Volume 35 numéro 24
19 mars
2001


 


Le Devoir… de faire connaître les livres
Les auteurs d’ici sont très présents dans les quotidiens francophones montréalais, selon Claude Martin.

Claude Martin, professeur au Département de communication, a dirigé le travail de recherche de Bernard Musoni. L’étudiant, qui a déposé son mémoire de maîtrise l’année dernière, travaille actuellement à Toronto et n’a pu être présent pour la photo.

«Sans le quotidien Le Devoir, l’industrie du livre québécois s’en irait à la dérive. C’est un canal essentiel de la promotion des auteurs et des publications francophones», allègue Claude Martin, professeur au Département de communication.

Sous sa direction, Bernard Musoni a étudié les sections consacrées aux livres dans les trois quotidiens francophones de Montréal, soit Le Devoir, La Presse et Le Journal de Montréal. L’étudiant à la maîtrise a analysé la publicité et les articles sur les livres parus au cours du mois de novembre 1996. L’objectif: rendre compte de leur présence et de leur visibilité.

«Le livre québécois est bien représenté dans Le Devoir et La Presse, écrit-il dans son mémoire déposé l’année dernière. Sa couverture équivaut environ au double de sa présence sur le marché du livre au Québec. La valorisation en termes de surface, de présence de l’image du livre et de la photo de l’auteur lui est aussi favorable. Ce constat est particulièrement évident dans les publicités.»

Cela infirme l’opinion souvent exprimée selon laquelle les médias seraient défavorables aux produits locaux. Les journalistes auraient même une attitude bienveillante envers les auteurs et les livres québécois. Mais la critique littéraire en général ne critique plus: elle informe ni plus ni moins sur ce qui est publié. Et encore. «Il y a une volonté un peu cachée de la part des journalistes de faire la promotion de la culture québécoise et de ce qu’ils aiment, soutient le professeur Martin. Ainsi, plutôt que de parler négativement de la relève, on l’ignore.»

Ce n’est pas que le lot des nouveaux écrivains. La masse de livres publiés ne trouve pas sa place dans les journaux. Les éditeurs publient-ils trop d’ouvrages? Non, répond le chercheur. Les quotidiens n’ont tout simplement pas les moyens de faire des cahiers spéciaux de 50 pages, pas plus qu’ils n’ont le lectorat, fait-il remarquer. En tout cas, la proportion d’articles et de publicités est beaucoup plus importante dans Le Devoir que dans La Presse et Le Journal de Montréal par rapport au nombre de pages. Dans le corpus à l’étude, la répartition correspond respectivement à 77% du contenu, 20% et 3%.

«De par sa mission, Le Devoir porte un intérêt plus marqué aux livres. Même si son tirage est moins grand, le journal joint un public plus intéressé par ce produit culturel, affirme Claude Martin. Ce qui en fait un outil essentiel de promotion pour les éditeurs. Voilà pourquoi ils y achètent davantage d’espace publicitaire.»


Plus de pub mais moins d’articles

La Presse accorde une place plus grande aux auteurs de France et des États-Unis comparativement au Devoir et au Journal de Montréal. Ces derniers semblent plus orientés vers les écrivains du Québec et du Canada français. De manière générale, ces auteurs sont très visibles dans les quotidiens francophones montréalais, mais l’espace promotionnel se compose davantage de publicité que d’articles de fond. Le rapport est inverse pour le cas des auteurs français.

Certaines œuvres comme Le militant, d’Hélène Pelletier-Baillargeon, Quand je serai grande, je serai sage, d’Andrée Boucher, ainsi que les livres de Daniel Pennac ont une présence notable dans l’échantillon de la recherche. La tendance est-elle d’accorder une plus grande place aux auteurs connus? Oui, semble dire M. Martin, qui se passionne pour l’industrie culturelle du livre depuis une vingtaine d’années. Selon lui, les journalistes ne sont pas pour autant à la remorque des listes de best-sellers ni de la publicité et des services de relations de presse des maisons d’édition.

L’autonomie des journalistes ferait en sorte qu’ils se livrent à une sélection des ouvrages à traiter selon l’intérêt journalistique, celui du public et la notoriété de l’auteur. «Sans défavoriser les productions québécoises, on constate leur capacité de se distancer de l’activité promotionnelle des éditeurs, indique le professeur Martin. Seulement 10% des livres, soit 62 des 531 titres, se retrouvent à la fois dans les articles et dans les publicités.»

En ce qui concerne l’intérêt porté aux best-sellers, les médias semblent repoussés par le côté succès de masse. Comme s’ils s’opposaient à ce que le marché considère comme une valeur sûre. «C’est un vieux débat sur la qualité versus la quantité dont on sent malheureusement encore les traces», estime-t-il.


Amazone.com
Ce litige semble bien dérisoire devant le nouveau phénomène qui bouleverse le monde du livre: la vente par Internet. Amazone.com, la première société de commerce de bouquins en ligne, a fait l’année dernière un chiffre d’affaires de 972 M$. Pas mal pour une entreprise qui a moins de cinq ans d’existence. «En 48 heures, on peut se faire livrer n’importe quel ouvrage, signale M. Martin. On peut même se procurer des exemplaires usagés! Mais Internet n’est qu’un autre élément de diffusion qui fait partie d’un ensemble plus vaste de moyens de promotion.»

Reste que Barnes & Noble, Archambault et Renaud-Bray ont depuis réagi en mettant sur pied leurs propres sites Internet. Devant cet engouement, les petites librairies n’ont qu’à espérer que les amoureux des livres ne cessent d’avoir envie de bouquiner, de humer et de tourner les pages de ces trésors de papier avant de les acheter.

Dominique Nancy