Les
professeurs des HEC sont heureux dans leur nouveau pavillon
Mais
ils ne sont pas plus motivés que leurs collègues de
lUQAM.
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Construit
en 1996 par larchitecte Dan S. Hanganu, le nouvel
immeuble de lÉcole des Hautes Études
Commerciales est adapté à un enseignement
moderne de la gestion. L'École des HEC, dont le bâtiment
a remporté un prix dexcellence en architecture
dans la catégorie «architecture institutionnelle»,
offre 29 programmes détudes en gestion
couvrant les trois cycles de lenseignement universitaire. |
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La majorité
des professeurs et des gestionnaires de lÉcole des Hautes
Études Commerciales (HEC) apprécient lenvironnement
de travail que procure le nouveau bâtiment construit par larchitecte
Dan S. Hanganu. Laménagement a pour effet daugmenter
les échanges et les collaborations entre les collègues.
Cest du moins ce que révèle une étude réalisée
par Jean Morval, professeur au Département de psychologie.
Les résultats de la recherche menée auprès de
400 professeurs, cadres administratifs et étudiants de
deux écoles de gestion francophones de Montréal ne permettent
cependant pas détablir un lien direct entre la motivation
au travail et lappropriation de limmeuble par les usagers.
Tout laissait pourtant croire que les étudiants et le personnel
de lÉcole des HEC seraient plus motivés que ceux
de lÉcole des sciences de la gestion de lUQAM.
Car le bâtiment des HEC concentre ce quon peut faire de
mieux en matière daménagement: lumière
naturelle, confort acoustique, circulation de lair à
lintérieur des pièces et espaces verts avoisinants.
«Lenvironnement construit nagit sur la motivation
que sil est lié à des variables sociales qui confèrent
à la personne une place au sein de lorganisation, soutient
M. Morval. Ainsi, la culture organisationnelle de lUQAM semble
contrebalancer les lacunes de son bâtiment, fonctionnel mais
sans luxe.»
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«La
relation avec lespace est une dimension qui doit être
prise en considération dans notre approche du monde du
travail», selon le psychologue Jean Morval. |
Les
résultats
Létude portait sur trois catégories dutilisateurs
de limmeuble du 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
(HEC) et du pavillon situé à langle des rues Sainte-Catherine
et Sanguinet (UQAM). Le chercheur a dabord soumis un questionnaire
aux étudiants, qui devaient évaluer leur utilisation
de lespace selon 37 critères applicables à des
établissements dune telle envergure. Lanalyse des
données a permis de retenir trois indicateurs nécessaires
à lappropriation de lespace: connaissance des lieux,
effets stimulants de lenvironnement de travail et accès
facile aux différentes sections du bâtiment.
Les résultats révèlent que les étudiants
des HEC ont tendance à être plus actifs que ceux de lUQAM
dans lappropriation des lieux, un comportement associé
hypothétiquement à la motivation au travail. Les qualités
de limmeuble des HEC «dont le seul budget
de construction a dépassé les 100 millions!» fait
remarquer M. Morval feraient en sorte quils y passent
plus de temps. En revanche, les étudiants de lUQAM se
disent plus motivés que ceux des HEC. Daprès le
professeur Morval, cela peut sexpliquer par le fait que la population
étudiante de lUQAM, plus âgée, est davantage
engagée dans lorientation des programmes.
«La place accordée à létudiant a
un impact sur la motivation aux études, souligne-t-il. Les
étudiants des HEC ont beau utiliser des locaux prestigieux
dotés dune technologie récente, ils semblent appartenir
à des programmes plus traditionnels dont la responsabilité
se trouve surtout entre les mains du corps professoral.»
Pour le personnel (corps enseignant et administratif), les données
indiquent que la motivation et lappropriation de lespace
sont semblables dune école à lautre. Sauf
en ce qui concerne la satisfaction au travail des gestionnaires. Ceux
de lUQAM montrent un niveau de satisfaction beaucoup plus bas
comparativement aux cadres administratifs des HEC, indique le psychologue
industriel. Selon lui, cette différence est imputable aux qualités
de laménagement puisque les conditions de travail sont
sensiblement les mêmes.
La régulation de lintimité
Depuis les années 80, Jean Morval sintéresse à
la psychologie de lenvironnement. Cette dimension de la psychologie,
popularisée par la crise de lénergie et la montée
de lécologie, vise à comprendre le comportement
humain en tenant compte de lenvironnement naturel, social et
bâti. Au début, les chercheurs se sont penchés
sur les liens entre létat psychologique des gens et laménagement
despaces particuliers comme les cellules des prisons et les
chambres des hôpitaux psychiatriques. Peu à peu, létude
des processus psychosociaux sest étendue à des
macroenvironnements tels les quartiers et les villes.
«Différents facteurs environnementaux peuvent par exemple
causer du stress à lindividu, notamment le bruit, la
pollution et la violence. Létude de la relation entre
ces variables devient de la psychologie environnementale à
partir du moment où les problèmes ne sont pas strictement
liés à lenvironnement construit, explique M. Morval.
Comme utilisateurs de lespace, on ne fait pas que subir les
influences de lenvironnement, on influe également sur
notre milieu par des actions directes.»
Une situation typique: les bousculades dans le métro aux heures
de pointe. Limpression désagréable quon
peut ressentir face à lentassement serait liée
au manque de contrôle sur le nombre de personnes qui nous entourent
plutôt quà la promiscuité elle-même.
«Lorsquon se retrouve dans un stade ou à un concert,
par exemple, on nest pas mal à laise avec la densité
puisquen quelque sorte on a recherché leffet de
foule», déclare le psychologue industriel.
Dans une étude effectuée auprès de résidants
de trois quadrilatères de la municipalité dOutremont,
à Montréal, le professeur Morval a dailleurs démontré
que la régulation des échanges et de lintimité
joue un rôle important dans la satisfaction à légard
de son milieu de vie. Dans le «haut Outremont», les gens
se trouvent sur de grandes surfaces dans des maisons unifamiliales;
le «moyen Outremont» est caractérisé par
des maisons semi-détachées; et le «bas Outremont»,
par des triplex.
«Les personnes les plus heureuses sont bien souvent celles qui
habitent le quartier dit moyen, fait valoir le chercheur. Ce sont
des gens qui peuvent se retirer chez eux quand ils le veulent, mais
qui ont aussi la possibilité de parler et dinteragir
avec les voisins. Cela se fait rarement dans les maisons unifamiliales
avec de grands terrains. Ces propriétaires se plaignent de
lisolement et dun manque de stimulation sociale. À
linverse, ceux qui habitent le bas Outremont trouvent
difficile de sisoler de leurs voisins, notamment à cause
de la forte proportion de personnes par hectare et des lacunes sur
le plan de linsonorisation des murs.»
Le même phénomène se produit souvent dans les
bureaux à aires ouvertes où des cloisons offrent un
espace semi-privé et semi-public. «Les gens ne peuvent
plus se soustraire au regard dautrui, signale M. Morval. Or,
des études ont montré que les individus constamment
vus par les autres deviennent plus stressés. Sil y a
trop disolement ou dinteraction dans notre société,
cest quelle construit des espaces de vie et de travail
en fonction doptions politico-économiques qui fonctionnent
souvent sur la base de clivages.»
Dominique Nancy