La
nécessaire et urgente réflexion sur les «biosciences»
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Chaque année,
le recteur de lUniversité de Montréal livre, au
cours de la collation des grades, une réflexion sur un sujet
dimportance cruciale pour lavenir de lenseignement
universitaire. Cette année, le recteur Robert Lacroix a abordé
lépineuse question de limpact social que peuvent
avoir les recherches dans le domaine des sciences de la vie.
«Les sciences physiques et le génie ont été
à lorigine dune rapide évolution des connaissances
et dune amélioration du bien-être des individus,
a-t-il rappelé. Mais en ce qui regarde la qualité de
vie, tout nous porte à penser que ce sont les sciences de la
vie qui, dans les années qui viennent, connaîtront les
développements les plus fulgurants. Ces sciences permettront
de modifier lindividu dans sa nature profonde, déradiquer
certaines maladies et den traiter dautres avec une efficacité
aujourdhui inconnue. Par ailleurs, la recherche sur le génome
humain permettra dici peu de tracer le profil génétique
de chacun dentre nous et de prédire ainsi les maladies
dont nous risquons de souffrir au cours de notre vie.»
Aux yeux du recteur, cette perspective est à la fois inquiétante
et prometteuse. «Inquiétante, car elle touche directement
à la vie privée des individus. Prometteuse, car elle
pourrait bien révolutionner les techniques de prévention
en empêchant, par une thérapie appropriée, lapparition
de maladies ou danomalies qui menacent de réduire la
durée et la qualité de vie dun individu.»
Clonage et OGM: une réflexion à faire
Le clonage et la production dorganismes génétiquement
modifiés (OGM) sont de bons exemples dapplications des
connaissances biologiques qui à la fois suscitent des inquiétudes
et font naître des espoirs. Dans ce domaine, M. Lacroix a souligné
la voie ouverte par le clonage, notamment celui du taureau reproducteur
Starbuck réalisé par la Faculté de médecine
vétérinaire.
Dautres réalisations visent la modification génétique
des organismes. «Ce vaste champ dexploration est en plein
essor et plusieurs animaux transgéniques sont maintenant utilisés
pour produire avec une efficacité accrue des protéines
humaines. Des expériences semblables sont aujourdhui
menées sur des végétaux servant à lalimentation
aussi bien des animaux que des êtres humains. Il ne faut donc
pas être devin pour voir que les biosciences vont
connaître dans les prochaines années une évolution
très rapide, marquée par de nouvelles découvertes
et dinnombrables applications, et quelles auront sur le
bien-être des individus des effets aussi, sinon plus importants
que les sciences physiques par le passé.
«Dans ce contexte, la recherche dans ce secteur sera sans doute
de plus en plus soumise à des contraintes dordre éthique,
moral, religieux, culturel et environnemental, comme en témoignent
déjà les réactions provoquées par larrivée
récente des OGM sur le marché.»
Selon le recteur, nos sociétés ne pourront faire léconomie
«dune réflexion en profondeur sur la révolution
génétique que plusieurs de nos diplômés
daujourdhui ont contribué à accélérer.
Cette réflexion est nécessaire et dautant plus
urgente quelle seule pourra éclairer convenablement une
large partie de la population sur la nature réelle des découvertes
scientifiques et éviter ainsi des opérations de désinformation
qui risquent non seulement dorienter faussement les discussions
mais aussi de freiner le développement et la recherche.»
LUdeM trace la voie
Robert Lacroix a également invité la communauté
scientifique à sengager dans ce débat et à
jouer pleinement son rôle de vulgarisateur. Ce débat
étant par nature multidisciplinaire, il lui apparaît
essentiel que des considérations éthiques, environnementales
et sociétales soient introduites dans lensemble de ses
programmes scientifiques et professionnels.
Dans cette optique, lUniversité de Montréal sest
dotée cette année dun centre déthique
destiné à devenir un centre dexpertise et de référence
de stature internationale dont le mandat est de promouvoir les activités
de formation et de recherche dans le domaine de léthique
et de contribuer à leur rayonnement.
«Nous avons également consacré trois chaires de
recherche du Canada à cette thématique denseignement
et de recherche, lune en droit et deux en philosophie»,
a rappelé le recteur.
«Nous souhaitons vivement que cet effort concerté de
réflexion sintensifie avec les ans et quil produise
les résultats les plus susceptibles daider notre société
à entrer de plain-pied et sereinement dans la nouvelle ère
scientifique qui se dessine aujourdhui», a-t-il conclu.
Daniel
Baril