Le
mont Royal pour tous et pour toujours
Peter
Jacobs publie un livre sur la «montagne magique».
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En 1954, des résidants
outrés par les activités «pas catholiques»
qui se passent dans les fourrés du mont Royal obtiennent de
la Ville quon débroussaille les sous-bois. «Ces
coupes, appelées coupes de moralité, eurent
un impact radical sur lécologie du mont Royal, explique
Peter Jacobs dans un livre qui vient de paraître aux Éditions
du Méridien. Dès 1961, la montagne était désignée
sous le nom de mont Chauve. Les coupes causèrent
de graves problèmes dérosion qui, associés
au manque dentretien, eurent un effet dévastateur sur
létat général du parc.»
Un demi-siècle plus tard, les «coupes de moralité»
ne risquent plus de perturber lécologie du parc du Mont-Royal,
mais dautres activités humaines menacent lécosystème.
«Croyez-le ou non, on trouvait des traces de motoneige jusque
dans les années 90, même si cétait formellement
interdit, et un nouveau sport, le vélo de montagne, a fait
des adeptes. Cela a causé des perturbations importantes dans
plusieurs sentiers», explique M. Jacobs, professeur à
lÉcole darchitecture de paysage de la Faculté
de laménagement.
Des centaines de milliers de personnes aperçoivent quotidiennement
le mont Royal (ou foulent ses flancs, comme sur le campus des universités
de Montréal et McGill), mais peu de gens connaissent vraiment
cette colline montérégienne et mesurent son importance
dans la culture des Montréalais. Qui sait, par exemple, que
quatre énormes réservoirs enfouis sous la montagne contiennent
leau potable dune grande partie de la ville, distribuée
par simple gravité?
«Les gens ne savent pour ainsi dire rien de leur montagne. À
des audiences publiques ou à des consultations populaires,
ce sont toujours les 15 mêmes personnes qui se présentent»,
caricature M. Jacobs, qui a voulu offrir aux amateurs de la «montagne
magique», comme on lappelait autrefois, un ouvrage facile
à lire et instructif. Les quatre saisons du mont Royal compte
90 photos originales dOswald Foisy, ainsi quune vingtaine
dillustrations dépoque. Le texte, dune cinquantaine
de pages, présente les grands chapitres de lhistoire
de ce parc urbain unique en Amérique.
Un lac creusé à la main
Après une présentation de larchitecte paysagiste
qui a conçu laménagement du parc, Frederick Law
Olmsted, le lecteur apprend que le lac aux Castors tire son nom dune
découverte surprenante. Grâce à une subvention
de 75 000$ reçue en 1936, la Ville de Montréal engage
lannée suivante 160 travailleurs pour creuser, à
la pelle, un lac artificiel dessiné par larchitecte paysagiste
Frederick Todd sur les lieux dun ancien marais. Durant les travaux,
les ouvriers exhument des vestiges de huttes de castors âgées
de plus de 300 ans. «De nombreuses histoires furent racontées
autour de cette découverte et cest ainsi que le nom de
lac aux Castors fut choisi», écrit lauteur.
Grâce à Olmsted, le parc du Mont-Royal a été
«pensé». Pour le promeneur non informé,
lendroit ne représente quun havre de paix. Lobservateur
attentif verra pourtant que la végétation change selon
laltitude où il se trouve. Les conifères de l«Upperfell»,
comme Olmsted a baptisé le sommet du parc, névoquent
pas par hasard les régions montagneuses. En fait, huit zones
de paysages se succèdent, de lescarpement rocheux à
la fougeraie. Après une heure de descente entre le sommet et
le piémont, le marcheur parvient à la côte Placide,
où les bourgeois jouaient au golf autrefois. Autre temps, autres
murs, aujourdhui, ce sont les tam-tams qui se font entendre
ici, tous les dimanches dété.
Des plans abandonnés
Si M. Jacobs rend hommage au merveilleux travail du pionnier Olmsted,
il présente aussi des projets qui auraient pu être moins
heureux. En 1908, par exemple, on a pensé construire un boulevard
de 42 m de largeur entre le parc Lafontaine et le mont Royal. Ce «boulevard
de la Confédération» aurait été
bâti là où lon trouve aujourdhui la
rue Duluth.
Larrivée de lautomobile a aussi été
un fait marquant. Les architectes paysagistes Clarke et Rapuano ont
proposé dans les années 50 un réseau de routes
panoramiques encerclant la montagne et traversant le parc, des stationnements,
des amphithéâtres extérieurs, un musée,
des terrains de tennis
De leurs idées, une seule a vu
le jour: la voie Camilien-Houde le long de lancienne ligne de
tramway.
Le lecteur apprend que le mont Royal compte non pas un mais trois
sommets. Le plus évident et le plus fréquenté
est celui qui accueille lantenne de Radio-Canada, près
duquel se trouve la croix illuminée, érigée par
la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal en
1924. Le deuxième sommet se trouve dans le cimetière
Mont-Royal et le troisième, à Westmount, est accessible
par le chemin Summit Circle, qui croise le chemin de la Côte-des-Neiges.
En conclusion, lauteur en appelle à une vigilance de
tout instant, 125 ans après la création du parc du Mont-Royal,
en 1876. «Il faudrait, à laube du 21e siècle,
élargir les frontières du parc et englober lensemble
de la montagne pour répondre aux besoins dune population
sans cesse grandissante et de plus en plus exigeante», écrit-il.
Après avoir passé une quinzaine dannées
à lextérieur du pays, M. Jacobs est revenu dans
sa ville natale, Montréal, il y a 30 ans. «On peut en
avoir assez de lhiver, mais il demeure que Montréal est
une ville unique en son genre», dit cet ami de la montagne.
Mathieu-Robert
Sauvé
Oswald Foisy
et Peter Jacobs, Les quatre saisons du mont Royal, Montréal,
Éditions du Méridien, 2000, 39,95$.