Volume 35 numéro 26
2 avril
2001


 


La géomatique au service de la médecine
Quatre étudiants ont conçu un logiciel de traitement d’images médicales.

Patrick Dubé, Éric Gonthier, Alexandre J. Boudreau et son frère Mathieu Boudreau (absent lors de la prise de la photo) ont gagné une bourse de 20 000 $ pour la mise en marché d’un logiciel de traitement d’images médicales tridimensionnelles.

Quatre étudiants de l’Université de Montréal ont élaboré un système novateur de traitement d’images médicales. L’innovation a valu aux jeunes entrepreneurs une bourse de 20 000 $ dans le cadre du concours L’idée de l’an 2000 du Centre d’entrepreneurship HEC-Poly-UdeM.

Ce qui étonne dans cette technologie, c’est qu’on intègre au procédé d’imagerie médicale des techniques numériques mises au point en géographie pour photographier les paysages de la terre afin d’analyser l’infiniment petit du corps humain. Le système de traitement d’images en trois dimensions permettrait par exemple de détecter des tumeurs.

Le logiciel Akpa Vision est le fruit du travail d’une équipe multidisciplinaire composée de Patrick Dubé, étudiant de troisième cycle au Département de géographie, Éric Gonthier, étudiant à la maîtrise au même département, Alexandre J. Boudreau, étudiant au baccalauréat spécialisé en physique et en informatique, et Mathieu Boudreau, diplômé en biochimie à la Faculté de médecine.

«Le produit assure notamment une segmentation automatisée, une gestion de base de données et un traitement interactif des images. Sa précision et sa polyvalence, nécessaires au diagnostic et au suivi thérapeutique, en font une percée technologique importante», fait valoir Patrick Dubé. De plus, le logiciel a l’avantage de s’adapter à la variabilité des images médicales. Actuellement, les pathologistes et les radiologistes doivent manipuler des centaines de clichés obtenus entre autres par résonance magnétique ou par rayons X pour diagnostiquer une maladie ou reconstruire une

«L’analyse des images à l’aide du logiciel spécialement conçu pour ces disciplines permet d’extraire de l’information complémentaire qui peut correspondre par exemple à une cellule précise. On peut ainsi se servir d’une foule de renseignements qui autrement demeureraient difficilement accessibles, voire complètement inaccessibles», explique Éric Gonthier.


Secret d’État
Le procédé de base vient du mariage des techniques de la vision artificielle et de la géomatique — définie comme l’analyse des phénomènes liés à la géographie physique et humaine à l’aide de la technologie numérique —, révèle Patrick Dubé. Mais le fonctionnement exact du système relève presque d’un secret d’État. «On ne peut pas en dire davantage, car le brevet d’invention est toujours en instance d’approbation, dit-il. Le logiciel permettra une plus grande fiabilité des diagnostics en plus de faire épargner temps et argent aux médecins et aux chercheurs.»

Fondateur de Dynapix Intelligence Imaging, l’entreprise responsable de la commercialisation du logiciel, M. Dubé est spécialiste de la modélisation distribuée des systèmes complexes, de l’analyse spatiale et du traitement des images numériques. Lorsqu’il a réalisé que les techniques de segmentation utilisées en télédétection pouvaient être utiles dans le domaine de la santé, le jeune homme âgé de 29 ans a cherché l’appui de collègues pour produire un logiciel d’analyse adapté aux besoins des pathologistes et des radiologistes.

Le prototype est considéré comme révolutionnaire. Une récente étude menée par le Centre de promotion du logiciel québécois démontre qu’aucun autre logiciel n’égale les performances de Akpa Vision pour ce qui est de la précision des protocoles de segmentation automatisée et de la facilité d’utilisation.


Recherche et partenariats
Pour commercialiser le produit, Dynapix mise sur une stratégie d’alliances, de commercialisation sur Internet et de distribution avec des joueurs clés. Selon Patrick Dubé, cette approche permettra un effet de levier, une pénétration rapide du marché, une réduction des coûts de commercialisation et un partage d’expertises.

«La distribution sur Internet va faciliter la mise en marché auprès des usagers qui ont besoin de traiter un gros volume de données, indique-t-il. La vente sera effectuée à partir d’une gamme d’applications auxquelles les clients auront accès à l’aide d’un explorateur Web selon un abonnement mensuel ou annuel. Une licence du logiciel pourra également être accordée à des fabricants tels Siemens, Leica, Kodak et Toshiba afin qu’ils intègrent le produit à leur équipement. Il s’agit d’un marché estimé à 800 millions de dollars américains pour le secteur de la pathologie et à 6 milliards pour celui de la radiologie.»

Actuellement, les médecins évitent d’utiliser les logiciels de ces sociétés internationales, signale Alexandre J. Boudreau, car ils entraînent des erreurs. «Notre produit, compatible avec les appareils d’acquisition d’images de ces entreprises, contribue à résoudre le problème.»

Sur le plan des alliances, plusieurs relations de partenariat ont déjà été établies, notamment avec INNO-Centre, l’Institut national de la recherche scientifique, le Laboratoire d’informatique et des systèmes adaptatifs de l’Université, l’École de technologie supérieure, le Montreal Neurology Institute, l’Université de New York à Syracuse et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). «Les alliances avec le milieu médical et celui de la recherche sont essentielles pour donner de la crédibilité au produit, souligne Patrick Dubé. Les gens du domaine hospitalier ont particulièrement été échaudés par des technologies précédentes.»

Grâce à une subvention accordée au CHUM par la Fondation canadienne pour l’innovation, l’entreprise des jeunes entrepreneurs a obtenu 300 000 $ afin de poursuivre la recherche et le développement du logiciel Akpa Vision. Le produit devrait être commercialisé d’ici un an.

Dominique Nancy