Volume 35 numéro 28
23 avril
2001


 


Redonner à l’humain son humanité
«L’art de la reconnaissance au sein des organisations est un précieux investissement», estime le Dr Serge Marquis.

À l’amphithéâtre K-500 du Pavillon principal, quelque 150 personnes ont assisté à la conférence de Serge Marquis, retransmise simultanément par satellite à la Faculté de médecine vétérinaire.

Photo: François Desaulniers.

Alors qu’il était un jeune médecin, un homme s’est présenté dans le cabinet du Dr Serge Marquis en disant «Je ne sais plus qui je suis et je suis brûlé». Le docteur a tout de suite eu l’image d’un autre patient, celle d’un grand brûlé dont les plaies l’empêchaient de parler.

«Les blessures de l’un étaient externes et celles de l’autre se trouvaient à l’intérieur. Mais les deux personnes étaient incapables de communiquer et ressentaient une détresse psychologique, affirme le Dr Marquis. Le même phénomène se produit dans le milieu du travail lorsqu’il n’y a pas de possibilité d’échanges. Car l’être humain ne peut pas se construire une identité s’il n’y a pas d’espace accordé au dialogue. C’est le pivot de notre santé mentale.»

Spécialiste en santé communautaire et en santé au travail, Serge Marquis était le conférencier invité des comités paritaires de santé et de sécurité au travail (sections 1186 et 1244) le 18 avril dernier et a sensibilisé son auditoire à l’art de la reconnaissance. «L’art de la reconnaissance signifie de rendre à l’humain son humanité», a-t-il souligné. Pour dire la même chose, le philosophe français Alain Finkielkraut utilise l’expression «redonner à la vache sa vachéité». Autrement dit, cessons de considérer la génisse simplement comme une machine à produire du lait!

À titre de consultant, le Dr Marquis se rend régulièrement dans les organisations pour aider les employés à redécouvrir les sources de plaisir dans leur travail. «Le truc, dit-il, c’est d’apprendre à ralentir notre pensée, notre discours et nos actions. Car, comme le signale l’astrophysicien Hubert Reeves, notre efficacité risque de nous détruire.»

Un autre piège: croire que la vie ne vaut la peine d’être vécue que dans l’extraordinaire alors que le bonheur se trouve dans le quotidien. On en vient à oublier de se laisser aller à la vie et à accomplir des gestes machinalement, sans amabilité ni présence attentive. Sans doute parce qu’on les tient pour acquis, comme notre famille et nos collègues de travail.

Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que l’épuisement professionnel et la dépression soient à la hausse dans nos sociétés modernes. «Il faut mettre la main à la pâte et engager une réflexion collective si l’on veut mieux comprendre le phénomène, allègue le Dr Marquis. Car l’idée voulant que ça finira par s’arranger avec le temps est complètement fausse.»

Dominique Nancy