Le
clonage humain nest pas pour bientôt
«On
nest pas seuls dans nos labos», met en garde un chercheur.
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Quelque 15 mères
porteuses, 19 embryons, 64 tentatives. Voilà ce dont ont eu
besoin les spécialistes du clonage et des techniques de reproduction
assistée pour donner naissance à Starbuck II, une copie
intégrale du supergéniteur Starbuck qui a donné
la vie à plus de 200 000 femelles. «Le veau se porte
bien. Sa croissance est un peu supérieure à la moyenne,
mais on peut le comprendre: cest le veau le plus gâté
du pays. Il a une étable à lui tout seul.»
Lawrence Smith, professeur à la Faculté de médecine
vétérinaire et père technologique de ce clone,
retient toutefois son enthousiasme. «Cest à la
puberté quon verra si lanimal produit une semence
aussi bonne que celle de Starbuck», explique-t-il. Pour le Centre
de recherche en reproduction animale, qui détient les droits
sur lanimal, Starbuck II est un veau dor. Loriginal
avait engendré des revenus totaux de 25 M$.
Cette histoire nest pas nouvelle. Ce qui est étonnant,
cest que le professeur Smith ait présenté sa méthode
devant un auditoire de médecins, et pas nimporte lesquels.
Ceux du Département dobstétrique-gynécologie,
qui tenait son congrès annuel le 27 avril dernier. Quand
on pense que les techniques de reproduction médicalement assistée
proposées dans les cliniques de fertilité humaine ont
été mises au point dabord dans les laboratoires
de médecine vétérinaire, on peut se demander
si le clonage reproductif est pour bientôt. «On ne sait
pas encore si le clonage reproductif est biologiquement possible,
explique M. Smith. On a encore beaucoup de problèmes.»
Y a-t-il un vieillissement précoce des clones? Pourront-ils
se reproduire comme les animaux normaux? Il est encore trop tôt
pour le dire. Mais les défenseurs du clonage ont des raisons
de se réjouir. Dolly, premier mouton cloné, a eu plusieurs
portées dagneaux normaux et ses télomères
ne sont pas affectés, comme on lavait dabord craint.
«Y aura-t-il des clones humains? Certainement pas dans un avenir
proche», conclut le chercheur.
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François
Pothier |
Toile daraignée dans lait de chèvre
«Si lon greffe un cur de porc à ma copine,
maimera-t-elle encore?» a demandé un homme à
une conférence de François Pothier, spécialiste
de la transgenèse animale. Question moins bête quelle
en a lair, selon lui. Le cur a une valeur symbolique,
même sil a une fonction mécanique.
Invité à parler de son sujet de recherche, le professeur
du Département des sciences animales de lUniversité
Laval a résumé quelques exploits récents de la
biotechnologie: des souris dépressives qui permettent détudier
les variations des glucocorticoïdes dans le cerveau, des animaux
transgéniques permettant de comprendre le cancer et la génétique
ou de tester des médicaments.
Dans le domaine de lagroalimentaire, la transgenèse permet
de modifier les organismes en vue daugmenter leur rentabilité.
Une lignée de porcs transgéniques a donné par
exemple à lAustralie, dès les années 90,
une viande beaucoup plus maigre que celle des porcs ordinaires. Mais
on la retirée des étals à cause de la grogne
anti-OGM. On trouve déjà sur le marché des saumons
transgéniques qui croissent à une vitesse phénoménale:
en huit mois, les individus atteignent le poids de poissons âgés
de quatre ans.
La transgenèse permet aussi de transformer les animaux en bioréacteurs.
Cest ainsi que la firme québécoise Nexia veut
produire du fil daraignée dans du lait de chèvre.
Il suffira de traire la chèvre pour extraire la molécule.
Le laboratoire de M. Pothier tente actuellement de faire breveter
un principe similaire chez le porc. Plus précisément
le sperme de porc. Le porc produirait une molécule humaine
quon pourrait recueillir dans léjaculat.
La xénogreffe est aussi une avenue pleine de promesses, a expliqué
le conférencier. Mais plusieurs problèmes, comme la
transmission de rétrovirus, doivent être réglés
avant de passer aux actes.
Des chercheurs «éthiques»
Tout cela ouvre-t-il la voie à la manipulation génétique
humaine? «Cest curieux, mais on nentend plus parler
de Dolly, que de Raël», dit-il en faisant référence
au gourou des raéliens, qui favorisent ouvertement le clonage
humain.
Au cours de ses travaux, François Pothier a été
confronté à des enjeux éthiques considérables,
au point où il a fait appel à divers spécialistes
des sciences humaines pour laider à orienter sa démarche
dhomme de science. «Ce nétait pas évident
au départ, relate-t-il. À notre comité siégeaient
des philosophes, des éthiciens, des théologiens et une
végétarienne qui avait fait son doctorat sur le droit
des animaux
»
Les discussions de son comité déthique de la recherche,
non officiel mais structuré, ont été très
fructueuses, reconnaît le chercheur qui a dû, par la suite,
renoncer à certains projets de recherche pour des raisons éthiques.
«On nest pas seuls dans notre laboratoire, dit-il. Les
interrogations du public doivent nous occuper lesprit. Le bien-être
humain doit-il avoir préséance sur les droits des animaux?
Y a-t-il une limite au transfert de gènes interespèces?
Quel est leffet sur la culture de lanimal-usine?»
Les discussions ont parfois été ardues, constate le
chercheur, mais elles ont «remis les choses à leur place»,
selon ses termes. «Cest lun des plus beaux trips
intellectuels que jai faits», résume-t-il.
Le colloque annuel du Département dobstétrique-gynécologie
de lUniversité de Montréal présentait,
en plus de cette conférence publique, des conférences
scientifiques et des communications par affiches. Les travaux des
professeurs et des collaborateurs du Département se font en
recherche à la fois clinique et fondamentale.
Mathieu-Robert
Sauvé