Le
Québec doit miser sur un capital humain capable douverture
sur le monde
Répondant
à linvitation de la Commission des États généraux
sur la situation et lavenir de la langue française au
Québec, le recteur Robert Lacroix a exposé les défis
que présente la question de la maîtrise du français,
de langlais et des autres langues pour une université
de recherche de calibre international telle que lUniversité
de Montréal. Forum reproduit ici une version abrégée
de la présentation qua faite M. Lacroix devant la Commission
le 15 mars dernier.
À ce tournant
de son histoire, le Québec doit miser sur un capital humain
capable douverture sur le monde. Cest là un impératif
incontournable pour une société dont léconomie
dépend dune expansion croissante à léchelle
nord-américaine et mondiale. À cette fin, le Québec
doit consolider les compétences spécialisées
dont il dispose et acquérir celles dont il aura besoin pour
sassurer une position concurrentielle au sein de la société
internationale du savoir. Ces compétences reposent sur laccès
à des connaissances de pointe en progrès constant dans
une ample gamme de domaines, tant académiques que professionnels.
LUniversité de Montréal, université internationale
de langue française
Les grandes universités de recherche sont considérées
à juste titre comme des agents indispensables de progrès
et de promotion de lexcellence. Parmi ces universités,
un nombre limité dinstitutions intensifient actuellement
leur mission de formation spécialisée et de recherche
dans une perspective de rayonnement international accru.
LUniversité de Montréal compte 13 facultés,
plus de 60 départements et 2 écoles affiliées:
lÉcole Polytechnique et lÉcole des Hautes
Études Commerciales. Ce complexe universitaire accueille quelque
48 400 étudiantes et étudiants réguliers à
qui lon offre plus de 250 programmes de premier cycle, plus
de 180 programmes de deuxième cycle et plus de 70 programmes
de doctorat. Le personnel enseignant comprend plus de 2000 professeurs
et chercheurs, plus de 1500 professeurs et chargés denseignement
de clinique et plus de 2000 chargés de cours et de clinique.
LUniversité de Montréal, avec ses écoles
affiliées, regroupe au-delà de 150 centres, groupes
et chaires et détient des fonds de recherche qui la classent
dans le peloton de tête des universités de recherche
canadiennes et parmi les grandes universités publiques de recherche
nord-américaines.
Sur le plan international, lUniversité de Montréal
assume pleinement son rôle de grande université de recherche
de langue française, ce que symbolise entre autres le fait
quelle est le siège de lAgence universitaire de
la francophonie. Elle entretient de longue date des liens importants
avec les meilleures institutions universitaires de la francophonie
et ses professeurs collaborent avec leurs homologues du monde francophone.
Une majorité des étudiants étrangers quelle
accueille sont de langue française et ses propres étudiants
poursuivant des stages à létranger y fréquentent
majoritairement des institutions de langue française.
LUniversité de Montréal doit toutefois dépasser
le cadre de la francophonie. À léchelle mondiale,
diverses aires culturelles dAmérique du Nord, dAmérique
latine, dEurope non francophone et dAsie représentent
pour elle un potentiel crucial déchanges, dalliances,
doffres de formation et de développements concertés
de recherche. Par ailleurs, elle a lobligation doffrir
aux futurs leaders de la société québécoise
les formations les plus riches et les mieux adaptées à
louverture sur le monde que le Québec se doit de pratiquer.
Dans cette perspective, la maîtrise du français, de langlais
et dautres langues figure indubitablement parmi les priorités
dune université internationale comme la nôtre.
Cette exigence sapplique aux activités denseignement,
de formation et de recherche, qui forment sa raison dêtre.
La formation des étudiants en français
Principale université internationale de langue française,
lUniversité de Montréal doit sassurer que
ses étudiants maîtrisent la communication orale et écrite
en français.
Or, la connaissance du français se révèle fort
déficiente, particulièrement à lécrit,
chez nombre détudiants accédant à lUniversité
et y poursuivant des études. Cest pourquoi lUniversité
a adopté diverses mesures afin de suppléer aux carences
de la formation antérieure de ses étudiants et de leur
assurer la maîtrise universitaire de la langue française.
Ainsi, depuis 1983, la correction de la langue compte parmi les critères
dévaluation. Dès 1989, lUniversité
a imposé à ladmission un test de compétence
en français et a fait de la réussite aux cours de rattrapage
une condition dobtention des diplômes. Récemment,
elle a créé un centre de soutien à la communication
écrite qui offre un ensemble de mesures permettant de corriger
les lacunes des étudiants en la matière.
Dans la même veine, il importe doffrir aux étudiants
anglophones et allophones qui souhaitent poursuivre leurs études
à lUniversité de Montréal les moyens de
sy intégrer en améliorant leur connaissance et
leur pratique du français grâce, par exemple, à
des trimestres dété ou à des formations
à distance. De telles mesures semblent particulièrement
opportunes afin de soutenir un recrutement étudiant de qualité
aux cycles supérieurs.
