Lamygdale
et la perception des émotions
Nathalie
Gosselin a démontré le rôle de lamygdale
dans la perception des émotions évoquées par
la musique.
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Chef
dorchestre du laboratoire de neuropsychologie de la
musique
et de la cognition auditive, la professeure Isabelle Peretz
(à droite) dirige la recherche doctorale de Nathalie
Gosselin sur la neuropsychologie de la musique et des émotions. |
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Lorsquun
visage se crispe de peur, cest lamygdale, un petit centre
nerveux gros comme un dé situé dans le cerveau, sous
le cortex, qui gère les opérations. Mais on croit quelle
a aussi un rôle dans la reconnaissance des émotions suscitées
par la musique.
Lamygdale à ne pas confondre avec les glandes
du pharynx est de plus en plus étudiée par les
neuropsychologues. «Ce nest pas la seule zone cérébrale
associée à la musique, précise Nathalie Gosselin,
qui mène une thèse de doctorat en recherche et en intervention
sur le sujet. Mais lamygdale semble permettre la reconnaissance
de certaines émotions musicales, notamment la peur, la tristesse
et lapaisement.»
À loccasion dune conférence prononcée
dans le cadre du colloque annuel du Groupe de recherche en neuropsychologie
expérimentale, létudiante au Département
de psychologie a présenté les résultats de son
étude. Sa recherche, financée par le CRSNG, vient corroborer
les autres travaux de la professeure Isabelle Peretz sur la perception
musicale. Il y a quelques années, la spécialiste du
«cerveau musical», qui est également la directrice
de recherche de Mme Gosselin, a mis en évidence lexistence
dun réseau neurologique propre à cette fonction.
Mme Peretz a par ailleurs démontré, grâce à
des études menées auprès de personnes atteintes
de lésions cérébrales, la présence de
deux mécanismes distincts liés à la perception
musicale: lun traiterait les aspects émotionnels communiqués
par la musique et lautre les aspects cognitifs, comme la reconnaissance
ou la mémorisation dun air. En clair, notre réaction
émotionnelle à la musique nimpliquerait pas les
mêmes circuits cérébraux que ceux particuliers
à la cognition.
Détection du danger
Les travaux de Nathalie Gosselin, auxquels a contribué le Dr
Robert Adolphs, de lUniversité de lIowa, sinscrivent
dans la poursuite de cette compréhension des principes dorganisation
cérébrale et des processus associés à
la perception de la musique.
«Je me suis particulièrement intéressée
au rôle de lamygdale, dit la neuropsychologue âgée
de 26 ans, car une étude américaine a démontré
une relation entre cet organe et la reconnaissance de la peur évoquée
par les expressions faciales. Mais le rôle de lamygdale
dans la perception des émotions transmises par la musique navait
jamais été étudié auparavant.»
Pour mener ses recherches, Mme Gosselin a eu recours à un sujet
connu dans la littérature scientifique sous le nom de S.M.
Cette dame, atteinte depuis sa naissance de la maladie de Urbach-Wiethe
(affection très rare caractérisée par une atteinte
sélective de lamygdale), reconnaît adéquatement
les émotions dans lintonation de la voix (prosodie).
Mais elle éprouve de la difficulté à discerner
la peur dans les expressions du visage. S.M. a été soumise
à lécoute dune série de stimuli musicaux
afin de déterminer si elle pouvait déceler les aspects
émotionnels de la musique tels que la peur, la tristesse, la
gaieté et lapaisement.
Par quelle méthode? «Si lon manipule les paramètres
musicaux, soit le tempo (lent/rapide) et le mode (mineur/majeur),
une mélodie peut suggérer une émotion particulière,
répond la doctorante. Par exemple, un tempo rapide et un mode
majeur sont généralement associés à la
gaieté alors quun tempo lent et un mode mineur évoquent
la tristesse.»
Les résultats, comparés avec ceux obtenus auprès
dun groupe contrôle composé dune vingtaine
de sujets normaux, révèlent que S.M. distingue le tempo
et le mode. Mais elle est incapable de reconnaître dans un air
non familier la peur, la tristesse et lapaisement, émotions
correctement perçues par les autres sujets. «Ce trouble
ne peut pas sexpliquer par une perception mélodique déficiente,
soutient Nathalie Gosselin, puisque S.M. détecte la structure
musicale et lintrusion de notes discordantes dans une mélodie.»
Selon la chercheuse, ceci confirme que lamygdale nest
pas restreinte à la reconnaissance de la peur évoquée
par les expressions faciales, mais joue également un rôle
dans la perception de certaines émotions suscitées par
la musique. Ce quon ne sait pas, cest pourquoi la dame
en question discerne correctement une mélodie gaie. Plusieurs
hypothèses, dont celle invoquant la facilité à
reconnaître le mode majeur, ont été formulées.
Mais, pour le moment, lexplication la plus acceptée serait
que lamygdale est davantage liée aux émotions
dites négatives ou à la détection du danger.
«Le fait que S.M. tend à accorder spontanément
sa confiance à nimporte qui semble appuyer cette possibilité»,
signale Nathalie Gosselin, qui poursuit actuellement ses travaux au
laboratoire de neuropsychologie de la musique et de la cognition auditive.
Dominique
Nancy
On
peut entendre des extraits des stimuli musicaux émotionnels
utilisés pour cette recherche sur le site Web du laboratoire
de neuropsychologie de la musique et de la cognition auditive: http://www.fas.umontreal.ca/psy/iperetz.html.