Porteur
deau
Un
étudiant à la maîtrise met fin à la polémique
sur le mécanisme de transport de leau à travers
la membrane cellulaire.
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Les
trois chercheurs qui ont rétabli le principe de léquilibration
osmotique comme seul mécanisme de transport de leau
à travers une membrane biologique: Pierre Bissonnette,
Jean-Yves Lapointe et Pierre-Pascal Duquette, ce dernier
étant lauteur principal de létude. |
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Pierre-Pascal
Duquette, du Département de physique, peut se vanter dêtre
parmi les rares étudiants à la maîtrise à
avoir vu ses résultats de recherche diffusés dans une
publication scientifique internationale du calibre de la revue de
lAcadémie nationale des sciences des États-Unis.
Le 27 mars dernier, Proceedings of the National Academy of Sciences
(PNAS) publiait ses travaux, qui rétablissent le principe
de léquilibre osmotique comme seul mécanisme du
transport de leau à travers les membranes biologiques.
Ce principe de biophysique, admis depuis une centaine dannées,
a été remis en question en 1996 par un chercheur réputé
de lUniversité de Californie à Los Angeles, Ernest
Wright. Ce dernier soutient avoir démontré quune
protéine membranaire de transport du sodium et du glucose aurait
aussi la propriété de pomper de leau, ce qui constituerait
un second mode de transport de leau à travers la membrane
dune cellule.
Le problème, cest quun tel mécanisme nécessite
une dépense dénergie de la part de la cellule,
alors que le transport passif de leau par équilibration
osmotique ne requiert aucune énergie.
Léquilibre osmotique
«Les travaux de M. Wright ont dérangé beaucoup
de monde et nous trouvions les conclusions douteuses», affirme
Jean-Yves Lapointe, professeur au Département de physique et
directeur du travail de Pierre-Pascal Duquette.
Pour saisir lenjeu, qui a dimportantes conséquences
sur le plan des connaissances fondamentales, il faut se remémorer
nos cours de physique 101. Le principe de léquilibration
par osmose, on sen souvient tous! établit que le mouvement
de leau entre deux compartiments séparés par une
membrane perméable seffectue du milieu le plus dilué
vers le milieu le plus concentré.
«Leau est attirée par pression vers le milieu plus
concentré parce quil y a proportionnellement moins deau
dans cet espace que dans lautre», explique Jean-Yves Lapointe.
Dans une cellule, lentrée deau peut seffectuer
selon ce même principe lorsque la cellule contient plus de soluté
que son milieu ambiant. Le passage de leau peut se faire alors
par lintermédiaire des aquaporines, des protéines
membranaires spécialisées qui ne laissent passer que
leau.
À laide dufs de grenouille sur lesquels la
protéine de transport du sodium et du glucose a été
exprimée en grande quantité, Ernest Wright a observé
que ce cotransporteur semblait aussi laisser passer leau. Après
quelques secondes dans une solution de glucose et de sodium, luf
de grenouille se trouvait gonflé par un flux correspondant
qualitativement à 270 molécules deau par molécule
de glucose transporté.
Le principe est rétabli
«Nous avons refait lexpérience et nous sommes arrivés
aux mêmes résultats, mais nous ne sommes pas daccord
avec linterprétation de M. Wright», déclare
le professeur Lapointe.
Lexpérience de Pierre-Pascal Duquette, réalisée
au sein du Groupe de recherche en transport membranaire, et lanalyse
fine des résultats montrent que la cellule ne se gonfle deau
quune dizaine de secondes après que le glucose et le
sodium y ont pénétré, ce qui signifie que leau
ne passe pas instantanément avec ces nutriments.
«Lexplication, cest que lentrée du
glucose et du sodium dans la cellule crée localement un déséquilibre
de concentration entre les deux milieux, ce qui provoque une entrée
deau en vertu des lois de losmose», soutient le
professeur. Il ny a donc pas de «porteurs deau»
aux portes de la cellule.
La démonstration a été acclamée par la
communauté scientifique, qui voit ainsi rétabli le principe
de léquilibration osmotique comme seule force motrice
permettant le transport de leau à travers une membrane
biologique. Léditeur du PNAS, où avaient dailleurs
été publiés les résultats de M. Wright,
sest dit très heureux de diffuser le travail de Pierre-
Pascal Duquette. Ce travail a par ailleurs fait lobjet dun
commentaire élogieux dune sommité mondiale dans
le domaine du transport membranaire, le professeur S.G. Schultz, de
lUniversité de Houston.
«On ne sattendait pas à ce que cette recherche
ait autant dimpact», reconnaît M. Lapointe. La polémique
nest toutefois pas close: le chercheur devra aller défendre
ses conclusions dans un débat avec Ernest Wright au congrès
international de physiologie, qui se tiendra en août prochain
en Nouvelle-Zélande.
Daniel
Baril