La
répression du tourisme sexuel: une loi de bonne conscience?
Sur
papier tout est là, mais la volonté politique est douteuse,
estime Justin Roberge.
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Justin
Roberge est favorable à une définition large
du tourisme sexuel: «Le fait pour une personne de
faciliter ou de commettre un acte dordre sexuel contre
un enfant sur le territoire dun État dont elle
nest pas ressortissante, lequel acte constituerait
une infraction sil était commis sur le territoire
de lÉtat dorigine de son auteur.»
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Lautomne
dernier, le premier procès jamais tenu contre le tourisme sexuel
international recevait un écho retentissant dans les médias
du monde entier. Le Français Amon Chemouil était condamné
à sept ans de prison après avoir été reconnu
coupable du viol dune jeune prostituée thaïlandaise
de 15 ans.
Un tel procès aurait-il pu être possible au Canada? «En
principe oui», répond Justin Roberge, qui a consacré
sa recherche de maîtrise à étudier létat
du droit international et du droit pénal canadien sur le tourisme
sexuel.
Le droit canadien sur ce sujet se limite à très peu
de chose: un seul article du code criminel adopté en 1997 et
qui permet lapplication des lois canadiennes contre les crimes
sexuels lorsquils sont commis à lextérieur
du Canada. Mais cet article na jamais été utilisé
parce quil contient une importante restriction: la plainte contre
le prévenu doit être formulée par le pays où
le délit a été commis.
Dans son mémoire, Justin Roberge souligne que le Canada pèche
peut-être par excès de prudence en conditionnant lapplication
de sa propre loi à une demande en ce sens faite par un pays
étranger. «Cest une loi de bonne conscience qui
permet au Canada davoir une image de protecteur des droits de
lenfant et dentrer dans ce club sélect»,
affirmera-t-il en entrevue.
Si le procès contre Chemouil aurait pu être possible
chez nous, cest justement parce que la plainte a été
préparée par des organismes thaïlandais de protection
des enfants et que la victime, aujourdhui majeure, a collaboré
activement à la poursuite. «Cétait un cas
parfait; même la preuve du délit a été
filmée», rappelle Me Roberge.
Mais de tels cas ne risquent pas de se reproduire bien souvent. «Tous
les pays de destination du tourisme sexuel ont des lois pour protéger
les mineurs, mais ce sont aussi des pays pauvres qui vivent du tourisme.
Sils appliquaient leurs lois, le problème serait beaucoup
moins grave, mais la lutte contre les crimes sexuels nest pas
leur priorité.»
Pendant ce temps, le tourisme sexuel continue et «une loi qui
nest pas appliquée perd son caractère dissuasif»,
déplore Justin Roberge. Le jeune diplômé souhaiterait
donc une loi plus sévère, même si son application
resterait toujours difficile et onéreuse étant donné
que la preuve se trouve à létranger. «Selon
des avis dexperts, le ministère du Revenu détient
des éléments de preuve concernant des Canadiens qui
sadonnent au tourisme sexuel. Dautres mécanismes
que ceux en vigueur pourraient donc être possibles.»
Lextradition du prévenu vers le pays où le crime
a été commis demeure toujours possible, mais dans la
mesure où le Canada a signé des ententes en ce sens
avec les pays concernés.
Le droit international
En droit international, la convention relative aux droits de lenfant
engage les États signataires à prendre les moyens nécessaires
pour protéger les enfants contre lexploitation sexuelle.
En complément de cette convention, un protocole facultatif
est en préparation afin de préciser ce que sont le tourisme
sexuel, la prostitution juvénile, la pornographie infantile
et le commerce denfants.
«Ladoption éventuelle du protocole facultatif comblera
un vide, mais le projet traîne depuis 10 ans parce que les pays
narrivent pas à sentendre sur lâge
concerné et sur la gravité à attribuer à
ces délits.»
Pour faciliter lapplication des dispositions internationales,
Me Roberge verrait dun bon oeil que le Comité des droits
de lenfant de lONU puisse recevoir des communications
individuelles de la part de victimes. De plus, il lui paraît
souhaitable que le mandat du Rapporteur général sur
la vente et la prostitution des enfants, qui a joué un rôle
majeur dans lélaboration du protocole facultatif en amassant
une documentation importante, soit maintenu après ladoption
du protocole.
«Sur papier, toutes les mesures existent pour combattre le tourisme
sexuel. Cest la volonté politique qui est douteuse»,
conclut Justin Roberge.
Daniel
Baril