Redonner
à lhumain son humanité
«Lart
de la reconnaissance au sein des organisations est un précieux
investissement», estime le Dr Serge Marquis.
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À
lamphithéâtre K-500 du Pavillon principal,
quelque 150 personnes ont assisté à la conférence
de Serge Marquis, retransmise simultanément par
satellite à la Faculté de médecine
vétérinaire.
Photo:
François Desaulniers.
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Alors quil
était un jeune médecin, un homme sest présenté
dans le cabinet du Dr Serge Marquis en disant «Je ne sais
plus qui je suis et je suis brûlé». Le docteur
a tout de suite eu limage dun autre patient, celle dun
grand brûlé dont les plaies lempêchaient
de parler.
«Les blessures de lun étaient externes et celles
de lautre se trouvaient à lintérieur. Mais
les deux personnes étaient incapables de communiquer et ressentaient
une détresse psychologique, affirme le Dr Marquis. Le même
phénomène se produit dans le milieu du travail lorsquil
ny a pas de possibilité déchanges. Car lêtre
humain ne peut pas se construire une identité sil ny
a pas despace accordé au dialogue. Cest le pivot
de notre santé mentale.»
Spécialiste en santé communautaire et en santé
au travail, Serge Marquis était le conférencier invité
des comités paritaires de santé et de sécurité
au travail (sections 1186 et 1244) le 18 avril dernier et a sensibilisé
son auditoire à lart de la reconnaissance. «Lart
de la reconnaissance signifie de rendre à lhumain son
humanité», a-t-il souligné. Pour dire la même
chose, le philosophe français Alain Finkielkraut utilise lexpression
«redonner à la vache sa vachéité».
Autrement dit, cessons de considérer la génisse simplement
comme une machine à produire du lait!
À titre de consultant, le Dr Marquis se rend régulièrement
dans les organisations pour aider les employés à redécouvrir
les sources de plaisir dans leur travail. «Le truc, dit-il,
cest dapprendre à ralentir notre pensée,
notre discours et nos actions. Car, comme le signale lastrophysicien
Hubert Reeves, notre efficacité risque de nous détruire.»
Un autre piège: croire que la vie ne vaut la peine dêtre
vécue que dans lextraordinaire alors que le bonheur se
trouve dans le quotidien. On en vient à oublier de se laisser
aller à la vie et à accomplir des gestes machinalement,
sans amabilité ni présence attentive. Sans doute parce
quon les tient pour acquis, comme notre famille et nos collègues
de travail.
Dans de telles conditions, il nest pas étonnant que lépuisement
professionnel et la dépression soient à la hausse dans
nos sociétés modernes. «Il faut mettre la main
à la pâte et engager une réflexion collective
si lon veut mieux comprendre le phénomène, allègue
le Dr Marquis. Car lidée voulant que ça finira
par sarranger avec le temps est complètement fausse.»
Dominique Nancy