Le
Devoir… de faire connaître les livres
Les
auteurs d’ici sont très présents dans les quotidiens
francophones montréalais, selon Claude Martin.
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Claude
Martin, professeur au Département de communication,
a dirigé le travail de recherche de Bernard Musoni.
L’étudiant, qui a déposé son mémoire
de maîtrise l’année dernière, travaille
actuellement à Toronto et n’a pu être
présent pour la photo. |
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«Sans le
quotidien Le Devoir, l’industrie du livre québécois
s’en irait à la dérive. C’est un canal essentiel
de la promotion des auteurs et des publications francophones»,
allègue Claude Martin, professeur au Département de
communication.
Sous sa direction, Bernard Musoni a étudié les sections
consacrées aux livres dans les trois quotidiens francophones
de Montréal, soit Le Devoir, La Presse et Le Journal
de Montréal. L’étudiant à la maîtrise
a analysé la publicité et les articles sur les livres
parus au cours du mois de novembre 1996. L’objectif: rendre compte
de leur présence et de leur visibilité.
«Le livre québécois est bien représenté
dans Le Devoir et La Presse, écrit-il dans son
mémoire déposé l’année dernière.
Sa couverture équivaut environ au double de sa présence
sur le marché du livre au Québec. La valorisation en
termes de surface, de présence de l’image du livre et
de la photo de l’auteur lui est aussi favorable. Ce constat est
particulièrement évident dans les publicités.»
Cela infirme l’opinion souvent exprimée selon laquelle
les médias seraient défavorables aux produits locaux.
Les journalistes auraient même une attitude bienveillante envers
les auteurs et les livres québécois. Mais la critique
littéraire en général ne critique plus: elle
informe ni plus ni moins sur ce qui est publié. Et encore.
«Il y a une volonté un peu cachée de la part des
journalistes de faire la promotion de la culture québécoise
et de ce qu’ils aiment, soutient le professeur Martin. Ainsi,
plutôt que de parler négativement de la relève,
on l’ignore.»
Ce n’est pas que le lot des nouveaux écrivains. La masse
de livres publiés ne trouve pas sa place dans les journaux.
Les éditeurs publient-ils trop d’ouvrages? Non, répond
le chercheur. Les quotidiens n’ont tout simplement pas les moyens
de faire des cahiers spéciaux de 50 pages, pas plus qu’ils
n’ont le lectorat, fait-il remarquer. En tout cas, la proportion
d’articles et de publicités est beaucoup plus importante
dans Le Devoir que dans La Presse et Le Journal de Montréal
par rapport au nombre de pages. Dans le corpus à l’étude,
la répartition correspond respectivement à 77% du contenu,
20% et 3%.
«De par sa mission, Le Devoir porte un intérêt
plus marqué aux livres. Même si son tirage est moins
grand, le journal joint un public plus intéressé par
ce produit culturel, affirme Claude Martin. Ce qui en fait un outil
essentiel de promotion pour les éditeurs. Voilà pourquoi
ils y achètent davantage d’espace publicitaire.»
Plus de pub mais moins d’articles
La Presse accorde une place plus grande aux auteurs de France et des
États-Unis comparativement au Devoir et au Journal
de Montréal. Ces derniers semblent plus orientés
vers les écrivains du Québec et du Canada français.
De manière générale, ces auteurs sont très
visibles dans les quotidiens francophones montréalais, mais
l’espace promotionnel se compose davantage de publicité
que d’articles de fond. Le rapport est inverse pour le cas des
auteurs français.
Certaines œuvres comme Le militant, d’Hélène
Pelletier-Baillargeon, Quand je serai grande, je serai sage,
d’Andrée Boucher, ainsi que les livres de Daniel Pennac
ont une présence notable dans l’échantillon de
la recherche. La tendance est-elle d’accorder une plus grande
place aux auteurs connus? Oui, semble dire M. Martin, qui se passionne
pour l’industrie culturelle du livre depuis une vingtaine d’années.
Selon lui, les journalistes ne sont pas pour autant à la remorque
des listes de best-sellers ni de la publicité et des services
de relations de presse des maisons d’édition.
L’autonomie des journalistes ferait en sorte qu’ils se livrent
à une sélection des ouvrages à traiter selon
l’intérêt journalistique, celui du public et la
notoriété de l’auteur. «Sans défavoriser
les productions québécoises, on constate leur capacité
de se distancer de l’activité promotionnelle des éditeurs,
indique le professeur Martin. Seulement 10% des livres, soit 62 des
531 titres, se retrouvent à la fois dans les articles et dans
les publicités.»
En ce qui concerne l’intérêt porté aux best-sellers,
les médias semblent repoussés par le côté
succès de masse. Comme s’ils s’opposaient à
ce que le marché considère comme une valeur sûre.
«C’est un vieux débat sur la qualité versus
la quantité dont on sent malheureusement encore les traces»,
estime-t-il.
Amazone.com
Ce litige semble bien dérisoire devant le nouveau phénomène
qui bouleverse le monde du livre: la vente par Internet. Amazone.com,
la première société de commerce de bouquins en
ligne, a fait l’année dernière un chiffre d’affaires
de 972 M$. Pas mal pour une entreprise qui a moins de cinq ans d’existence.
«En 48 heures, on peut se faire livrer n’importe quel ouvrage,
signale M. Martin. On peut même se procurer des exemplaires
usagés! Mais Internet n’est qu’un autre élément
de diffusion qui fait partie d’un ensemble plus vaste de moyens
de promotion.»
Reste que Barnes & Noble, Archambault et Renaud-Bray ont depuis
réagi en mettant sur pied leurs propres sites Internet. Devant
cet engouement, les petites librairies n’ont qu’à
espérer que les amoureux des livres ne cessent d’avoir
envie de bouquiner, de humer et de tourner les pages de ces trésors
de papier avant de les acheter.
Dominique
Nancy