La formation des étudiants en anglais et dans les langues étrangères
En contrepartie, lUniversité de Montréal doit
aussi tenir compte du fait que ses étudiants travailleront
dans un monde où la connaissance dautres langues, en
particulier de langlais et de lespagnol, deviendra un
atout majeur dinsertion dans le marché du travail.
Dans ce contexte, linstitution doit fournir les programmes et
les cours nécessaires à la maîtrise des langues
seconde et troisième et favoriser la mobilité de ses
étudiants en leur offrant des possibilités de stages
et des compléments de formation ailleurs au Canada et à
létranger. Au besoin, elle doit intégrer à
ses programmes des cours, des séminaires ou des modules donnés
en anglais et dans les langues étrangères appropriées,
en profitant éventuellement pour ce faire de ressources externes
(professeurs invités par exemple) ou dententes interinstitutionnelles.
Les politiques de développement des collections documentaires
et daccès aux réseaux dinformation doivent
pour leur part se conformer à lobligation de pertinence
internationale, ce qui nécessite de maintenir lacquisition
de ressources documentaires tant en français quen anglais
et dans une pluralité de langues étrangères,
lorsque ces langues constituent des véhicules majeurs de diffusion
de la recherche spécialisée.
La compétence linguistique des professeurs et des chercheurs
Recrutés suivant les normes internationales les plus exigeantes,
les professeurs de lUniversité de Montréal représentent
un éventail de compétences de haut niveau et constituent
un atout de développement précieux pour le Québec.
Dans la phase actuelle de son histoire, lUniversité entend
poursuivre et intensifier le recrutement des meilleurs spécialistes
à léchelle mondiale, formés ici ou ailleurs,
et ce, dans toutes les disciplines.
LUniversité sassure que les professeurs quelle
recrute ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde et qui
ne sont pas en mesure au départ de donner tous leurs enseignements
en français satisferont pleinement à cette exigence
dans les délais prescrits à lembauche, sous peine
de ne pas voir renouvelé leur engagement.
Néanmoins, comme la plupart des échanges au sein de
la communauté scientifique internationale se déroulent
en anglais et que les communications et les publications savantes
se font majoritairement dans cette langue, une grande partie des recherches
de linstitution et des programmes de formation qui sy
rattachent requiert lusage de langlais.
En conséquence, lUniversité doit faciliter les
communications dans cette langue des membres de sa communauté
avec leurs partenaires de recherche ailleurs au Canada et à
létranger, ainsi quavec les organismes externes
concernés. Nombre dexemples peuvent nous inspirer à
cet égard, que nous fournissent des universités comparables,
notamment aux Pays-Bas, en Allemagne et dans les États scandinaves,
mais aussi certains établissements français de renom,
où tout est organisé de façon à permettre
que les échanges de recherche et les activités de formation
supérieure qui sy rattachent saccomplissent dans
la langue principale et dominante de la communication savante.
Les conditions dune internationalisation réussie
LUniversité de Montréal doit poursuivre ses efforts
de valorisation du français dans les formations quelle
offre, dans les productions de recherche des disciplines où
cet usage simpose, dans son fonctionnement interne et dans ses
rapports avec les diverses institutions québécoises.
Elle doit aussi contribuer à lépanouissement du
français dans lenvironnement montréalais, qui
est celui dune métropole internationale à caractère
multiculturel. À ce chapitre, soulignons quelle recevra,
le 19 mars prochain, le prix décerné par le ministère
des Relations avec les citoyens et de lImmigration au 14e gala
du Mérite du français.
Dans le même temps toutefois, une plus grande polyvalence linguistique
simpose, tant dans les programmes denseignement et loffre
de formations que dans les partenariats de recherche et la communication
savante.
Cela concerne au premier chef lusage et la maîtrise de
langlais par les futurs professionnels que linstitution
a lobligation de former. Cela concerne également lusage
et la maîtrise dautres langues, laccès à
dautres cultures et la connaissance dautres systèmes
de pensée. Ce sont là autant de conditions à
satisfaire pour renforcer lexpertise internationale dont nos
diplômés auront de plus en plus besoin dans le contexte
dune société dynamique, entreprenante et ouverte.
Lengagement institutionnel de promouvoir la maîtrise et
lusage du français doit donc se concilier avec lobligation
dinternationaliser les formations quoffre lUniversité
et de faire reconnaître les recherches qui sy réalisent.
Ce défi implique entre autres que les personnels de lUniversité,
en particulier le personnel enseignant, déploient dans lexercice
de leurs fonctions les compétences linguistiques et culturelles
requises pour satisfaire à cette double obligation. Il sagit
là dun défi que lUniversité de Montréal
se doit de relever dans le cadre de sa mission et du service que la
société québécoise et la collectivité
montréalaise attendent delle.