LOrdre
du mérite à Jocelyn Demers
Cofondateur
de Leucan, il a soigné des centaines denfants cancéreux.
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Le
Dr Jocelyn Demers est le 34e lauréat de la médaille
de lOrdre du mérite de lAssociation des
diplômés. Il est félicité par
Pierre Pilote (à gauche) et applaudi par Jacques
Chagnon (à droite). |
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À la fête
des Pères, le 20 juin 1979, le Dr Jocelyn Demers a eu à
annoncer à Pierre Bruneau que son fils était atteint
de leucémie lymphoblastique aiguë. «Le pire des
cadeaux imaginables pour un père», se souvient le lecteur
de nouvelles de TVA. Le pronostic laissait peu despoir de guérison
à cette époque, et lenfant est décédé
peu après.
Lhémato-oncologue pédiatrique et M. Bruneau sont
pourtant devenus des amis et, deux décennies plus tard, une
aile complète de lhôpital Sainte-Justine porte
le nom de Charles Bruneau, la jeune victime du cancer du sang. «Si
mon fils a été lâme de ce centre consacré
à la cancérologie, Jocelyn Demers en a été
le bâtisseur», dit aujourdhui M. Bruneau dans une
présentation audiovisuelle diffusée le 16 mai dernier,
au Gala annuel de lOrdre du mérite. Le Dr Demers, qui
a obtenu son diplôme de la Faculté de médecine
en 1965, est le 34e lauréat de la médaille de lOrdre
du mérite, qui a aussi été remise à Pierre
Elliott Trudeau, Robert Bourassa, Antonio Lamer et Pierre Péladeau.
Dautres personnalités ont tenu à lui rendre hommage
dans la vidéo qui lui est consacrée, une réalisation
de Jean Lefrançois, de la Direction générale
des technologies de linformation et de la communication de lUniversité
de Montréal (DGTIC). «Jaurais aimé être
son étudiant, dit le doyen de la Faculté de médecine,
Patrick Vinay. Cest un homme de feu et de passion.» Pour
son collègue Georges-Étienne Rivard, pédiatre
à lhôpital Sainte-Justine, le Dr Demers est une
personne «dévouée et généreuse».
De plus, il est toujours de bonne humeur
Cela peut sembler surprenant
pour un médecin qui vit quotidiennement avec des enfants cancéreux.
Cette attitude est communicative. À lhôpital, il
nest pas rare de voir des enfants lui sauter dans les bras.
Un cancer quon soigne mieux
Il faut dire que les traitements du cancer chez lenfant ont
connu une amélioration notable depuis deux décennies.
Quand on visite les cinq étages du pavillon Vidéotron,
construit à lextrémité ouest de lhôpital
Sainte-Justine au coût de 17 M$, on ne peut sempêcher
de penser aux drames qui se vivent dans les corridors et les chambres
de soins ambulatoires ou de longue durée. Surtout lorsquon
croise les regards des enfants chauves qui se baladent avec leur support
à transfusion.
«Cela paraît pire vu de lextérieur, confiait
aux Diplômés Jocelyn Demers au cours dun
entretien en 1998. Pour deux raisons: la première, cest
quon guérit aujourdhui 80 % des cas de leucémie
lymphoblastique aiguë, alors quon nen guérissait
aucun dans les années 70. Sur ce plan, le changement est complet.
Cest le jour et la nuit. La seconde raison, cest que les
enfants restent des enfants. Ils veulent rire, samuser, jouer
avec leurs amis. Ça semble étrange à dire comme
ça, mais je travaille dans un milieu très positif,
beaucoup plus blanc que noir.»
Le Dr Demers nest pas pour autant jovialiste. Cette fabuleuse
réussite de la médecine (tous cancers confondus, ce
sont plus de 70 % des jeunes patients qui connaissent la guérison)
a rendu les équipes médicales très sensibles
aux décès qui, malgré tout, demeurent fréquents
dans un service doncologie. «Quand survient une maladie
fatale au milieu dune leucémie par exemple, ça
fait très mal. Nous ne lacceptons pas. Comme si nous
avions perdu lhabitude de voir nos patients mourir...»
Autre élément qui rend la vie de clinicien difficile:
la souffrance provoquée par les traitements. Ponctions lombaires,
prises de sang, transfusions, ponctions de moelle osseuse, radiographies,
tests biochimiques accompagnent de façon quasi quotidienne
les médications qui provoquent encore de douloureux effets
secondaires, dont lalopécie (perte des cheveux) est lun
des moindres.
Les enfants du Dr Demers ne cachent pas que leur père est très
sensible à la souffrance de ses patients. Son fils François,
qui a choisi la médecine, se souvient quà sa première
année détudes son père avait témoigné
de cette humanité devant toute une classe de futurs médecins.
«Il avait dit quil fallait aborder chacun de nos patients
comme sils étaient des membres de notre propre famille»,
confie-t-il dans la vidéo de la DGTIC.
Hommage dAndré Chagnon
Président dhonneur de la soirée, le fondateur
de Vidéotron, André Chagnon, a rappelé que le
Dr Demers a travaillé durant trois ans dans un hôpital
de Tunis dès lobtention de son diplôme de médecin.
«Il fallait une bonne dose de courage et dabnégation
pour quitter lAmérique du Nord et son abondance afin
daller porter secours aux enfants miséreux de la Tunisie,
estime-t-il. Voilà qui nous donne une bonne indication de la
façon dont le Dr Demers entendait mener sa carrière
de pédiatre.»
M. Chagnon a rappelé que Charles Bruneau avait lancé
une phrase qui avait eu un impact considérable tant auprès
des bailleurs de fonds quauprès de la population en général:
«Quand je serai grand, je serai guéri!» En fondant
Leucan en 1978, puis en participant activement à la création
de la fondation Charles-Bruneau, le Dr Demers aura contribué
de près à lutte contre le cancer chez lenfant.
Le président de lAssociation des diplômés,
Pierre Pilote, avait précédemment rappelé que
lOrdre du mérite est décerné chaque année
à une personnalité ayant obtenu son diplôme de
lUniversité de Montréal. Trois critères
motivent le choix du comité de sélection, formé
danciens présidents de lAssociation: le déroulement
exceptionnel dune carrière, une contribution indéniable
à lavancement de la collectivité et un apport
certain au rayonnement de lUniversité de Montréal.
Mathieu-Robert Sauvé