George
Baby, le juge collectionneur
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À
sa mort, George Baby a légué à lUniversité
de Montréal une collection de 20 000 documents, dont
12 000 pièces de correspondance témoignant
de trois siècles de vie quotidienne. |
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«Fermez
tout à clé, Baby est dans la maison!» disaient
à la blague les amis de George Baby (1832-1906). Ils navaient
pas tort de se méfier de ce passionné dhistoire.
Lhonorable juge, qui a été député
à la Chambre des communes après avoir fait quelques
bonnes affaires, est passé à la postérité
pour avoir amassé plus de 20 000 documents témoignant
de lhistoire du Canada. Une collection de grande valeur quil
a léguée à lUniversité de Montréal
à la fin de sa vie.
Aîné dune famille de 14 enfants, George Baby deviendra
un archétype du bourgeois canadien-français du 19e siècle.
Après des études de droit, il investit dans des propriétés
immobilières et des prêts hypothécaires. La chance
lui sourit. Il se met ainsi à labri des soucis financiers,
ce qui laidera grandement à sadonner à sa
passion. Il fréquente tôt les érudits qui recherchent
dans les vieux papiers «les détails qui font lornementation
de lhistoire et la poétise», comme il dit. Parmi
eux figure Jacques Viger, premier maire de Montréal.
Il fait, en 1865, le «grand tour» de lEurope. Deux
ans plus tard, à la demande de son ami sir Georges-Étienne
Cartier, il brigue pour la première fois les suffrages pour
le Parti conservateur dans la circonscription de Joliette. Il est
battu, mais il se reprend en 1872. Sir John Alexander Macdonald le
nomme ministre du Revenu intérieur. En 1880, George Baby quitte
la politique qui ne lavait, à dire vrai, guère
intéressé.
Cest à ce moment quil est nommé juge suppléant
de la Cour du banc de la reine, poste quil occupera pour le
reste de sa carrière.
Un
bon bourgeois
Comme tout bon bourgeois de son époque, George Baby se réclame
dune certaine culture. Il donne aux dîners fins une note
bien spéciale en racontant des anecdotes savoureuses. Il adhère
à de nombreuses sociétés philanthropiques, fonde
la Société dhistoire de Montréal.
Mais le juge Baby rêve daccomplir une uvre plus
grandiose: documenter la naissance dun peuple «canadien»
distinct à la fois des Français et des Britanniques.
Il se donne le mandat damasser ces preuves pour étayer
sa thèse. À une époque où les moyens de
communication sont rudimentaires (le premier appel interurbain est
réussi en 1881 entre Montréal et Lachine), la poste
est la plus efficace. Selon un petit-neveu du juge, le collectionneur
entretient des liens épistolaires avec un réseau international
dantiquaires. Il écrit à toutes les personnes
célèbres de son temps. De plus, sa carrière politique
lui procure beaucoup de contacts dont il sait tirer profit.
Dans un article paru dans le Bulletin des recherches historiques
en juin 1899, le juge Baby exprime de manière cocasse sa préoccupation
de conservation. «Que de lacunes dans notre histoire seraient
comblées aujourdhui si les documents nécessaires
navaient pas servi à griller les poulets ou allumer les
feux de nos poêles dans la rude saison de lhiver.»
Ces reproches, il les adresse «aux dames, car elles sont les
reines du foyer domestique, et le contrôlent sans conteste.
Ce nest pas dire, cependant, que les maris soient exempts de
tout reproche de ce côté. Ils peuvent être assurément
accusés pour le moins dindifférence.»
La collection Baby à lUniversité
Ce nest pas un hasard si la Collection darchives Baby
se trouve à lUniversité de Montréal. En
1888, le juge avait été mandaté pour aller à
Rome défendre la cause de lindépendance de la
succursale de lUniversité Laval à Montréal.
Lors de son décès, le 13 mai 1906, la lecture de son
testament révèle ses dernières volontés.
«Je donne toutes mes gravures historiques encadrées ou
non à lUniversité Laval à Montréal
[...]. Je donne et lègue à lUniversité
Laval à Montréal toute ma bibliothèque historique
composée douvrages canadiens [...]. Comme cette collection
de livres souvent très rares est dun grand prix, jimpose
à cette donation la construction dun édifice à
lépreuve du feu [...]. Je donne aussi à la même
institution pour être placés dans le même édifice
tous mes manuscrits et cartables.»
Le juge avait bien raison de se préoccuper de cette question.
LUniversité connaît en 1919 deux incendies. Heureusement,
la Collection se trouve à la bibliothèque Saint-Sulpice,
aujourdhui la Bibliothèque nationale du Québec,
rue Saint-Denis.
En 1910, labbé OLeary a dressé un catalogue
analytique, mais le travail est resté en plan. Il faut attendre
1942 pour que Camille Bertrand, archiviste à la retraite des
Archives publiques du Canada, soit engagé pour mettre de lordre
dans la collection Baby. Son travail prend 10 ans. Le résultat
est publié dans lAction universitaire davril 1951.
Depuis, la Direction des bibliothèques a publié louvrage
sous forme de brochure mise à la disposition des chercheurs.
En 1977, lUniversité de Montréal confie au Service
des archives la gestion des manuscrits de la Collection. Le Service
des collections spéciales du Service des bibliothèques
soccupera des imprimés.
Denis
Plante
Division des archives
Sources:
Valérie E. Kirkman et Hervé Gagnon, Louis-François-George
Baby: un bourgeois canadien-français du 19e siècle (1832-1906).
Camille Bertrand, La Collection darchives Baby,
Université de Montréal, Service des collections particulières
des bibliothèques, 1975, 16 pages.
Catalogue de la collection François-Louis-Georges Baby
rédigé par Camille Bertrand, préface de Paul
Baby et introduction de Lucien Campeau, Bibliothèque de lUniversité
de Montréal, 1971, 2 tomes.
Chantale Fillion, Liste thématique des lettres de
la collection Baby, Université de Montréal, Service
des archives, 1988, 143 pages.
Michèle Brassard et Jean Hamelin, «Louis-François-Georges
Baby» dans le Dictionnaire biographique du Canada, vol.
13, p. 28-30.
Une
valeur inestimable
La Collection darchives Baby est une des plus importantes collections
privées au Canada. Elle relate 300 ans dhistoire: 1602-1906.
Elle est dune valeur intellectuelle et marchande inestimable.
Les chercheurs continuent de lutiliser pour rédiger leur
mémoire de maîtrise, leur thèse de doctorat, des
livres, des articles et réaliser des expositions, des films,
etc.
Elle comprend des documents officiels datant de la colonisation comme
les recensements de populations, les testaments. À cette époque,
on remplissait des registres pour les achats en provenance de la mère
patrie ou du conquérant ou les ventes au plus simple citoyen.
Donations, successions étaient aussi consignées.
Les archives judiciaires, «ce nid de chicanes», ainsi
que les documents militaires ont aussi intéressé le
juge, sans parler des innombrables témoins iconographiques
de lépoque.
La Collection compte quelques documents de la main du Roi-Soleil,
Louis XIV!
Quant à George Baby, il est toujours un sujet dintérêt.
Valérie E. Kirkman et Hervé Gagnon viennent de publier
un livre sur «ce bourgeois canadien-français du 19e siècle».
De plus, le château Ramezay lui consacre une exposition http://www.chateauramezay.qc.ca/fr/1decouvrir_prog_temp.htm.
D.P.