Un
million de la NASA pour détecter les rayons gamma
Le
physicien Louis-André Hamel met au point un détecteur perfectionné
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Louis-André
Hamel a mis au point un détecteur de rayons gamma très efficace.
Le prototype fabriqué dans son laboratoire pourrait mener
à un immense détecteur installé sur la Station spatiale
internationale. |
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Depuis six ans,
le physicien Louis-André Hamel travaille à la mise au
point dun détecteur de rayons gamma qui prendra peut-être,
un jour, le chemin de lespace. En tout cas, le prototype conçu
au laboratoire René-J.A.-Lévesque, qui ne mesure que
un centimètre carré, a semblé suffisamment prometteur
à la NASA pour que lagence spatiale consacre un budget
de un million de dollars américains aux travaux du professeur
du Département de physique, en collaboration avec des chercheurs
du Space Science Center de lUniversité du New Hampshire.
«Nous sommes plusieurs dizaines déquipes dans le
monde à travailler à la mise au point du détecteur
idéal, explique le chercheur. Mais notre prototype a fait ses
preuves en matière defficacité et de résolution,
avec une marge derreur de moins de un millimètre.»
Dans le spectre du visible et de linvisible, les rayons gamma
occupent une place particulière. Considérés comme
les plus énergétiques des rayonnements électromagnétiques,
ils sont de même nature que la lumière visible, mais
ont une énergie supérieure et une plus haute fréquence
(plus de 1019 hertz). Ils sont aussi de plus en plus étudiés
par les physiciens.
Un phénomène connu depuis 1969, les sursauts gamma
(gamma ray bursts), intrigue notamment les chercheurs. Environ
une fois par jour, des afflux majeurs de rayons gamma sont captés
à divers endroits sur Terre. Au début, on attribuait
ces afflux à des exercices nucléaires clandestins, jusquà
ce que des recherches démontrent que leur origine était
plutôt extraterrestre. «Ces explosions de rayons gamma
se produisent à plusieurs milliards dannées-lumière
et sont les événements les plus spectaculaires de lUnivers,
explique le physicien. Une seule dentre elles émet en
quelques secondes plus dénergie que ce que notre soleil
est capable de produire durant toute son existence.»
Les détecteurs dont les chercheurs disposent actuellement peuvent
mesurer lintensité de ces explosions, mais leur origine
nest quapproximative. Le système du professeur
Hamel pourrait permettre de préciser cette orientation.
Des
capteurs dans lespace
La NASA a entrepris un imposant programme international de recherche
qui aura pour objectif den apprendre davantage sur les rayons
gamma. Elle envisage notamment déquiper la Station spatiale
internationale dimmenses capteurs, et cest ici que le
prototype mis au point à lUniversité de Montréal
pourrait jouer un rôle.
«Le capteur qui sera envoyé dans la station spatiale
devra être capable denregistrer jusquà 10 000
signaux par seconde, mais ce défi ne pose plus vraiment de
problème aujourdhui. Cest à la provenance
de ces signaux quil faut maintenant sattaquer. Cest
là que nous avons peut-être une longueur davance.
Notre dispositif permet de produire une image du rayonnement gamma
en indiquant sa direction ainsi que son énergie avec une grande
précision.»
Le physicien soulève un rideau noir pour montrer la structure
qui porte le prototype. Près du détecteur, il dépose
une éprouvette contenant une source radioactive enfermée
dans une gaine de métal qui laisse séchapper un
nombre limité de rayons. Sur lécran de lordinateur
juxtaposé, on voit des points lumineux apparaître de
façon très évidente. «Le détecteur
est un semi-conducteur composé dun alliage de cadmium,
de zinc et de tellure, explique le physicien. Sa particularité,
cest dêtre très lourd pour absorber les rayons
gamma, de fonctionner à la température ambiante et de
présenter une marge derreur de moins de un millimètre.»
Après être entrés en collision avec les atomes
du détecteur, les rayons gamma sont enregistrés par
1024 pixels de quelques centaines de microns à peine. La subvention
de la NASA couvrira les travaux qui permettront de quadrupler la surface
de ce dispositif. Quand on sait que lanode ne mesure quune
dizaine de millimètres, on comprend que le jour nest
pas arrivé où lon enverra des panneaux de plusieurs
mètres dans la station internationale. Dans un laps de temps
plus rapproché, on espère pouvoir mettre à lessai
un capteur de 30 centimètres. «Cela représente
environ 400 fois la surface que vous voyez là»,
précise le chercheur.
De la physique nucléaire à lastrophysique
Cest un peu par hasard que M. Hamel sest retrouvé
engagé dans cette recherche en astrophysique. Spécialiste
des détecteurs semi-conducteurs utilisés en recherche
nucléaire, il a été approché en 1994 par
des physiciens de lUniversité dArizona pour interpréter
les signaux quils observaient dans leur dispositif semi-conducteur
cadmium-zinc-tellure (CdZnTe). Il sest intéressé
au problème et a présenté les résultats
de sa réflexion lannée suivante, à Grenoble.
Il y a rencontré alors des physiciens du Space Science Center
de lUniversité du New Hampshire qui désiraient
aussi mettre au point un détecteur au CdZnTe pour une application
dimagerie en astrophysique. Le détecteur idéal
devrait à la fois avoir une excellente résolution en
position et en énergie et présenter le plus petit nombre
de canaux délectronique, ce qui a amené le professeur
Hamel et son équipe à élaborer ce nouveau dispositif.
Le financement de la NASA pour les trois prochaines années
encourage léquipe à poursuivre ses travaux. Mais
le prototype ne sera pas breveté; comme il sagit dune
agence gouvernementale, les résultats doivent demeurer publics.
Cela ne déçoit aucunement Louis-André Hamel,
qui espère voir un jour son dispositif servir à des
fins médicales.
Ce ne sera pas la première fois quune technologie conçue
pour observer linfiniment grand aura des retombées dans
lexploration du corps humain.
Mathieu-Robert
Sauvé