Décrochage: 
            les directeurs de thèse montrés du doigt
             
            Une 
            chercheuse au Département de psychologie étudie le phénomène.
          
             
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                    | Sous 
                      la direction des professeurs Margaret C. Kiely (au centre) 
                      et Pierre Gendreau, du Département de psychologie, 
                      Natalie Boulet a démontré, dans le cadre de 
                      sa thèse de doctorat, limportance dune 
                      direction doctorale basée sur le processus créateur. 
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          Selon le domaine 
            détudes, de 35 à 50% des étudiants québécois 
            au doctorat décrochent avant davoir obtenu leur diplôme. 
            Des statistiques inquiétantes mais comparables à celles 
            des universités américaines et britanniques.
            
            Natalie Boulet, chercheuse au Département de psychologie, sest 
            intéressée au problème et en a fait lobjet 
            de sa thèse de doctorat. La recherche a été menée 
            auprès de 20 professeurs et de 140 doctorants, dont des décrocheurs 
            en psychologie. Bien quil ne sagisse que dun seul 
            département, létude fait ressortir limportance 
            du rôle du directeur dans la persévérance aux 
            cycles supérieurs et désigne la direction adéquate 
            comme un élément clé de lobtention du diplôme. 
            
            
            «Aucun modèle de direction doctorale nest utilisé 
            de façon systématique dans les universités québécoises, 
            déplore la chercheuse. La majorité des directeurs de 
            recherche apprennent par essais et erreurs.»
            
            À la Faculté des études supérieures, on 
            se penche activement sur ce problème. Dans le cadre de lentente 
            de réinvestissement 2000-2003 intervenue entre lUniversité 
            et le ministère de lÉducation, diverses stratégies 
            ont été mises en place pour hausser le taux de diplomation 
            aux cycles supérieurs, dont un encadrement et un suivi plus 
            rigoureux. Depuis 1999, lÉcole Polytechnique a aussi 
            fait de lencadrement une de ses priorités. On a notamment 
            instauré des activités pédagogiques destinées 
            aux professeurs et aux étudiants et lon envisage la création 
            de comités départementaux des cycles supérieurs. 
            Une enquête sur la qualité de lencadrement aura 
            lieu ce printemps.
          
            Laissés à eux-mêmes
            Labandon scolaire entraîne des conséquences fâcheuses 
            pour les étudiants et pour les professeurs qui ont investi 
            temps et énergie, soutient Mme Boulet. Pour le décrocheur, 
            il en résulte parfois un échec majeur: sa décision 
            dabandonner, constamment ravivée par son entourage, engendre 
            beaucoup démotions telles que la frustration, la culpabilité 
            et une faible estime de soi. Et cest sans compter les pertes 
            considérables pour la société puisquon 
            prive le marché de personnes susceptibles dinfluencer 
            la science et la recherche, rappelle la chercheuse.
            
            Natalie Boulet, en tout cas, prêche par lexemple. Mère 
            de deux enfants, la jeune femme âgée de 34 ans a réussi 
            à déposer sa thèse de doctorat. «Avec un 
            tel sujet de recherche, jétais très mal placée 
            pour laisser tomber, dit-elle en riant. Le soutien constant de ma 
            directrice, Margaret C. Kiely, et de mon codirecteur, Pierre Gendreau, 
            a été une grande source de motivation. Sans leur appui, 
            ma thèse naurait pu être menée à 
            bien.» 
            
            Tous les professeurs ne sont pas aussi disponibles et engagés. 
            Les étudiants se retrouvent, semble-t-il, souvent laissés 
            à eux-mêmes, comme le soulignent les propos de ce décrocheur 
            qui a préféré garder lanonymat. «Jai 
            été inscrit au doctorat pendant sept ans, le temps maximal. 
            Les quatre dernières années, je payais toujours mes 
            droits de scolarité, je faisais partie du programme, mais jamais 
            je nai eu dappel de mon directeur, ne serait-ce que pour 
            me demander si jarrêtais ou si je poursuivais». 
            
            
            Un diplômé, interviewé par Mme Boulet, raconte: 
            «Pendant presque deux ans, jai eu limpression de 
            perdre mon temps avec ma question de recherche. Ma directrice ma 
            laissé toute la latitude dont javais besoin, mais à 
            un moment donné elle ma dit: Il faut que tu ty 
            remettes. Et elle a été présente.»
            
            Daprès Natalie Boulet, la relance de la part du professeur, 
            particulièrement dans les périodes dites non productives 
            comme la revue de la littérature, lorganisation des idées 
            et la rédaction, est capitale. Il sagit dune variable 
            en lien étroit avec la poursuite et lachèvement 
            des études doctorales. Plusieurs étudiants abandonnent 
            dailleurs juste après lexpérimentation, 
            indique la chercheuse. «Lorsquils ne sont pas encadrés, 
            soutenus et relancés par leur directeur de thèse, ils 
            associent le travail de recherche doctorale à limage 
            dune montagne sédifiant et devenant tellement haute 
            quelle apparaît insurmontable et inaccessible.» 
            
            
            Bien que les directeurs de thèse soient montrés du doigt 
            dans le décrochage, divers autres facteurs semblent également 
            jouer un rôle notable. Par exemple, la personnalité de 
            létudiant, le manque dappartenance à létablissement 
            et les difficultés financières. Certains abandonnent 
            aussi parce quils décrochent
 un boulot intéressant! 
            «Ce nest pas la majorité, allègue Mme Boulet. 
            Si lon veut contrer le problème, il faut amener les professeurs 
            à maîtriser les habiletés nécessaires à 
            la valorisation du potentiel créateur de létudiant 
            et les sensibiliser au processus impliquant un contexte psychologique 
            dencadrement et de créativité qui mène 
            au dépôt de la thèse.»
          
            Limportance de la qualité de la relation
            Consciente de la lourdeur de la charge de travail des professeurs, 
            Natalie Boulet soutient quune part de responsabilité 
            relative au décrochage relève des établissements 
            universitaires. À son avis, ces derniers devraient valoriser 
            davantage lenseignement et la direction doctorale. «Parmi 
            les critères de sélection à un poste de professeur, 
            lexpérience et la performance du candidat à la 
            direction doctorale ne sont pas prises en considération, reproche-t-elle. 
            Laccent est mis essentiellement sur son expérience en 
            recherche et sur les publications à son actif. Il est essentiel 
            dentretenir une culture de la recherche plus large et plus évidente.»
            
            Pour elle, la direction doctorale doit être abordée en 
            tenant compte du processus créateur et des différentes 
            étapes qui mènent à lélaboration 
            de la thèse et à lobtention du diplôme. 
            Dans le modèle quelle a élaboré, la qualité 
            de la relation entre le directeur et létudiant chercheur 
            tient une place de choix. «Létudiant qui réussit 
            au troisième cycle a choisi seul ou en collaboration avec son 
            directeur de recherche son sujet de thèse et a reçu 
            tout au long du processus un soutien de la part de son directeur. 
            Il rapporte une relation positive avec ce dernier, lui attribue de 
            nombreuses forces et, finalement, mentionne plusieurs moments heureux 
            avec son directeur de recherche.»
            
           
            Dominique 
  Nancy 
           
          