Pour
faire face aux comportements perturbateurs
Les
impacts juridiques, psychologiques et administratifs doivent être
pris en considération quand une personne profère des
menaces.
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Les
membres du comité d’appui: Michel Lespérance
et Marcel Descart (debout), et Francine Verrier et Hélène
Trifiro (assises). Leur secret: agir vite et être
facilement accessibles. |
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En 1992, Valery
Fabrikant fait irruption avec une arme à l’Université
Concordia et assassine quatre de ses anciens collègues. Cet
événement, de même que la tuerie de l’École
Polytechnique par Mark Lépine en 1989, a fortement ébranlé
le milieu universitaire québécois, qui s’était
cru, jusque-là, à l’abri d’une telle violence.
«L’université est un lieu public. Nous ne pouvons
pas en limiter les accès et barricader les salles de classe.
Mais nous devons prendre tous les moyens pour prévenir des
actes malheureux», déclare le secrétaire général
Michel Lespérance.
Depuis plus de 10 ans, M. Lespérance coordonne un comité
chargé d’appuyer les directeurs de département
et les doyens aux prises avec des personnes affichant des comportements
perturbateurs. Actuellement, ce comité est formé de
la directrice du Bureau des affaires juridiques, Francine Verrier,
de la psychologue Hélène Trifiro et du directeur du
Bureau de la sûreté, Marcel Descart.
Qu’est-ce qu’un comportement perturbateur? Le recueil officiel
des règlements de l’Université de Montréal
mentionne que «nul ne peut se conduire d’une façon
harcelante, perturbatrice ou abusive de nature à porter atteinte
à l’intégrité physique ou psychologique
d’une personne». Dans les faits, les plaintes concernent
principalement des comportements violents, comme l’explique Marcel
Descart. «Nous avons fait face à une vingtaine de cas
sérieux au cours des dernières années; presque
tous avaient une composante d’agressivité», dit-il.
Limiter la judiciarisation
Des étudiants, des professeurs et des employés ont affiché
dans le passé des comportements perturbateurs, mais la grande
majorité des cas concernent des étudiants. Lorsque le
coordonnateur du comité reçoit un appel d’une personne
qui se sent menacée, sa première réaction est
de consulter M. Descart. «Nous cherchons à limiter la
judiciarisation, explique le directeur du Bureau de la sûreté.
Au cours des dernières années, seulement un ou deux
cas ont été adressés aux services policiers.
Une simple rencontre dans mon bureau suffit très souvent à
désamorcer la crise.»
Cas typique: un étudiant insatisfait de ses notes appelle son
professeur et profère des menaces. Le professeur s’inquiète,
il en parle à son directeur de département, qui ignore
comment réagir. «Plusieurs personnes sont inquiètes
et ne savent que faire dans de telles circonstances, explique M. Lespérance.
C’est alors que nous pouvons intervenir.»
On ne peut renvoyer un étudiant de l’Université
sans raison valable. La procédure est délicate et complexe.
Me Verrier doit alors étudier tous les aspects juridiques de
la décision. Toutefois, le renvoi n’efface pas toujours
le risque. D’ailleurs, plusieurs menaces à peine voilées
proviennent de gens qui ne fréquentent même pas le campus
ou qui l’ont quitté depuis longtemps. Après 10
ans, une personne particulièrement tenace continue d’envoyer
des lettres manuscrites à un ancien professeur, dont une copie
est acheminée au ministre de l’Éducation, voire
au premier ministre du Québec.
«Quand quelqu’un profère des menaces, il est difficile
de savoir s’il passera à l’acte, reprend Mme Trifiro.
C’est pourquoi les psychologues doivent effectuer une évaluation
très rapidement. À l’occasion, ils recommanderont
que le client s’engage à suivre une thérapie.»
Les spécialistes du Service d’orientation et de consultation
psychologique peuvent aussi rencontrer les gens affectés par
un de ces éléments perturbateurs sans avoir été
personnellement visés par des menaces.
«Chose certaine, depuis les affaires Lépine et Fabrikant,
on ne peut prendre aucune menace à la légère»,
signale M. Lespérance.
Satisfaits
du service
Les personnes qui ont fait appel au comité ont affirmé
être satisfaites du soutien qu’elles y ont obtenu. «Les
responsables d’unité n’ont pas été
préparés à faire face à des comportements
perturbateurs, explique le coordonnateur. C’est pourquoi ils
poussent un soupir de soulagement lorsque nous leur donnons un appui
institutionnel.»
La clé du succès du comité: sa rapidité
de réaction. Chaque membre possède les coordonnées
des autres membres et accepte d’être disponible 24 heures
sur 24, même durant les jours de congé. Quand un cas
se présente, tout est mis en place dans les heures qui suivent.
Généralement, la personne a même déjà
rencontré un membre du comité.
Il y a des périodes de pointe en matière de comportements
perturbateurs. «Les fins de trimestre sont particulièrement
occupées», signale Mme Trifiro. Le comité est
donc actuellement sur le qui-vive.
Mathieu-Robert
Sauvé
