Le
bonheur: une question de culture
Les Latino-Américains
trouvent le bonheur dans la vie en collectivité alors que les
plaisirs individuels rendent heureux les Nord-Américains. Quand
on leur pose la question «Quest-ce qui vous rend heureux?»
les Salvadoriens et les Costaricains donnent des scores plus élevés
à lengagement religieux et aux relations familiales satisfaisantes
que ne le font les répondants nord-américains, dit Nicole
Chiasson. «Caractérisés par leur côté
plus hédoniste, ces derniers, en particulier les plus jeunes,
accordent une plus grande importance à la liberté personnelle
et aux ressources matérielles.»
On savait que le bonheur était subjectif. Mais on ignorait
à quel point la nationalité influait sur la perception
du bonheur et sur lévaluation de son bien-être.
Cest ce que Mme Chiasson a mis en évidence dans le cadre
de sa recherche doctorale menée au Département de psychologie.
Létude, qui visait à mesurer limportance
des différences et des similitudes culturelles à travers
les concepts dindividualisme et de collectivité, est
la première à démontrer de façon empirique
un lien entre les valeurs dominantes dans une société
et lévaluation du bien-être subjectif des gens.
Lenquête a été menée auprès
de 921 étudiants, professeurs et employés duniversité
dans lÉtat de New York, en Ontario, au Québec,
au Salvador et au Costa Rica.
Sous la direction de Lise Dubé, professeure au Département
de psychologie, la chercheuse a désigné sept facteurs
qui contribuent au bonheur: avoir des relations sociales gratifiantes
et jouir dune liberté personnelle, faire preuve de maturité
psychologique, profiter de ressources matérielles, être
engagé sur le plan religieux, avoir des relations intimes et
vivre des relations familiales satisfaisantes.
Dans lensemble, ces facteurs revêtent tous une grande
importance dans la perception de ce qui favorise le bonheur, peu importe
lâge, le sexe ou la nationalité, signale Nicole
Chiasson. Des différences ont cependant été observées
selon lappartenance ethnique. «Les Québécois
francophones se démarquent entre autres par la valeur quils
accordent à leurs forces personnelles et à la liberté
de pouvoir agir à leur guise, dit la chercheuse. Pour les Salvadoriens
et les Costaricains, la maturité psychologique et les relations
familiales satisfaisantes jouent un rôle majeur dans leur quête
du bonheur.»
Daprès Mme Chiasson, cela sexplique par linterdépendance
des individus au sein du groupe de répondants latino-américains.
La dépendance vis-à-vis dautrui semble dailleurs
davantage valorisée chez ceux-ci que chez les autres participants
de lenquête. Les Nord-Américains, dans ce cas des
Québécois francophones et anglophones et des gens de
lOntario et des États-Unis, se distinguent par leur individualisme.
Cette tendance culturelle a une influence sur leur évaluation
de limportance des relations familiales et sociales à
légard du bonheur.
De manière générale, les gens semblent plus heureux
dans les pays économiquement plus prospères. Mais létude
révèle des niveaux de bien-être subjectif plus
élevés chez les participants latino-américains
que chez leurs homologues canadiens et américains. La richesse
nest dailleurs pas une garantie de bonheur. «Largent,
cest comme la santé: son absence engendre la misère.
Les gens ont besoin de suffisamment de revenus pour combler leurs
besoins de base, mais au-delà de cela une augmentation des
revenus ajoute peu au bien-être subjectif dune personne,
du moins à long terme», conclut Nicole Chiasson.
D.N.