banlieue est devenue une zone d'activité intense.
C'est là que les gens demeurent. Les commerces et, maintenant,
les lieux de travail se déplacent vers elle. Les architectes
paysagistes doivent en tenir compte. Prenez Laval. On a dit que
c'était la banlieue, mais il existe un esprit lavallois.
Cette ville a sa personnalité.»
Dans ce contexte, l'architecte paysagiste élaborera des
projets en collaboration avec plusieurs autres spécialistes
de façon à tenir compte des schémas d'aménagement,
plans de zonage et règlements d'urbanisme propres à
chaque région et à chaque ville.
«La multidisciplinarité sera synonyme de projets
réussis, dit M. Williams. Les projets d'aménagement
qui ont été ratés ces dernières années,
et je ne les nommerai pas, sont ceux qui se sont réalisés
en l'absence de collaboration.»
Même si elle n'a pas modifié en profondeur le contenu
de son programme depuis quelques années, l'École
d'architecture de paysage a adopté certaines politiques
qui tiennent compte du contexte dans lequel évolue la profession.
Le lancement d'un nouveau programme de certificat en design des
jardins en est un exemple probant.
De leur côté, les étudiants du baccalauréat
ont appris à manipuler de nouveaux outils de travail tels
des logiciels de planification, de géomatique, etc.
Dernier élément à considérer: les
affaires. «Nous devons former les étudiants pour
qu'ils tiennent de plus en plus compte de l'économie. Nous
vivons dans un monde qui tourne avec l'argent et c'est une réalité
avec laquelle ils doivent composer», conclut le nouveau
directeur.
André Duchesne