Volume 35 numéro 26
2 avril
2001


 


La Chaire en orthopédie et en sciences du mouvement s’attaquera à la scoliose
«Le jour où l’on comprendra les causes de cette maladie, ce sera la vraie victoire», selon le Dr Hubert Labelle.

La chirurgie de la colonne vertébrale consiste à appliquer un système métallique de fixation interne sur les vertèbres pour redresser le rachis, explique le Dr Hubert Labelle, orthopédiste à l’hôpital Sainte-Justine et titulaire de la Chaire en orthopédie et en sciences du mouvement.

Marie-Ève a 14 ans. Atteinte de scoliose, une déformation de la colonne vertébrale qui touche principalement les adolescents, elle doit porter jour et nuit un corset rigide, inconfortable. Mais l’orthèse permet de ralentir l’évolution de la maladie en attendant l’opération, d’ici quelques années. Le Dr Hubert Labelle, orthopédiste à l’hôpital Sainte-Justine, explique que la chirurgie de Marie-Ève consistera à appliquer un système métallique de fixation interne sur les vertèbres pour redresser la colonne vertébrale.

Le Dr Labelle, également professeur au Département de chirurgie de la Faculté de médecine, est un spécialiste réputé dans ce type d’intervention. En plus de son expérience clinique, il consacre la moitié de ses activités à la recherche sur les déformations scoliotiques. L’équipe multidisciplinaire qu’il dirige au Centre de recherche de l’hôpital Sainte-Justine s’intéresse particulièrement à la prévention. Cet aspect de la recherche demande de comprendre les causes fondamentales de la scoliose. On y étudie notamment, grâce aux techniques de biologie cellulaire et moléculaire, les mécanismes de maturation de l’os et du cartilage.

C’est afin d’appuyer cette équipe, qui est devenue l’une des plus importantes dans son domaine en Amérique, et de mieux accomplir sa triple mission de soins, d’enseignement et de recherche que l’hôpital Sainte-Justine a créé une chaire en orthopédie et en sciences du mouvement. «Les activités de la Chaire vont se concentrer sur l’étude des causes et sur l’amélioration du traitement médical et chirurgical des déformations des os et des articulations chez les enfants et les adolescents, indique le Dr Labelle, qui en est le titulaire. Un accent particulier sera mis sur les déformations de la colonne vertébrale ainsi que sur les troubles de mobilité chez les enfants atteints d’un handicap locomoteur.»


Problèmes respiratoires
La scoliose affecte de deux à trois pour cent de la population, généralement des jeunes âgés de 10 à 18 ans. La proportion de filles atteintes d’une scoliose grave est plus élevée comparativement aux garçons, mais on ignore pourquoi. Les hypothèses mettent en cause des facteurs génétiques, mais le développement neurologique et hormonal pourrait en être responsable.

Cette maladie, où l’apparition visible des déformations coïncide le plus souvent avec les poussées de croissance, affecte non seulement la colonne vertébrale mais aussi la cage thoracique. La colonne se déforme, de façon plus ou moins sévère selon les cas, un peu à la manière d’un escalier en colimaçon, dit le Dr Hubert Labelle. Cette déviation en S entraîne une proéminence des côtes du côté convexe — ce qui cause une bosse dans le dos — et une protubérance des muscles au-dessus des vertèbres lombaires.

«Lorsque la déformation progresse malgré le port d’un corset ou quand la scoliose n’est pas détectée à temps, la chirurgie demeure la seule solution, soutient l’orthopédiste. Car une scoliose très grave, non traitée, risque de provoquer des problèmes respiratoires liés à la déformation de la cage thoracique, qui laisse alors moins de place aux poumons et au cœur. La chirurgie permet habituellement de réduire de 50 à 70 % la déviation mesurée sur les radiographies, mais ne corrige pas toujours la bosse.»

Fils du Dr Pierre H. Labelle, pionnier québécois de la chirurgie de la scoliose, Hubert Labelle, âgé de 48 ans, a lui aussi acquis une solide réputation comme orthopédiste et chercheur clinicien. Ses travaux, financés notamment par l’Institut de recherche en santé du Canada et par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, lui ont valu de nombreux prix et bourses. Depuis 1999, il est chef du Groupe de recherche sur les déformations musculo-squelettiques (GRDMS), qui réunit des médecins, des chercheuses en sciences infirmières, des ingénieurs, des biomécaniciens et des biologistes moléculaires.


L’assistance de l’informatique

Au Laboratoire informatique de la scoliose 3D, fondé en 1988 par l’orthopédiste, on se consacre à la caractérisation et à la quantification des déformations scoliotiques dans le but d’améliorer les traitements et de mieux comprendre les mécanismes des déformations. Ce laboratoire et ses membres font partie du GRDMS, une des sept équipes du Centre de recherche de l’hôpital Sainte-Justine.

Parmi les contributions les plus significatives de ce groupe: un système informatisé de reconstruction tridimensionnelle des déformations scoliotiques par radiographie numérique. À la fine pointe de la technologie, cette innovation, conçue en collaboration avec des ingénieurs de l’École Polytechnique et de l’École de technologie supérieure, permet de visualiser les scolioses en trois dimensions à partir d’une imagerie médicale à basse dose (voir Forum du 13 novembre 2000).

«La conception et la validation de systèmes de chirurgie assistée par ordinateur permettent au chirurgien de mieux visualiser la correction de la scoliose en cours d’intervention, d’insérer avec plus de précision et moins de risques certains implants chirurgicaux et de planifier les opérations, à l’aide de logiciels informatiques de simulation, de façon à assurer le traitement optimal», fait valoir M. Labelle.

Grâce à ce système, l’équipe a également mis au point une orthèse faite de tissu flexible et de bandes élastiques ajustables qui permet une meilleure correction de la scoliose sans restreindre la mobilité des patients, contrairement aux corsets traditionnels. Le prototype subi actuellement des essais cliniques au Canada, aux États-Unis et en Europe en vue d’une commercialisation.

Marie-Ève conservera probablement des traces de scoliose toute sa vie. Mais elle peut avoir de l’espoir...

Dominique Nancy