Volume 35 numéro 26
2 avril
2001


 


Pour faire face aux comportements perturbateurs
Les impacts juridiques, psychologiques et administratifs doivent être pris en considération quand une personne profère des menaces.

Les membres du comité d’appui: Michel Lespérance et Marcel Descart (debout), et Francine Verrier et Hélène Trifiro (assises). Leur secret: agir vite et être facilement accessibles.

En 1992, Valery Fabrikant fait irruption avec une arme à l’Université Concordia et assassine quatre de ses anciens collègues. Cet événement, de même que la tuerie de l’École Polytechnique par Mark Lépine en 1989, a fortement ébranlé le milieu universitaire québécois, qui s’était cru, jusque-là, à l’abri d’une telle violence.

«L’université est un lieu public. Nous ne pouvons pas en limiter les accès et barricader les salles de classe. Mais nous devons prendre tous les moyens pour prévenir des actes malheureux», déclare le secrétaire général Michel Lespérance.

Depuis plus de 10 ans, M. Lespérance coordonne un comité chargé d’appuyer les directeurs de département et les doyens aux prises avec des personnes affichant des comportements perturbateurs. Actuellement, ce comité est formé de la directrice du Bureau des affaires juridiques, Francine Verrier, de la psychologue Hélène Trifiro et du directeur du Bureau de la sûreté, Marcel Descart.

Qu’est-ce qu’un comportement perturbateur? Le recueil officiel des règlements de l’Université de Montréal mentionne que «nul ne peut se conduire d’une façon harcelante, perturbatrice ou abusive de nature à porter atteinte à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne». Dans les faits, les plaintes concernent principalement des comportements violents, comme l’explique Marcel Descart. «Nous avons fait face à une vingtaine de cas sérieux au cours des dernières années; presque tous avaient une composante d’agressivité», dit-il.


Limiter la judiciarisation

Des étudiants, des professeurs et des employés ont affiché dans le passé des comportements perturbateurs, mais la grande majorité des cas concernent des étudiants. Lorsque le coordonnateur du comité reçoit un appel d’une personne qui se sent menacée, sa première réaction est de consulter M. Descart. «Nous cherchons à limiter la judiciarisation, explique le directeur du Bureau de la sûreté. Au cours des dernières années, seulement un ou deux cas ont été adressés aux services policiers. Une simple rencontre dans mon bureau suffit très souvent à désamorcer la crise.»

Cas typique: un étudiant insatisfait de ses notes appelle son professeur et profère des menaces. Le professeur s’inquiète, il en parle à son directeur de département, qui ignore comment réagir. «Plusieurs personnes sont inquiètes et ne savent que faire dans de telles circonstances, explique M. Lespérance. C’est alors que nous pouvons intervenir.»

On ne peut renvoyer un étudiant de l’Université sans raison valable. La procédure est délicate et complexe. Me Verrier doit alors étudier tous les aspects juridiques de la décision. Toutefois, le renvoi n’efface pas toujours le risque. D’ailleurs, plusieurs menaces à peine voilées proviennent de gens qui ne fréquentent même pas le campus ou qui l’ont quitté depuis longtemps. Après 10 ans, une personne particulièrement tenace continue d’envoyer des lettres manuscrites à un ancien professeur, dont une copie est acheminée au ministre de l’Éducation, voire au premier ministre du Québec.

«Quand quelqu’un profère des menaces, il est difficile de savoir s’il passera à l’acte, reprend Mme Trifiro. C’est pourquoi les psychologues doivent effectuer une évaluation très rapidement. À l’occasion, ils recommanderont que le client s’engage à suivre une thérapie.»

Les spécialistes du Service d’orientation et de consultation psychologique peuvent aussi rencontrer les gens affectés par un de ces éléments perturbateurs sans avoir été personnellement visés par des menaces.

«Chose certaine, depuis les affaires Lépine et Fabrikant, on ne peut prendre aucune menace à la légère», signale M. Lespérance.


Satisfaits du service
Les personnes qui ont fait appel au comité ont affirmé être satisfaites du soutien qu’elles y ont obtenu. «Les responsables d’unité n’ont pas été préparés à faire face à des comportements perturbateurs, explique le coordonnateur. C’est pourquoi ils poussent un soupir de soulagement lorsque nous leur donnons un appui institutionnel.»

La clé du succès du comité: sa rapidité de réaction. Chaque membre possède les coordonnées des autres membres et accepte d’être disponible 24 heures sur 24, même durant les jours de congé. Quand un cas se présente, tout est mis en place dans les heures qui suivent. Généralement, la personne a même déjà rencontré un membre du comité.

Il y a des périodes de pointe en matière de comportements perturbateurs. «Les fins de trimestre sont particulièrement occupées», signale Mme Trifiro. Le comité est donc actuellement sur le qui-vive.

Mathieu-Robert Sauvé