Devenir
un bon médecin, ça sapprend!
Bernard
Charlin lance la revue Pédagogie médicale.
|
Le
Dr Bernard Charlin est une sommité internationale
en matière denseignement de la médecine.
Directeur de lUnité de recherche et de développement
en éducation médicale, il vient de lancer
la revue Pédagogie médicale. |
|
Lorsque les étudiants
de la Faculté de médecine de lUniversité
de Montréal se sont classés au premier rang parmi les
16 facultés de médecine du pays à lexamen
du Conseil médical du Canada en 1999, les responsables de lenseignement
ont poussé un soupir de soulagement. Cela confirmait que les
premiers diplômés dun programme de doctorat en
médecine ayant subi une réforme majeure pouvaient réussir
au moins aussi bien que ceux du programme précédent.
On se souvient que cette réforme a eu pour objet de mettre
en place une approche dapprentissage par problèmes (APP),
beaucoup plus axée sur la «vraie vie» que les cours
magistraux dans des amphithéâtres immenses. LAPP
se fait en petits groupes et porte essentiellement sur des cas cliniques.
Pour une des plus anciennes facultés de lUniversité
de Montréal, cétait une révolution
«La mise en place de cette réforme a exigé du
courage, bien sûr, mais on constate rétroactivement quelle
a eu un effet mobilisateur, explique le Dr Bernard Charlin, directeur
de lUnité de recherche et de développement en
éducation médicale à la Faculté de médecine.
Les étudiants ont retrouvé le goût dapprendre
et les enseignants celui denseigner.»
Le Dr Charlin nétait pas à lUniversité
de Montréal quand le nouveau programme a été
appliqué, en 1992. Mais il connaissait bien lapprentissage
par problèmes, une approche pensée par lUniversité
McMaster à la fin des années 60 et peaufinée
par les universités de Maastricht (Pays-Bas) et New Castle
(Australie). Au Québec, lUniversité de Sherbrooke
a été la première à sen inspirer
jusquà ce que lUniversité de Montréal
limite en 1992.
Elle incarne un souci nouveau, qui intéresse de plus en plus
ceux qui ont à coeur la formation des futurs médecins:
la pédagogie médicale.
Des budgets qui quadruplent
Rencontré par Forum à loccasion de la parution
du deuxième numéro dune revue internationale quil
a lancée, Pédagogie médicale, le Dr Charlin
explique que le Canada figure, avec les Pays-Bas et les États-Unis,
parmi les trois leaders en la matière. «On sent un intérêt
croissant pour lenseignement de la médecine. En 15 ans,
par exemple, au Canada, on a multiplié par quatre les budgets
de recherche dans le domaine. Le Collège royal des médecins
vient de créer un organisme qui va sy consacrer.»
Au Québec, on peut dire que le besoin a créé
lorgane puisque les étudiants qui entrent dans les programmes
hautement contingentés ne doivent pas abandonner leurs études
en cours de route. Les universités françaises, par comparaison,
accueillent un grand nombre de candidats qui sont progressivement
éliminés. «Dans certaines facultés, on
compte 700 étudiants la première année et moins
de 90 lannée suivante. Dans ces conditions-là,
seuls les meilleurs surnagent.»
Jusquà récemment, la pédagogie médicale
nétait pas une grande préoccupation pour les universitaires
français. Mais on se rend compte que plusieurs cours magistraux
ont lieu devant des classes vides. Les étudiants considèrent
que les heures quils passent à écouter leurs professeurs
sont mieux utilisées autrement. Cela inquiète les responsables.
À leur intention, Pédagogie médicale,
tirée à 7000 exemplaires, paraîtra quatre fois
lan et proposera des articles révisés par les
pairs. Mais pourquoi une revue en français? «Il existe
déjà cinq revues majeures dans le monde anglo-saxon,
explique son fondateur et rédacteur en chef. Plusieurs dentre
nous y collaborent, mais si nous nous contentons de cela, nous ne
serons jamais que des invités dans une culture qui nest
pas la nôtre. La pédagogie, cest très proche
de la culture. Regardez les Néerlandais, ils ont de grandes
revues internationales, mais ils ont aussi des revues dans leur langue.»
Pédagogie médicale compte des collaborateurs
en France et au Québec, mais aussi dans lensemble de
la francophonie.
Professeur et étudiant
En plus de ses activités de rédacteur en chef, de chercheur
et de professeur, Bernard Charlin est étudiant puisquil
termine actuellement un doctorat à lUniversité
de Maastricht. Son thème: la mise au point doutils visant
à évaluer la compétence clinique. Il tente de
raffiner une approche originale quil a élaborée
et qui est en train de faire école: le test de concordance
de script.
Il sagit dune approche qui met en parallèle les
hypothèses des étudiants et lopinion dun
groupe dexperts préalablement consultés sur les
mêmes questions. «Le jugement dun médecin
en exercice est constamment modifié par des microdécisions
qui doivent être prises à mesure que lexamen avance.
Le principe dincertitude est omniprésent. Le fait de
mettre en parallèle lopinion dexperts et celle
des étudiants à mesure que lexamen clinique progresse
peut être très formateur.»
Le groupe dexperts nest pas infaillible, mais quand on
compare leurs réponses avec celles des étudiants, cela
ouvre la porte à un débat fort constructif. Lorsquil
a pris connaissance de cette approche, le vice-doyen à la formation
continue, Robert Thivierge, en a rapidement vu le potentiel. Forum
a pu assister, au cours des dernières Journées annuelles
de la Faculté de médecine, à des présentations
utilisant cette approche. Elle présente lavantage daller
droit au but, sans perdre de temps sur les questions qui font consensus.
Originaire de Montpellier, en France, Bernard Charlin a gardé
un peu de son accent chantant, 18 ans après avoir déménagé
outre-mer. Cet oto-rhino-laryngologiste est arrivé au Québec
dabord pour honorer un contrat dun an à lUniversité
de Sherbrooke. «Vous connaissez la différence entre un
bateau et un Français? Le bateau retourne doù
il vient, lui. Cela sapplique à moi», affirme-t-il
en souriant.
Sa femme et ses deux enfants sont venus le rejoindre peu après.
Ils se sentent aujourdhui autant français que québécois.
Pour Bernard Charlin, la vie sur le Plateau-Mont-Royal est un grand
plaisir. Pas de nostalgie de Montpellier ou de Sherbrooke.
Mathieu-Robert
Sauvé