Volume 35 numéro 24
19 mars
2001


 


Des étudiants de Polytechnique dessinent une voiture solaire
La voiture Esteban participera à une course aux États-Unis.

À l’École Polytechnique, les étudiants Jean-Daniel Genest (à gauche) et Vincent Deschênes ont investi beaucoup de temps dans la fabrication du véhicule solaire Esteban. Plus de 35 étudiants travaillent à ce projet actuellement.

Le prototype d’une voiture solaire mise au point à l’École Polytechnique par un groupe d’étudiants prendra le départ d’une course à travers les États-Unis, l’American Solar Challenge, en juillet prochain. La voiture Esteban, qui a tout juste la puissance d’un grille-pain, devra parcourir 3700 km, de Palm Springs à Chicago, et sera opposée à des équipes aguerries comme celle de l’Université Queen’s, victorieuse de la dernière compétition, en 1999, en Australie.

«Nous ne savons pas comment nous allons “performer”, mais nous savons que ça va fonctionner, commente avec humilité Jean-Daniel Genest, le coordonnateur du groupe. Disons que nous allons être satisfaits si nous terminons le parcours puisque la moitié des compétiteurs ne parviennent pas au fil d’arrivée.»

À quelques semaines des premiers essais sur route, le véhicule est encore en pièces détachées dans un local exigu de l’École Polytechnique et les panneaux solaires, pièce maîtresse du prototype, n’ont pas encore été livrés. Mais l’équipe assure qu’elle sera fin prête pour les qualifications, au début de l’été prochain. «Il s’agit d’une course très exigeante où le véhicule doit pouvoir gérer efficacement son énergie, explique Vincent Deschênes, étudiant en génie électrique. Par exemple, on doit composer avec les heures d’ensoleillement pour alimenter les piles photoélectriques et savoir choisir la meilleure vitesse pour éviter d’épuiser l’énergie. De plus, la force déployée dans les descentes doit être utilisée pour produire de l’énergie.»


Cinq équipes pour un projet

Commandité par Bombardier Aéronautique, les ministères fédéral et provincial des Ressources naturelles, l’École Polytechnique et plusieurs entreprises, le prototype a une valeur d’environ 450 000 $, mais a été réalisé avec un budget de… 35 000 $. Inutile de dire que le bénévolat a permis d’effectuer la plus grande partie du travail. D’ailleurs, sur le site Web de l’organisme à but non lucratif qui a été incorporé pour l’occasion, la Société technique du véhicule solaire http://esteban.polymtl.ca/, on peut voir les photos de tous ceux qui ont mis la main à la pâte. C’est-à-dire beaucoup de monde… Actuellement, 35 personnes, dont la moitié proviennent du Département de génie mécanique, travaillent au projet.

«Nous avons réparti la tâche en cinq équipes, explique Jean-Daniel Genest: structure, coque, électricité, informatique et mécanique. À ce jour, tout est à peu près réglé, sauf peut-être la composante électrique.»

Au moment de rencontrer Forum, on s’apprêtait à recevoir les panneaux solaires contenant quelque 600 cellules photoélectriques qui permettront au véhicule d’emmagasiner de l’énergie pour actionner le moteur-roue. Lorsque cette étape sera franchie (et que la neige aura fondu), les essais routiers commenceront.


Esteban surprendra-t-elle?

La maîtrise de l’énergie solaire demeure en bonne partie imparfaite et la performance des panneaux est variable d’un fournisseur à l’autre. Chaque véhicule a donc ses caractéristiques propres. Mais Esteban peut-elle surprendre?

«Honnêtement, nous ne pensons pas pouvoir rivaliser avec l’École de technologie supérieure ou les universités Queen’s ou McGill. Cette dernière bénéficie d’une commandite de un million de dollars seulement pour ses panneaux. De plus, nous en serons à notre premier départ, alors que la plupart des équipes ont déjà participé à la course, ce qui leur donne une expérience utile», commente Jean-Daniel Genest.

Aux États-Unis, l’American Solar Challenge est un véritable happening médiatique. Chaque étape est couverte par les médias locaux et les universités en tirent une excellente visibilité. D’ailleurs, ce sont surtout les professeurs qui forment les équipes avec leurs étudiants. À l’École Polytechnique, il s’agit d’un projet para-universitaire presque entièrement conçu par les étudiants.

«On choisit l’université parce qu’on aime la science, mais on commence par des cours théoriques assez éloignés de la vraie vie. Plusieurs étudiants en génie cherchent donc des projets qui leur permettront de plonger dans le concret. C’est comme ça que nous avons eu l’idée de créer un véhicule propulsé à l’énergie solaire», explique M. Deschênes, qui est là depuis les débuts du projet.

Après plusieurs années de travail, ce dernier dit en avoir beaucoup appris sur l’énergie solaire, au point où il a «perdu ses illusions». Il croit que les véhicules automobiles alimentés par énergie solaire n’ont pas d’avenir. «Bien sûr, la question de l’autonomie ne se pose pas puisqu’on n’a plus besoin de stations-services pour se ravitailler. Mais on demeure dépendant de l’ensoleillement et, surtout, de capteurs photoélectriques qui ne sont pas très efficaces. De plus, le prix restera prohibitif.»

L’étudiant pense que le marché de la voiture à essence munie d’un système électrique complémentaire est sur le point de s’ouvrir à grande échelle.

Toutefois, l’expérience de la course nord-américaine pour la voiture Esteban demeure extrêmement utile à ses yeux, ne serait-ce que pour faire la promotion des sources d’énergie alternatives. Le prototype fera d’ailleurs le tour du Québec, aussitôt après être revenu au pays, pour un bain de foule à vocation promotionnelle. Ce ne sera pas sa première sortie publique puisqu’il a été exposé avec beaucoup de succès au dernier salon de l’auto de Montréal, en février.

Mathieu-Robert Sauvé