Volume 35 numéro 28
23 avril
200
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COURRIER

L’utilité d’un programme de mineur en études portugaises

Des démarches sont actuellement en cours pour mettre sur pied un programme d’études de la langue et des cultures d’expression portugaise à l’Université de Montréal par la création d’un mineur au Département de littératures et de langues modernes de la Faculté des arts et des sciences. Cette initiative doit être encouragée. En ce moment, bien qu’il existe un lectorat de portugais et un module de formation en études luso-brésiliennes, les étudiants désireux de poursuivre leurs études au-delà des 15 crédits offerts se trouvent dans un cul-de-sac.

Pour les adeptes des langues latines, la langue portugaise ne présente pas de difficultés phonétiques majeures. Elle permet de découvrir des œuvres littéraires qui font partie du patrimoine culturel mondial comme Les Lusiades, de Luis de Camões (1524-1580), et Les Maias, de Eça de Queiróz (1845-1900), ainsi que des auteurs modernes comme le phénomène inégalé que fut Fernando Pessõa (1888-1935), qui créa plus de 72 noms hétéronymes (noms de personnalités différentes sous lesquels il écrivait) dont les 4 plus connus sont eux-même considérés comme de grands écrivains portugais, sans oublier notre contemporain, José Saramago, titulaire du prix Nobel de littérature; pensons aussi à la littérature brésilienne avec Jorge Amado, la littérature africaine avec Mia Couto, Papetela, Grabato Dias, etc. Tous ces écrivains ne sont pas traduits en français ou en anglais. Nombreux sont les Québécois d’origine et d’adoption qui, pour connaître le contexte socioculturel de ces œuvres et pouvoir les lire dans la langue originale, désirent un vrai programme d’études portugaises. L’absence de programme explique le faible nombre d’étudiants qui choisissent actuellement ce cheminement.

D’autres champs d’intérêt aussi se manifestent, ceux-là de nature politique, économique et commerciale. On ignore souvent que le portugais vient au huitième rang des langues les plus parlées dans le monde, avant le français et l’allemand, non seulement en Europe, mais aussi en Amérique, en Afrique et en Asie, sans compter la diaspora portugaise aux quatre coins de la planète. Étant l’une des langues de la Communauté européenne, de l’Union de l’Ouest africain, de l’UNESCO et des Nations Unies, son importance tend à croître. Le poids du Portugal au sein de l’Union européenne, dont il occupait la présidence l’an dernier, et les nombreux protocoles culturels et commerciaux qui s’établissent entre le Portugal et le Canada et le Portugal et le Québec contribuent à accroître l’intérêt pour communiquer dans la langue de Camões.

Sur notre propre continent, la force économique du Brésil est un argument de plus. Avec ses 170 millions d’habitants parlant portugais, le Brésil est la huitième puissance économique du monde et déjà l’un des partenaires commerciaux majeurs du Canada et du Québec. Les échanges culturels et commerciaux avec le Québec ne cessent de croître. À l’heure du Sommet des Amériques, le Québec et le Brésil se sont alliés pour exiger que le français et le portugais soient à l’égal de l’anglais et de l’espagnol, langues officielles de ce nouvel espace de libre-échange. Tout cela rend souhaitable et même nécessaire pour de nombreux Québécois l’apprentissage du portugais.

De plus, il y a au Québec près de 60 000 personnes d’expression portugaise qui habitent la région de Montréal et qui ont le désir de maintenir leur langue et leur culture, de les transmettre à leurs descendants et qui constituent un bassin important de futurs étudiants pour le nouveau programme.

Créer un programme de mineur en études du portugais et de ses diverses expressions culturelles ouvrirait à plusieurs étudiants déjà inscrits dans un programme de langue la voie à un baccalauréat en langues modernes par le cumul de trois certificats, le Département de littératures et de langues modernes offrant déjà des mineurs en études hispaniques, allemandes, italiennes, helléniques (grec moderne).

Il semble que le gouvernement du Portugal, à travers l’institut Camões, soit prêt à appuyer financièrement un tel projet. Le fruit semble mûr. C’est le moment de le cueillir.

Rénald Bujold
Étudiant aux mineurs en études hispaniques et arts et sciences (italien et portugais)