Volume 35 numéro 23
12 mars
2001


 


Dentistes et hygiénistes dentaires grincent des dents…
Une chaise ergonomique leur permettra bientôt de prévenir les problèmes musculo-squelettiques induits par leur travail.

Lauréate du concours De l’idée au projet, organisé par le Centre
d’entrepreneurship HEC-Poly-UdeM, Lyne Noiseux a gagné une bourse de 15000$ pour le démarrage de son entreprise. Akio Design s’intéresse à la conception et à la mise en marché de nouveaux produits ergonomiques.

Selon un sondage mené par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), 68% des dentistes et des hygiénistes dentaires éprouvent des douleurs musculo-squelettiques à cause de leur travail. Les coûts engendrés par leurs blessures aux membres supérieurs et à la colonne vertébrale s’élèvent annuellement à plus de un demi-million de dollars au Québec.

«Pour bien examiner la bouche du client, l’hygiéniste adopte des postures néfastes pour son dos, son cou et ses épaules. Le détartrage impose également des mouvements répétitifs qui entraînent souvent, avec les années, des bursites et des tendinites au poignet et à la main», explique Lyne Noiseux, designer et chargée de cours à l’École de design industriel. La jeune femme âgée de 30 ans a conçu une chaise ergonomique qui permet la prévention des lésions physiques induites par le travail dentaire.

Le produit ressemble à une chaise de bureau, sauf que les appuis-bras sont plutôt des appuis-coudes et qu’ils sont mobiles. Fixés à la chaise par un mécanisme réglable en hauteur, ces accoudoirs suivent les mouvements naturels des bras et restent stables lorsque l’usager est en appui. «Cela évite à l’hygiéniste dentaire de garder son bras gauche élevé à l’horizontale pendant le nettoyage des dents, un geste qui provoque une grande fatigue musculaire», soutient Mme Noiseux. Autre avantage: les appuis-coudes sont munis de coussins en gel d’uréthane qui absorbent les vibrations causées par les instruments de dentisterie.

L’innovation, qui fait partie des projets soutenus par le Centre d’entrepreneurship HEC-Poly-UdeM, a suscité un vif intérêt chez les spécialistes du milieu au cours d’une présentation publique en avril 2000 au congrès annuel de l’Association pour la santé et la sécurité du travail. De plus, la chaise ergonomique équipée d’accoudoirs mobiles a remporté l’un des 10 prix du troisième concours De l’idée au projet.

Grâce à une bourse de 15000$ prévue pour le démarrage d’une entreprise, la designer s’est lancée en affaires pour commercialiser plusieurs inventions à caractère ergonomique. Sa société, Akio Design, projette de réaliser un profit de 80000$ dès la première année.


L’histoire d’une innovation

C’est en 1997 que Gestion Techno-Médic, une entreprise du domaine hospitalier, demande à Lyne Noiseux de concevoir et de fabriquer une chaise adaptée au travail dentaire. Après plusieurs mois de recherche et de développement, le projet de la designer fait l’objet d’une évaluation clinique subventionnée par la CSST. Les résultats confirment la validité du produit: la chaise ergonomique permet une réduction de 50% des tensions musculaires.

Cela n’est pas négligeable. Car si l’on peut soulager les maux lorsqu’ils sont traités suffisamment tôt, à un stade avancé les séquelles peuvent être sérieuses: tendinite, épicondylite, syndrome du canal carpien et douleurs chroniques permanentes. Les hygiénistes, dont 98% sont des femmes, se voient parfois contraints de quitter leur emploi et de réorienter leur carrière. «La réadaptation professionnelle est un processus long et coûteux, lit-on dans un bulletin interne de la CSST. Dans certains cas, il faut des années à la travailleuse ou au travailleur accidentés pour acquérir une formation qui lui permet d’accéder à un emploi de même intérêt à salaire comparable.»

À la fois diplômée de l’École de design industriel et de l’École des Hautes Études Commerciales, Lyne Noiseux a tout de suite réalisé que le produit offrait un immense potentiel commercial. Elle a eu l’idée ambitieuse d’en acquérir les droits de propriété intellectuelle et de faire breveter l’innovation. «Le Canada représente un potentiel de vente important, dit-elle le sourire dans la voix. On compte pas moins de 2000 cliniques dentaires et 20 000 dentistes et hygiénistes. Aux États-Unis, le nombre de professionnels s’élève à 235 000!»

La conviction de réussite de l’entrepreneuse témoigne de sa passion et de sa détermination. Elle a d’ailleurs réussi à persuader plusieurs personnes de participer à l’aventure. Un distributeur bien établi dans le domaine dentaire s’est notamment déjà engagé à assurer la distribution de la chaise au pays et un agent manufacturier en Europe s’est montré intéressé par le produit.


L’importance d’un réseau
Dès le début, Lyne Noiseux a consulté le Centre d’entrepreneurship HEC-Poly-UdeM pour obtenir de l’aide dans l’élaboration de son plan d’affaires. Le Réseau des femmes d’affaires de Montréal et Robert McNabb, technicien d’atelier à l’École de design industriel, l’ont aussi soutenue dans sa démarche de chef d’entreprise.

«Le Réseau permet d’améliorer le savoir-faire en gestion. C’est aussi une source privilégiée d’assistance professionnelle sans laquelle la course à obstacles qu’est l’entrepreneuriat devient difficile à gagner», conclut Mme Noiseux.

Dominique Nancy