Vaincre
la malédiction de la dimensionnalité
Yoshua
Bengio obtient une chaire de recherche pour concevoir des algorithmes
intelligents
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Professeur
au Département d’informatique et de recherche opérationnelle
et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les
algorithmes d’apprentissage statistique, Yoshua Bengio est
un leader mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle. |
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La malédiction
de la dimensionnalité nest pas une nouvelle façon
de désigner la petitesse de lêtre humain dans sa
carapace à trois dimensions. Il sagit plutôt de
celle qui hante les informaticiens qui veulent concevoir des programmes
intelligents capables de «comprendre» des centaines de
millions de renseignements et qui se heurtent aux limites de la machine.
«Quand le nombre de dimensions ou de variables est très
élevé, nos méthodes se cassent la figure, avoue
Yoshua Bengio. Lêtre humain peut apprendre à partir
dun cas et appliquer cet apprentissage à de nouvelles
situations. Mais alors que les ordinateurs sont facilement capables
dapprendre par cur, il leur est beaucoup plus difficile
de généraliser leurs données à de nouveaux
cas. Les algorithmes dapprentissage permettent de le faire,
mais pas aussi bien que les humains.»
Reconnu comme une sommité internationale des algorithmes dapprentissage,
le professeur du Département dinformatique et de recherche
opérationnelle sest vu attribuer en décembre dernier
une chaire canadienne de niveau 2 en recherche sur les algorithmes
dapprentissage statistique. Son défi est de vaincre la
malédiction de la dimensionnalité afin de rendre les
ordinateurs plus «intelligents».
Neurones artificiels
Le défi est de taille puisque les problèmes à
résoudre portent sur les combinaisons de millions de données
dont les ramifications croissent de façon exponentielle avec
laugmentation de linformation. Les algorithmes auxquels
il recourt pour régler ces problèmes à grande
quantité de variables sinspirent des connexions neuronales,
doù lappellation de «réseaux de neurones».
Les travaux de Yoshua Bengio dans ce domaine ont conduit les chercheurs
à abandonner une piste suivie pendant une dizaine dannées,
soit les systèmes de réseaux récurrents. «Les
réseaux récurrents sont des modèles mathématiques
qui fonctionnent en boucle, explique-t-il. Mais cette méthode
dapprentissage est trop limitée par rapport aux applications
quon veut en tirer.»
Sa méthode porte donc sur des réseaux non récurrents
qui pourraient permettre à lordinateur dapprendre
à partir de données quil possède déjà,
un peu comme le fait le cerveau humain à partir de catégories
ou de connaissances déjà acquises.
Voici un exemple simple: comment faire en sorte quà partir
de la numérisation de limage dune bouteille, qui
comporte des millions de pixels, lordinateur soit en mesure
de reconnaître quun objet semblable mais différent
est aussi une bouteille. De façon plus utilitaire, cette méthode
appliquée au domaine de lassurance devrait permettre
aux ordinateurs de reconnaître déventuels fraudeurs
parmi les nouveaux clients dune compagnie à partir des
données sur ses clients reconnus comme étant soit des
fraudeurs, soit des non-fraudeurs.
Les domaines dapplication des algorithmes dapprentissage
sont très nombreux: mentionnons lévaluation des
risques financiers, les effets de nouvelles molécules en vue
de produire des médicaments, les logiciels de traduction, les
appareils de reconnaissance de la parole ou de lécriture
manuscrite, les caractéristiques démographiques dune
population, la téléphonie cellulaire, etc.
Dans ce type de recherches sur lintelligence artificielle, Yoshua
Bengio demeure à laffût de ce qui se fait du côté
de lintelligence humaine. «On ne sait pas comment fonctionne
lintelligence de lêtre humain, mais il y a une tradition
de relations entre les deux domaines, souligne-t-il. Les connaissances
sur lintelligence peuvent nous suggérer des pistes pour
concevoir des algorithmes alors que la compréhension mathématique
peut éclairer les recherches sur lintelligence. Des disciplines
apparemment très différentes peuvent ainsi se stimuler
lune lautre et entraîner des recherches fructueuses.»
Daniel
Baril