Volume 35 numéro 28
23 avril
2001


 


Superman à l’Université de Montréal
L’acteur Christopher Reeve sera président d’honneur du symposium international sur la moelle épinière.

Christopher Reeve a subi une fracture de la colonne vertébrale
en tombant de cheval, en 1995. Depuis, il est quadraplégique.

«Si j’avais mon accident aujourd’hui, l’équipe médicale interviendrait différemment et je pourrais envisager de marcher de nouveau», dit André Sénécal, un homme d’affaires qui a perdu l’usage de ses jambes et de 90 % de ses membres supérieurs à la suite d’un accident d’automobile, en 1992. À présent, M. Sénécal se consacre à la fondation qui porte son nom et qui vient en aide aux quelque 6000 blessés médullaires traumatiques du Québec.

À l’époque de son accident, pourtant pas si lointaine, on ignorait qu’une intervention post-trauma rapide, accompagnée d’un programme de réadaptation bien établi et de médicaments, pouvait améliorer les chances de guérison, du moins partielle, des accidentés. On sait maintenant qu’il est urgent de favoriser le «rebranchement» des cellules nerveuses composant l’intérieur de la moelle épinière, cette autoroute du système nerveux.

«Ne parlons pas de miracle, mais je peux vous dire que l’espoir est permis, lance le Dr Serge Rossignol, neurologue et directeur du Centre de recherche en sciences neurologiques, qui organise du 6 au 8 mai prochain un symposium international sur les traumatismes de la moelle épinière. Des chercheurs venus d’Europe et d’Amérique aborderont différents aspects de la recherche, particulièrement la réparation neurale et la récupération fonctionnelle.

La gravité des accidents à la moelle épinière varie selon l’endroit où elle est sectionnée. À la hauteur des vertèbres cervicales (les huit du haut), tous les membres ainsi que la respiration peuvent être affectés.

«Quand j’ai fait mes études de médecine, on disait que les cellules neuronales ne se régénéraient pas, explique le chercheur. Ce dogme est aujourd’hui abandonné. Non seulement elles se régénèrent, mais diverses techniques comme la transplantation de cellules ouvrent la voie à des thérapies prometteuses.»

Le professeur Rossignol donne pour preuve une expérience menée sur des chats dont la moelle épinière a été sectionnée. Sur une bande vidéo projetée au cours d’une conférence de presse annonçant l’événement, le 9 avril dernier, on voit clairement les pattes arrière de l’animal lui permettre de marcher sur un tapis roulant. Le chat ne contrôle pas avec précision ses pattes antérieures, mais celles-ci retrouvent une partie de leurs réflexes. C’est ce qu’on appelle la récupération fonctionnelle. L’expérimentation sur des sujets humains n’est pas encore entamée, mais les chercheurs voient l’avenir avec optimisme.


Superman à la rescousse
«Quand j’ai eu mon accident, en 1995, je ne connaissais pas grand-chose à la recherche en sciences neurologiques», a dit au cours d’une conférence téléphonique depuis son domicile de New York l’acteur américain Christopher Reeve, qui assurera la présidence d’honneur du symposium. «Mais vous comprendrez que je me suis beaucoup intéressé à cette question depuis. J’ai eu le plaisir de constater que de grands pas ont été accomplis en six ans.»

Des recherches menées sur la régénération neuronale avec des cellules souches provenant d’embryons ou de fœtus avortés, notamment, ont permis de remettre en question le caractère irréversible de certaines blessures de la colonne vertébrale. Cet enthousiasme a porté Christopher Reeve à affirmer publiquement qu’il parviendrait à se lever lui-même de son fonteuil d’ici 2003. Un exploit digne de Superman, le héros qu’il a incarné dans une superproduction hollywoodienne durant les années 80.

Depuis une chute de cheval qui lui a sectionné la moelle épinière sur l’une des premières vertèbres, M. Reeve est devenu l’un des plus ardents défenseurs de la recherche en sciences neurologiques. La Christopher Reeve Paralysis Foundation a d’ailleurs honoré le professeur Rossignol en 1999 ainsi que, l’année suivante, sa collègue Lisa McKerracher, du Département de pathologie et biologie cellulaire. À ce jour, ils sont les deux seuls Canadiens à avoir mérité cet honneur.

Au cours de la conférence téléphonique, M. Reeve a montré qu’il était au courant de l’état des connaissances en matière de réparation neurale et de récupération fonctionnelle. Favorable à des expériences sur des sujets humains, il a dit que les chercheurs pouvaient s’inspirer du président John F. Kennedy lorsqu’il avait affirmé, dans les années 60, que les Américains enverraient des hommes sur la Lune avant la fin de la décennie. «Les scientifiques ne possédaient ni les connaissances ni la technologie pour accomplir un tel exploit. Cet objectif commun les a tous stimulés. Nous pourrions nous donner un défi similaire», a-t-il lancé.

L’espoir de serrer une main
Participant au symposium de l’Université de Montréal, la fondation André-Sénécal collabore, avec le Centre de recherche en sciences neurologiques, à l’organisation d’une soirée-bénéfice ayant pour but d’«établir un rapprochement entre les personnes souffrant de traumatismes de la moelle épinière et les chercheurs». Le pianiste Alain Lefebvre, la soprano Céline Dussault et l’animateur Michel Jasmin seront de la fête, où l’on attend de 400 à 500 convives.

Sur le plan scientifique, le symposium réunira plus de 300 chercheurs des quatre coins du monde. Ceux-ci assisteront ou participeront à 36 conférences et pourront discuter avec les auteurs de plus de 75 affiches scientifiques. Ces travaux seront suivis avec intérêt par les blessés médullaires du Québec et d’ailleurs.

«L’espoir de marcher ne nous abandonne jamais», dit Alexandre Poce, qui a subi une fracture de la colonne vertébrale en 1987, à l’âge de 16 ans, au cours d’un match de hockey. Le jeune homme tétraplégique, qui a terminé sa formation d’avocat en 1998, place beaucoup d’espoir dans la recherche. Au sein de la fondation André-Sénécal, il multiplie les efforts pour promouvoir le financement des chercheurs. «J’espère pouvoir un jour serrer la main de nos donateurs pour leur dire merci», dit-il.

Mathieu-Robert Sauvé