Les
chaires de recherche du Canada
«Elles
nous rendent enfin plus compétitifs sur le plan international»,
déclare Alain Caillé.
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Président
sortant de lACFAS, Alain Caillé aime son travail
de vice-recteur à la recherche à lUniversité
de Montréal, surtout en cette période de croissance.
Il a occupé le même poste à lUniversité
de Sherbrooke, où se déroulait le dernier
congrès de lACFAS. |
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Jusquà
lan dernier, un chercheur établi aux États-Unis
ou en Europe balayait souvent du revers de la main les offres demploi
duniversités canadiennes. En règle générale,
le Canada ne faisait pas le poids auprès dun homme ou
dune femme de science: baisse de salaire, moins bonnes conditions
de travail, équipement de laboratoire désuet, taux dimposition
plus élevé
Les choses ont changé, selon le vice-recteur à la recherche,
Alain Caillé. La création de la Fondation canadienne
pour linnovation (FCI), dotée dun budget de 10 milliards
de dollars sur 12 ans, et laugmentation globale des sommes gouvernementales
ont donné un nouveau souffle à la recherche au pays.
« Des Québécois ou des étrangers installés
aux États-Unis se mettent en relation avec nous et nous pouvons
désormais leur offrir des conditions compétitives sur
le plan international», dit M. Caillé.
À son avis, le recrutement détoiles montantes
de la recherche et la possibilité de maintenir au pays des
chercheurs de grand renom seront des effets directs du Programme des
chaires de recherche, qui entame sa deuxième année dexistence.
«Ce programme nous permet de rivaliser avec les meilleures universités
dOccident, assure-t-il. Les nombreux chercheurs de haut calibre
qui sont déjà avec nous ont moins envie de partir, et
lon a enfin quelque chose à offrir aux plus prometteurs
qui vivent à létranger.»
Farouchement défendues auprès du gouvernement fédéral
par le recteur Robert Lacroix et son homologue de lUniversité
de Colombie-Britannique, Martha Piper, les chaires de recherche ont
lentement fait leur chemin jusquà lannonce de lapplication
de la politique en octobre 1999. Dun océan à lautre,
ce sont quelque 2000 chaires qui seront créées en fonction
de la performance des établissements. LUniversité
de Montréal et ses écoles affiliées, parmi les
plus actives en recherche avec les universités McGill et de
Toronto, en ont obtenu à elles seules 150.
Il existe deux catégories de chaires: la chaire de premier
niveau, attribuée à des chercheurs confirmés
et accompagnée dun financement de 200 000 $ sur sept
ans, et la chaire de second niveau, destinée aux jeunes chercheurs
et dune valeur annuelle de 100 000 $ sur cinq ans. Les deux
sont renouvelables. À ce montant, lUniversité
de Montréal a décidé dajouter une somme
déjà prévue au budget du salaire du professeur.
Le cas échéant, des subventions courantes obtenues des
organismes subventionnaires se rajoutent. Le Programme prévoit
un montant maximal de 312 500 $ par chaire pour financer son infrastructure
de démarrage.
Le Programme est administré conjointement par le Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), les
Instituts canadiens pour la recherche en santé (ICRS), le Conseil
de recherches en sciences humaines (CRSH), la FCI et Industrie Canada.
Tout nest pas réglé
Selon le vice-recteur, les universités fortement engagées
en recherche souffrent grandement du sous-financement des frais indirects
de la recherche. «Il faut reconnaître que le gouvernement
du Québec a fait un effort hautement louable, mais il est plus
que temps que le taux de financement des frais indirects passe à
40 %.»
Même sil est satisfait du réinvestissement majeur
dans le secteur de la recherche, Alain Caillé ne croit pas
que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour redresser
la barre, les gouvernements ont beaucoup pensé aux équipements,
pas toujours au pain et au beurre. «Les conseils subventionnaires
souffrent dun sous-financement sérieux, estime M. Caillé.
Le CRSNG accorde, en moyenne, des budgets de 35 000 $ par projet.
Cela devrait être le double.»
Comment qualifier létat de la situation au CRSH et aux
ICRS? «Cest encore pire !» lance le vice-recteur.
Les critères de sélection des projets étaient
déjà très élevés; voilà
que la moyenne des subventions fond avec laccroissement du nombre
de demandes. Une situation que le vice-recteur trouve déplorable.
Le secteur des sciences humaines est encore une fois le parent pauvre
du système. Le concept de partenariat avec lentreprise
privée, très à la mode, sy applique plus
difficilement. Il y a bien eu création de chaires en sciences
humaines (lUniversité de Montréal en obtiendra
une trentaine), mais elles demeurent plus rares.
Cest lAssociation des universités et collèges
du Canada qui a incité le gouvernement fédéral
à créer la Fondation canadienne pour linnovation,
et les universités de Montréal et de Colombie-Britannique
qui ont pris le leadership des chaires de recherche. Qui prendra le
relais pour augmenter le budget des conseils subventionnaires?
Un poste régulier au titulaire de la chaire
Quelque 300 personnes seront engagées au cours des trois prochaines
années à lUniversité de Montréal.
Le tiers dentre elles se verront offrir une chaire. Cela signifie
que la politique canadienne aura un impact visible sur le personnel.
Les chaires de premier et de second niveau serviront à retenir
et à recruter des professeurs aux qualités exceptionnelles,
et ceci, partout dans le monde.
Actuellement, lUniversité de Montréal assure un
poste régulier à tout titulaire de chaire de façon
à bonifier le plus possible le montant gouvernemental consacré
à ses travaux. Cest le seul établissement à
agir ainsi. Mais cette politique, qui permet de dégager de
60 000 à 70 000 $ par chaire pour embaucher des stagiaires
postdoctoraux, réaménager les laboratoires ou recruter
des techniciens pourrait être imitée.
«Ce programme intégré nous donne une longueur
davance, dit Alain Caillé. Nos propositions sont considérées
avec beaucoup de sérieux lorsque je rencontre un jeune chercheur
prometteur à New York ou Boston. Jusquà récemment,
il fallait sen tenir à quelques milliers de dollars pour
lancer un laboratoire. Désormais, on est en mesure de recruter
du personnel dans les plus hautes sphères et dans des conditions
exceptionnelles.»
Le vice-recteur a eu un printemps très chaud à titre
de président de lAssociation canadienne-française
pour lavancement des sciences (ACFAS), qui tenait récemment
son congrès annuel. Il est heureux de voir que la situation
de la recherche sest améliorée depuis quelques
années. Mais dautres problèmes surgissent. «Je
passe une grande partie de mon temps, à titre de vice-recteur,
à chercher des solutions aux problèmes despace
pour la recherche. Nous manquons de superficie consacrée aux
laboratoires.»
Qui aurait dit, il y a seulement cinq ans, que lUniversité
de Montréal traverserait une crise de croissance en 2001?
Mathieu-Robert Sauvé