Habitez-vous
chez vos enfants?
Des
sociologues conçoivent une maison adaptée aux familles
reconstituées et aux besoins des personnes âgées.
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Nancy
Meilleur, Arnaud Sales et Marianne Kempeneers, qui ont élaboré
un scénario reflétant les tendances familiales
actuelles.
Photo: Réjean Meloche. |
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Au Québec,
1 famille sur 10 est une famille reconstituée, cest-à-dire
composée dun couple et denfants issus de relations
antérieures. Lorsque les responsables du Salon de lhabitation
ont approché les sociologues Arnaud Sales et Marianne Kempeneers
pour savoir à quels nouveaux besoins sociaux lhabitation
daujourdhui devait répondre, cette réalité
sest imposée delle-même.
Ajoutez à cela le vieillissement de la population et vous avez
les ingrédients de base qui ont donné naissance à
la multimaison Desjardins, principale attraction du Salon cette année.
«En plus des 10% de familles reconstituées, 7% des personnes
âgées de 65 ans et plus vivent avec leurs enfants et
leurs petits-enfants et seulement 10% habitent dans des établissements
spécialisés, précise Nancy Meilleur. De plus,
25% des hommes de 25 à 29 ans vivent toujours chez leurs parents!»
Étudiante à la maîtrise en démographie,
Nancy Meilleur a mené la recherche permettant de fonder un
scénario de travail sur des données objectives.
«Ce ne sont pas les gens qui doivent sadapter au logement,
mais les habitations qui doivent répondre aux besoins des gens,
estime-t-elle. Même si les familles sont éclatées,
les membres veulent demeurer près les uns des autres et continuer
à se rencontrer.»
Pour Arnaud Sales, directeur du Département de sociologie,
«la maison privée est devenue le principal lieu dintégration
sociale. Il ny a plus dendroits publics, à part
les centres commerciaux, où les gens peuvent se rencontrer
et communiquer. On se rencontre à la maison. Cest même
devenu un lieu de travail pour plusieurs.»
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La
multimaison Desjardins, telle quelle a été
réalisée par les constructeurs Maisons Multigon
à partir des plans des architectes de Planimage. |
Le
papa, la maman, le fils de lautre
Le scénario qui a émergé de ces nouveaux modes
de vie est on ne peut plus «sociologique». Six personnes
vivent ensemble: un couple, début quarantaine, dont la femme
est cadre et lhomme, travailleur autonome à domicile
en traduction; leur enfant de neuf mois; le fils du conjoint, 17 ans,
qui vient de temps en temps visiter son père; la fille de la
conjointe, âgée de 9 ans, qui vit une semaine sur deux
chez sa mère; la mère de la conjointe, 66 ans, retraitée
et autonome.
«Pour répondre aux besoins de cette famille, la maison
doit offrir des lieux intimes et des pièces communes, souligne
Arnaud Sales. Il faut prévoir des entrées privées,
des salons personnels et des lieux déchange. Le scénario
nest pas représentatif de lensemble des situations,
mais il reflète les tendances sociales actuelles et vise à
susciter la discussion au sein de la population afin de savoir sil
existe un intérêt pour ce type de cohabitation.»
Les concepteurs de Planimage, qui ont réalisé la multimaison
à partir de ce scénario, lont conçue sous
forme de deux zones dappartements privés reliées
par un atrium pouvant se transformer en salon commun ou en jardin
intérieur. La grand-mère a sa salle de bain à
elle et sa propre cuisinette-salon, où elle peut recevoir ses
invités. Le père peut accueillir ses clients dans sa
pièce de travail et la chambre de ladolescent possède
sa propre entrée extérieure.
Léquipe de chercheurs sest même amusée
à projeter la situation dune telle famille 20 ans plus
tard. Le couple a survécu; la femme, début soixantaine,
occupe toujours son poste de cadre, mais son conjoint de 66 ans est
à la retraite et soccupe à bricoler. Ils peuvent
recevoir aisément leurs quatre petits-enfants issus des unions
de leurs enfants respectifs. Quant à leur enfant commune, qui
a 21 ans, elle vit à la maison avec son compagnon. La grand-mère
a maintenant 87 ans et sa condition nécessite des soins infirmiers
à cause dune fracture de la hanche.
Pour Nancy Meilleur, la multimaison originale, conçue sur un
seul palier et permettant à la fois intimité et proximité,
pourrait toujours répondre aux besoins de cette famille, qui
na pas eu à déménager malgré ses
transformations.
Intérêt du public
Mais les gens sont-ils prêts à vivre dans une telle maison
«intergénérationnelle»? Cest ce que
Marianne Kempeneers, dont les cours portent sur les transformations
sociales et les nouveaux phénomènes familiaux, aimerait
bien savoir. Elle a pensé profiter de lexpérience
pour en apprendre plus sur les intérêts du public envers
un tel type dhabitation en faisant distribuer sur place, par
des étudiants du Département, un questionnaire dévaluation.
On a par exemple demandé aux visiteurs sils seraient
prêts à héberger un de leurs parents, à
cohabiter avec leur belle-mère, à partager la maison
avec leur enfant adulte, ou encore quelle était leur opinion
à propos de qui, des enfants ou des parents, devrait se déplacer
en cas de garde partagée.
«Ce sondage na pas de prétention scientifique,
mais il nous permettra déchanger des idées autour
des intérêts et des besoins exprimés par le public»,
indique la professeure.
Daniel
Baril