Volume 35 numéro 24
19 mars
2001


 


La musique de @ à Z
Jean-Jacques Nattiez dirige la publication d’une encyclopédie de la musique.

Jean-Jacques Nattiez a dirigé l’ouvrage Enciclopedia della musica, dont le premier tome vient de paraître. Le musicologue est un travailleur infatigable. Ses loisirs? «Aller au concert. Trois ou quatre fois par semaine.»

LC’est à Jean-Jacques Nattiez, professeur à la Faculté de musique, qu’on a demandé de diriger l’une des plus ambitieuses publications à avoir été imaginées par l’éditeur italien Einaudi: l’Enciclopedia della musica. En cinq tomes de 1200 pages chacun, l’encyclopédie comptera 240 essais de 185 auteurs des quatre coins de la planète. Le premier tome, portant sur le 20e siècle, a été lancé le 2 mars dernier à New York. L’événement s’est déroulé en marge du concert d’un des collaborateurs, Pierre Boulez, dirigeant le Philharmonique de Vienne à Carnegie Hall.

«Il s’agit d’une encyclopédie nouveau genre où l’on ne trouvera pas des entrées Bach et Beethoven à la lettre B, mais une série d’analyses thématiques visant les mélomanes cultivés. Les auteurs ont été encouragés à donner leur interprétation des sujets présentés», explique le musicologue.

Le premier tome est consacré à un bilan de la musique au 20e siècle, le deuxième au savoir musical, le troisième aux musiques du monde et le quatrième à l’histoire de la musique occidentale. Un cinquième offrira une chronologie comparative des œuvres et des événements qui en marquent l’évolution.

L’édition initiale sur papier de l’Enciclopedia della musica, en italien, est accompagnée d’une version anglaise sur un site Web www.andante.com appelé à devenir l’un des sites musicaux les plus fréquentés du réseau. Une entente est également signée avec les Éditions Actes Sud pour une version française sur papier. Sa sortie est prévue pour 2002.


Trois ans de travail

C’est à l’occasion d’un premier projet chez Einaudi, en 1998, que M. Nattiez a été approché pour diriger l’encyclopédie. Aussitôt, il a mis sur pied une équipe de direction formée de Margaret Bent (Université Oxford), Rossana Dalmonte (Université de Tento) et Mario Baroni (Université de Bologne). Cette équipe a élaboré le plan d’ensemble de la publication et s’est mise à la recherche de collaborateurs. Trois ans plus tard, ils peuvent affirmer «mission accomplie», car le volume deux est pratiquement sous presse, alors qu’à peine une dizaine de textes sont à venir pour les volumes trois et quatre. Le cinquième tome sera constitué d’une chronologie. Sur les quelque 6000 pages du produit final, il n’en manquerait ainsi que quelques centaines…

On retrouve parmi les auteurs des noms connus comme Ennio Morricone («La musique de film du point de vue du compositeur») et Pierre Boulez («Le texte, le compositeur et le chef d’orchestre»). Mais aussi plusieurs spécialistes québécois.

De l’Université de Montréal, Dujka Smoje («L’audible et l’inaudible»), Johanne Rivest («Alea, happenings, improvisations, œuvres ouvertes»), Serge Provost («Complexité/ simplicité/complexité») et Michel Veilleux («L’opéra du théâtre au vidéo») ont participé au premier tome. On trouve aussi deux textes du titulaire de la Chaire en gestion des arts de l’École des Hautes Études Commerciales, François Colbert, et des articles des diplômés de l’UdeM Jean Boivin, Maryse Souchard, Jacques Hains et Dominique Olivier. D’autres, comme Isabelle Peretz («La musique et le cerveau»), Ramon Pelinski («Les tendances récentes de l’ethnomusicologie»), Monique Desroches et Ghislaine Guertin («Ethno-esthétique: authenticité et jugements de valeur dans les musiques du monde»), Jocelyne Guilbault («Localisme et mondialisation»), Line Grenier («Valorisation: le cas Céline Dion), François de Médicis («Quel genre d’opéra Mozart a-t-il écrit?») et Guy Marchand («Le thème de Faust dans la musique du 19e siècle») signeront des articles dans les tomes à paraître. M. Nattiez lui-même signe cinq essais, en plus des préfaces à chaque tome.

«Le premier volume porte sur le 20e siècle et le quatrième sur l’histoire de la musique. C’est dire que nous n’avons pas eu peur de faire les choses autrement, lance M. Nattiez. En toute modestie, nous avons voulu faire une encyclopédie dans le sens où Diderot l’entendait. Vous ne trouverez pas d’articles sur des compositeurs précis, mais des essais sur la naissance de l’opéra à Vienne, l’apparition de la symphonie. Cela nous a semblé beaucoup plus riche ainsi.»

M. Nattiez est heureux d’avoir obtenu la confiance des éditeurs italiens, qui lui ont laissé une totale liberté pour le choix du contenu et des collaborateurs. C’est ainsi qu’il a pu faire appel à des gens comme la neuropsychologue Isabelle Peretz, qui a beaucoup étudié la perception musicale, et inclure des thèmes tels que «la musique des animaux», «l’apparition du musical chez le bébé» et même «la testostérone et la création musicale»…

Mathieu-Robert Sauvé