Volume 35 numéro 28
23 avril
2001


 


Un enfant déficient en cache un autre
Les parents doivent éviter de laisser toute la place à la déficience, souligne Francine Ferland.

À partir des principes de l’ergothérapie, le guide d’accompagnement de Francine Ferland cherche à créer une interrelation dynamique permettant aux parents et à leur enfant atteint de déficience de faire des découvertes mutuelles.

Les médias ont largement fait état, au cours des dernières semaines, de situations dramatiques entourant le sort d’enfants déficients: parents débordés, surmenés, déprimés; enfants délaissés, abandonnés ou même euthanasiés…

De tels drames ne sont pas inéluctables. «Les parents doivent apprendre à voir leur enfant déficient d’abord comme un enfant au lieu de le considérer comme un déficient, souligne Francine Ferland, professeure à l’École de réadaptation de la Faculté de médecine. Ces enfants ont plus de similitudes que de différences avec les enfants sans déficience.»

L’autre conseil que donne l’ergothérapeute à ces parents est de «se donner le droit au plaisir afin d’éviter de passer à côté de leur vie».

Au moment où les drames que l’on connaît suscitent des débats sociétaux, Francine Ferland attire l’attention sur une série de petits gestes simples, de trucs pratiques et de conseils qui font l’objet d’un guide qu’elle vient de publier aux Éditions de l’hôpital Sainte-Justine.


Stimuler les capacités

Le volume Un enfant à découvrir s’adresse d’abord aux parents d’enfants déficients, mais tout parent pourra y trouver des conseils judicieux lui permettant de gérer les tâches quotidiennes et de profiter des ressources existantes.

«L’enfant qui souffre d’une déficience physique ou intellectuelle est d’abord un enfant qui a, en plus de ses besoins particuliers, les mêmes besoins qu’un autre enfant: être aidé, être aimé et être stimulé, rappelle Mme Ferland. On oublie que, chez la plupart de ces enfants, les fonctions comme la curiosité, le désir d’apprendre, le sens de l’humour, le goût de jouer et d’avoir du plaisir sont intactes. Le premier rôle des parents est de stimuler ces fonctions positives et de développer le goût de vivre, présent chez tout enfant.»

Les expériences simples que les enfants font normalement d’eux-mêmes nécessitent, pour les enfants déficients, des interventions banales auxquelles on ne pense pas, comme les amener à développer les sens de l’ouïe et du toucher, à découvrir le mouvement, leur expliquer le pourquoi des choses, leur raconter des histoires, leur faire écouter de la musique, etc. Cette stimulation des capacités physiques et intellectuelles saines permet d’ailleurs aux parents d’observer le développement de leur enfant et leur évite de ne voir que la déficience.

«Vous découvrirez chez votre enfant une capacité d’émerveillement que vous ne soupçonniez pas et il y a fort à parier que votre quotidien, tout autant que le sien, deviendra une source de plaisir mutuel», écrit la professeure.


Modèle ludique

Spécialiste du modèle ludique en réadaptation, Francine Ferland accorde beaucoup d’importance au jeu et au plaisir dans son approche. «Selon plusieurs témoignages, l’humour est le meilleur outil pour dédramatiser une situation et faire face à la réalité, affirme-t-elle. Mais les parents doivent aussi apprendre à s’accorder du bon temps, un droit qu’ils se refusent souvent. Pourtant, l’enfant ne perd rien à ce que les parents aient du plaisir, bien au contraire.»

Se faire plaisir signifie se ménager du temps pour les loisirs et les vacances en comptant sur les ressources d’aide et les spécialistes qui peuvent assurer les soins spéciaux. De ce côté, l’ergothérapeute reconnaît qu’il y a une nette insuffisance de services.

«On demande aux parents de suppléer au manque de ressources, mais la famille n’est pas un centre de thérapie. Il y a aussi des disparités régionales dans ces services et les budgets de “répit-dépannage” dans les CLSC sont insuffisants.»

La situation peut aussi être aggravée du fait que certains parents hésitent à demander l’aide de leurs proches ou que les tâches sont inéquitablement réparties dans le couple. «Les mères ont tendance à se considérer comme totalement responsables de la situation et à vouloir assumer cent pour cent des responsabilités, observe Mme Ferland. Les pères sont sensibles à la situation et apportent une aide précieuse, mais demeurent beaucoup moins engagés.»

Pour pallier le manque d’information relatif aux services spécialisés, l’auteure a répertorié, à la fin de l’ouvrage, une série de livres destinés aux parents et aux enfants, ainsi que les adresses Internet d’organismes offrant des services d’aide.

Daniel Baril

Francine Ferland, Au-delà de la déficience physique ou intellectuelle: un enfant à découvrir, collection Parents, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2001, 224 p., 13,95 $.