La
puce à loreille
Les
prothèses auditives numériques ne surpassent que faiblement
les prothèses analogiques, mais la voie est prometteuse.
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Selon
Michel Picard, les prothèses auditives numériques
auront complètement remplacé les prothèses
analogiques dici quelques années. |
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Les gens qui portent
des prothèses auditives ont parfois un comportement qui déconcerte
leurs interlocuteurs: en présence dun bruit de fond même
léger ou de plusieurs personnes qui parlent toutes à
la fois, les malentendants ferment leur appareil, coupant ainsi toute
communication avec les autres.
«En percevant les sons par les deux oreilles, nous pouvons établir
un effet profondeur comme pour la vision, explique Michel Picard,
professeur à lÉcole dorthophonie et daudiologie
de la Faculté de médecine. Cette profondeur nous permet
de filtrer, puis de sélectionner linformation sonore
et de nous concentrer sur les paroles dun interlocuteur en oubliant
le bruit ambiant.»
Avec lâge, latrophie des cellules ciliées
responsables de la transformation de lénergie mécanique
du son en énergie électrique entraîne à
la fois une perte dacuité auditive et une diminution
de cette capacité à sélectionner linformation.
La seule compensation mécanique du son par les prothèses
auditives ne suffit pas à rétablir lensemble des
capacités parce que tous les phénomènes sonores
ambiants sont amplifiés. Résultat, la personne ne perçoit
que du bruit lorsque plusieurs sons se mélangent.
Prothèses numériques
Depuis 1995, une nouvelle génération de prothèses
a vu le jour: les prothèses numériques équipées
dune puce capable de séparer le son ambiant et les paroles
dun interlocuteur.
Selon les tests effectués en laboratoire par Michel Picard
pour le compte de la Régie de lassurance-maladie du Québec,
la première génération de prothèses numériques
noffre que peu davantages par rapport aux appareils analogiques.
«Le son est perçu plus fort mais pas nécessairement
de façon plus claire. Toutefois, des progrès ont été
accomplis ces dernières années et les prothèses
de deuxième génération sont dotées dalgorithmes
plus performants et de deux micros directionnels. Elles ne permettent
par contre que de filtrer un bruit constant.»
Selon le chercheur, le principal avantage de ces appareils proviendrait
du système à double micro plutôt que de lélément
numérique comme tel. Ces résultats recoupent en partie
ceux dune étude britannique menée lannée
dernière par le National Institute for Clinical Excellence
et qui concluait que la composante numérique napporte
que peu ou pas damélioration par rapport à celle
analogique.
Pas de tests cliniques
Ces deux études mettent par ailleurs en évidence un
fait troublant: aucun essai clinique nest effectué sur
les prothèses auditives avant leur commercialisation. «Ces
appareils sont conçus en fonction de besoins particuliers,
mais on na pas vérifié si lalgorithme réglait
le problème auquel on a voulu sattaquer», souligne
Michel Picard.
Cet élément doit être pris en considération
par les consommateurs puisque les prothèses numériques
coûtent le double du prix des prothèses analogiques,
soit de 1500 $ à 2500 $ pour les appareils à double
micro. Les modèles portés derrière le pavillon
peuvent durer jusquà quatre ans, mais les modèles
intraauriculaires doivent être remplacés chaque année
à cause de la sudation. Aux yeux du chercheur, ces coûts
paraissent trop élevés par rapport aux avantages.
Les modèles à double micro noffrent par ailleurs
pas la même efficacité selon que le son ambiant arrive
devant ou derrière lauditeur; pour maximiser le rendement
de lappareil, il faut alors se placer en fonction de la provenance
du bruit.
«La technologie na pas encore atteint la perfection de
notre cerveau, mais les promesses dun procédé
plus fin sont là, estime toutefois Michel Picard, selon qui
les espoirs sont permis. Dici quelques années, il ny
aura plus de modèles analogiques sur le marché et le
coût de fabrication des appareils numériques, plus faciles
à produire, va diminuer avec la mise au point de nouveaux algorithmes.»
Tout le défi est là: trouver les bons algorithmes. La
troisième génération de prothèses numériques
annonce déjà des programmes pouvant ajuster les voyelles
graves et les consonnes aiguës et distinguer non seulement un
son ambiant constant mais aussi des bruits soudains. À brève
échéance, les chercheurs entrevoient même pouvoir
offrir des produits qui répondront aux besoins particuliers
de chaque malentendant.
Daniel
Baril