Volume 35 numéro 27
9 avril
200
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Le bonheur: une question de culture

Les Latino-Américains trouvent le bonheur dans la vie en collectivité alors que les plaisirs individuels rendent heureux les Nord-Américains. Quand on leur pose la question «Qu’est-ce qui vous rend heureux?» les Salvadoriens et les Costaricains donnent des scores plus élevés à l’engagement religieux et aux relations familiales satisfaisantes que ne le font les répondants nord-américains, dit Nicole Chiasson. «Caractérisés par leur côté plus hédoniste, ces derniers, en particulier les plus jeunes, accordent une plus grande importance à la liberté personnelle et aux ressources matérielles.»

On savait que le bonheur était subjectif. Mais on ignorait à quel point la nationalité influait sur la perception du bonheur et sur l’évaluation de son bien-être. C’est ce que Mme Chiasson a mis en évidence dans le cadre de sa recherche doctorale menée au Département de psychologie. L’étude, qui visait à mesurer l’importance des différences et des similitudes culturelles à travers les concepts d’individualisme et de collectivité, est la première à démontrer de façon empirique un lien entre les valeurs dominantes dans une société et l’évaluation du bien-être subjectif des gens. L’enquête a été menée auprès de 921 étudiants, professeurs et employés d’université dans l’État de New York, en Ontario, au Québec, au Salvador et au Costa Rica.

Sous la direction de Lise Dubé, professeure au Département de psychologie, la chercheuse a désigné sept facteurs qui contribuent au bonheur: avoir des relations sociales gratifiantes et jouir d’une liberté personnelle, faire preuve de maturité psychologique, profiter de ressources matérielles, être engagé sur le plan religieux, avoir des relations intimes et vivre des relations familiales satisfaisantes.

Dans l’ensemble, ces facteurs revêtent tous une grande importance dans la perception de ce qui favorise le bonheur, peu importe l’âge, le sexe ou la nationalité, signale Nicole Chiasson. Des différences ont cependant été observées selon l’appartenance ethnique. «Les Québécois francophones se démarquent entre autres par la valeur qu’ils accordent à leurs forces personnelles et à la liberté de pouvoir agir à leur guise, dit la chercheuse. Pour les Salvadoriens et les Costaricains, la maturité psychologique et les relations familiales satisfaisantes jouent un rôle majeur dans leur quête du bonheur.»

D’après Mme Chiasson, cela s’explique par l’interdépendance des individus au sein du groupe de répondants latino-américains. La dépendance vis-à-vis d’autrui semble d’ailleurs davantage valorisée chez ceux-ci que chez les autres participants de l’enquête. Les Nord-Américains, dans ce cas des Québécois francophones et anglophones et des gens de l’Ontario et des États-Unis, se distinguent par leur individualisme. Cette tendance culturelle a une influence sur leur évaluation de l’importance des relations familiales et sociales à l’égard du bonheur.

De manière générale, les gens semblent plus heureux dans les pays économiquement plus prospères. Mais l’étude révèle des niveaux de bien-être subjectif plus élevés chez les participants latino-américains que chez leurs homologues canadiens et américains. La richesse n’est d’ailleurs pas une garantie de bonheur. «L’argent, c’est comme la santé: son absence engendre la misère. Les gens ont besoin de suffisamment de revenus pour combler leurs besoins de base, mais au-delà de cela une augmentation des revenus ajoute peu au bien-être subjectif d’une personne, du moins à long terme», conclut Nicole Chiasson.

D.N.