La
végétation mondiale à portée de main des
chercheurs
À
lInstitut de recherche en biologie végétale, collections
et recherche vont de pair.
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La
taxonomiste Anne Bruneau, professeure à lInstitut
de recherche en biologie végétale, fait partie
des quelques chercheurs qui puisent leurs sujetsde recherche
parmi les 20 000 espèces et cultivars du Jardin botanique.
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Plus de 20 000
espèces et cultivars de plantes dont 1000 variétés
dorchidées et 2000 espèces de plantes alpines,
un bonsaï de 360 ans, un peuplier de près de 30 m, des
lichens de quelques millimètres. Le Jardin botanique de Montréal
offre tout cela. Mais les collections ne font pas que le bonheur du
million de personnes qui les visitent chaque année. Elles sont
aussi utilisées par les chercheurs de lInstitut de recherche
en biologie végétale (IRBV) pour lenseignement
et la recherche.
Créé en 1990, lIRBV est le prolongement de lInstitut
botanique, fondé en 1920 par le frère Marie-Victorin.
Fruit dun partenariat entre lUniversité de Montréal
et la Ville de Montréal, lIRBV unit les efforts des professeurs
de biologie végétale du Département de sciences
biologiques et des scientifiques de la Division du développement
et de la recherche du Jardin botanique. «Cette union profite
aux uns comme aux autres, signale le conservateur du Jardin, Michel
Labrecque, également chercheur à lIRBV. Les professeurs
de lUniversité collaborent avec le personnel scientifique
et horticole de la Ville et ont accès aux collections et aux
installations du Jardin. En retour, celui-ci héberge un centre
de recherche de pointe et profite de lexpertise scientifique
des chercheurs universitaires. Grâce à cette collaboration,
des recherches sont menées dans une large gamme de disciplines
allant de la biologie moléculaire à lécologie.»
Selon Michel Labrecque, la présence de lIRBV permet au
Jardin de contribuer à la recherche et à lenseignement,
en plus de jouer un rôle en matière de conservation et
de vulgarisation scientifique.
Symbiose entre recherche et collections
«Les projets de recherche, cest souvent ce qui permet
de mettre sur pied une collection vivante», affirme Luc Brouillet,
professeur à lIRBV et conservateur de lherbier
Marie-Victorin, le troisième en importance au Canada avec plus
de 750 000 spécimens de plantes séchées.
Le taxonomiste rappelle que les collections sont indispensables à
lenseignement: «Cest un avantage énorme pour
un département de biologie que davoir accès à
un jardin botanique. Les étudiants de mes cours de systématique
ne se limitent pas à lobservation de spécimens
dherbier ou de matériel conservé dans de lalcool.
Ils ont la chance de voir des plantes vivantes. Ça rend lapprentissage
beaucoup plus intéressant.»
Anne Bruneau, professeure de systématique moléculaire
à lIRBV, a fait sa thèse de doctorat à
partir de matériel prélevé sur des arbres du
National Tropical Botanical Garden et du Waimea Arboretum, à
Hawaii, où les chercheurs sont les bienvenus. «Jai
étudié la systématique du genre Erythrina,
de la famille des légumineuses. Il sagit de grands arbres
répartis dans les régions tropicales de lAsie,
de lAfrique et de lAmérique du Sud. Sans cette
collection, qui compte 100 des 112 espèces, jaurais dû
voyager pendant des années pour trouver le matériel
nécessaire à mon travail.»
Conservation de la bio-diversité
Quand Anne Bruneau est arrivée à lIRBV, elle connaissait
déjà, de réputation, la collection de rosiers
du Jardin botanique. Sa première visite avec la responsable
de la roseraie ne la pas déçue. «Réunir
autant despèces sauvages en un même endroit, cest
un travail de longue haleine, explique lhorticultrice Claire
Laberge. Pour chaque espèce, nous recevons une faible quantité
de semences récoltées dans la nature et difficiles à
faire germer à cause dun problème de dormance.
Mais nous avons pu surmonter cette difficulté en ayant recours
à la culture in vitro.»
Il y a quelques années, lhorticultrice a en effet découvert,
en consultant la littérature scientifique, quil était
possible de résoudre le problème de dormance des graines
de rosiers en utilisant la culture in vitro. Elle a alors communiqué
avec les chercheurs de lIRBV, qui lont aidée à
faire germer les graines dune trentaine despèces
en moins dun an. «Pour obtenir la centaine dautres
variétés de la collection, il a fallu plus de 30 ans
de travail», affirme Mme Laberge.
Anne Bruneau prépare en ce moment un projet de recherche sur
le genre Rosa, dont la systématique est peu connue.
La botaniste a également tiré profit des collections
pour étudier la classification des angiospermes, comme en témoigne
un article écrit en collaboration avec Luc Brouillet et Simon
Joly, étudiant à la maîtrise à lIRBV,
et qui vient de paraître dans la revue International Journal
of Plant Science.
Si les chercheurs gagnent du temps grâce aux collections, il
ne faut pas croire pour autant quils naiment pas les voyages.
Denis Barabé, botaniste au Jardin botanique et professeur associé
à lIRBV, en est la preuve. Ce spécialiste de la
famille des aracées effectue plusieurs voyages sous les tropiques
pour étudier ces plantes. Chaque fois, il rapporte des spécimens
qui viennent enrichir la collection du Jardin. Et grâce à
cette importante collection, il peut étudier les aracées
sans se déplacer. Cest ce quil a fait dernièrement
avec Marc Gibernau, un chercheur du Conseil national de recherche
scientifique de France.
Les liens entre les collections végétales et la recherche
à lIRBV ne manquent donc pas au jardin fondé par
le frère Marie-Victorin. «Au Canada, nous sommes le jardin
où il se fait le plus de recherche, mais nos effectifs ne sont
cependant pas à la hauteur de ceux des grands jardins auxquels
nous nous comparons.» Luc Brouillet partage cette opinion: «
Le personnel de recherche des jardins de Kew, New York, Saint Louis
et Berlin est au moins 10 fois plus nombreux quici. Parmi les
grands, nous sommes les plus petits.»
Mais tous deux voient lavenir avec optimisme. «Le quart
de la biodiversité végétale mondiale est cultivé
dans les jardins botaniques, rappelle Michel Labrecque. Avec nos collections
et notre recherche, nous participons à leffort planétaire
pour la sauvegarde de la biodiversité.»
Denis
Lauzer
Agent de recherche
Institut de recherche en biologie végétale