Volume 35 numéro 25
26 mars
2001




Que reste-t-il du féminisme?

58% des étudiantes de l’Université de Montréal ne sont pas intéressées par la cause féministe et 64% ne se sentent même pas concernées. C’est ce que révèle une recherche effectuée l’automne dernier dans le cadre du cours «Communication et recherche sociale» par Sophie-Anne Legendre, Julie Castonguay et Étienne Côté-Paluck, qui présentent ici leurs résultats. Cette étude démontre que la majorité des étudiantes de l’Université de Montréal ne connaissent pas le mouvement féministe…


La Marche mondiale des femmes de l’an 2000 a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le monde pour dénoncer les injustices dont sont encore victimes certaines femmes parce qu’elles sont des femmes. Elle a remis le féminisme à l’ordre du jour au Québec, tout comme l’avait fait l’événement du 6 décembre 1989 à l’École Polytechnique. La majorité des acquis du mouvement pour l’égalité des femmes dans la société ont cependant été faits il y a plus de 20 ans. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu cette époque de révolution des mentalités. C’est ce qui a amené une équipe de recherche à se questionner sur la perception du féminisme chez les jeunes.

L’équipe de recherche s’est attardée aux jeunes femmes parce que celles-ci bénéficient particulièrement des changements suscités par le mouvement des femmes des dernières décennies. Elle s’est aussi attardée aux universitaires, puisque celles-ci présentent un niveau d’éducation élevé et seraient donc plus susceptibles d’être conscientes de ces changements. Cette recherche posait l’hypothèse que l’opinion des individus sur un sujet donné est influencée par les connaissances qu’ils ont sur celui-ci. On cherchait à savoir dans quelle mesure la connaissance qu’ont les étudiantes de l’Université de Montréal du mouvement des femmes influence leur opinion sur le féminisme.


Méthodologie

Pour mesurer les perceptions du féminisme en rapport avec la connaissance du mouvement des femmes, un questionnaire a été distribué à 50 répondantes choisies de façon aléatoire dans des endroits publics fréquentés par la population étudiante. La première partie du questionnaire portait sur leurs perceptions et leurs opinions du féminisme par le biais d’une dizaine de questions. La deuxième partie du questionnaire tentait d’évaluer les connaissances des répondantes par le biais de plusieurs questions factuelles concernant l’histoire et l’actualité du mouvement des femmes.


Résultats

Soulignons d’abord que la moitié des répondantes ont une opinion généralement positive du féminisme. La majorité d’entre elles croient en effet que le féminisme est encore d’actualité, tandis que 60% se disent féministes. Il est donc étonnant et contradictoire de constater que 58% de ces mêmes répondantes considèrent que le mouvement féministe ne les intéresse pas et que 64% considèrent que celui-ci ne les concerne pas.

Les résultats ont démontré de manière significative que la perception du féminisme est effectivement influencée par les connaissances qu’ont les répondantes sur celui-ci. Il s’avère ainsi que les femmes qui connaissent moins le mouvement des femmes sont les plus susceptibles de ne pas être en faveur du féminisme. Il existerait donc un lien entre la connaissance du mouvement des femmes et la position idéologique des femmes à l’égard du féminisme.

Ainsi les 10 répondantes les moins intéressées par le féminisme ont obtenu une moyenne de 37% à un test conçu pour mesurer leur connaissance du mouvement des femmes. En contrepartie, les 10 répondantes les plus intéressées par le féminisme ont obtenu une moyenne de 66% à ce même test. On pourrait donc avancer que la connaissance qu’ont les répondantes du mouvement des femmes influence leurs perceptions du féminisme.

Il semblerait aussi que l’intérêt des répondantes pour le féminisme soit directement lié à leur perception et à leur expérience du sexisme. En effet, les répondantes qui déclarent ne jamais avoir été victimes de sexisme sont celles qui ont un intérêt moyen pour le féminisme (autour de 43%), tandis que les répondantes qui déclarent avoir été souvent victimes de sexisme ont un intérêt assez élevé pour le mouvement (69%).

La marge d’erreur de ce sondage réalisé auprès de 50 répondantes de l’Université de Montréal ne permet pas d’affirmer hors de tout doute que ces résultats se vérifieraient auprès de l’ensemble des étudiantes. Mais il s’agit ici sans contredit d’un excellent point de départ pour des recherches ultérieures qui pourraient entre autres vérifier l’interprétation proposée par l’équipe de recherche. Car s’il peut s’avérer fondé qu’une meilleure connaissance du mouvement des femmes suscite chez les étudiantes une opinion plus positive du féminisme, il se peut aussi que les répondantes ayant un plus grand intérêt pour les idées féministes se soient renseignées davantage sur le sujet, ce qui expliquerait les résultats obtenus dans cette enquête.