COURRIER
La
bibliothèque nest pas en voie de disparition, mais plutôt
en voie de mutation!
Jai
trouvé fort intéressant larticle de Marie-Ève
Lévesque et Marie-Ève Noël sur les comportements
étudiants de recherche dinformation: «La bibliothèque
est-elle en voie de disparition?» (Forum, 5 février 2001.)
Cest tout à fait rafraîchissant de voir que les
étudiants ont un certain esprit critique face à linformation.
De fait, la différence entre linformation dans Internet
et linformation en bibliothèque est que la seconde est
une information spécialisée, «contrôlée»,
cest-à-dire sélectionnée, indexée
et formatée pour en faciliter la diffusion. Comme les étudiants
lont mentionné, linformation quon trouve
dans Internet nest pas toujours fiable. En effet, quand on évalue
une information, il faut se poser des questions précises: sagit-il
dun auteur connu et reconnu? Léditeur est-il un
gouvernement, une institution ou une association de spécialistes,
ou encore un éditeur commercial de renom? Linformation
est-elle cohérente avec ce que lon connaît déjà
sur le sujet? Linformation est-elle substantielle ou se réduit-elle
à une ou deux pages? Et ainsi de suite
Ce nest
pas parce que cest écrit dans un livre ou parce que cest
dans Internet quil sagit dune information véridique
et de qualité!
Que se passe-t-il donc? Véritablement, la bibliothèque
est en train de se déplacer vers Internet, cest-à-dire
quelle change lentement de support pour passer du format papier
au format numérisé. La bibliothèque est sur le
point de devenir «virtuelle»; la bibliothèque ne
se définira plus principalement en fonction dun lieu
physique. Toutefois, ce passage va prendre quelques années
(peut-être 10 ans) parce quil y a des coûts importants
reliés à cette mutation; il y a aussi de nouveaux instruments
technologiques à maîtriser par les personnels concernés.
Cependant, la bibliothèque «physique» va quand
même continuer à exister comme ancrage à la bibliothèque
virtuelle, car il faudra toujours un lieu de rencontre aux personnes
qui travaillent dans lombre à lédification
de la bibliothèque virtuelle. Par ailleurs, même si,
à lavenir, linformation numérisée
sera beaucoup plus considérable, une collection papier va toujours
exister en parallèle, particulièrement pour certaines
disciplines comme les lettres, les sciences humaines et sociales,
ou pour répondre à des besoins particuliers. La disparition
du livre nest pas pour demain.
En vérité, les nouvelles technologies ont démocratisé
laccès à linformation générale
et spécialisée, et en ont permis un accès plus
facile et plus rapide. Par exemple, il y a quelques années
à peine, un étudiant à la maîtrise prenait
environ une année pour se bâtir une bibliographie sur
son sujet de recherche en faisant marcher ses doigts sur les pages
jaunes (les pages jaunies des répertoires papier!) sans savoir
en toute certitude si la recherche était complète. Aujourdhui,
un étudiant qui connaît les stratégies de recherche
dinformation peut faire la même chose en quelques heures,
avec la conviction quil a fait le tour du sujet dans la mesure
où il a interrogé les bonnes bases de données.
Internet, comme laffirmaient les étudiants, donne accès
à une information plus actuelle et plus diversifiée
(bien que linformation spécialisée sur un sujet
prenne au minimum quelques mois à surgir à partir de
la date dun événement). Toutefois, lévaluation
et la sélection de cette information qui se multiplie à
linfini devient problématique. Certains développements
technologiques comme les métamoteurs de recherche dinformation
(de puissants logiciels de recherche dinformation comme Google
et Copernic) vont peut-être permettre de sy retrouver
plus facilement, mais lexplosion de linformation rend
son contrôle beaucoup plus difficile. Enfin, la recherche dinformation
nest pas un talent inné, mais quelque chose qui sapprend;
cest pourquoi les bibliothèques vont voir leur rôle
dinitiation à la recherche de linformation spécialisée
prendre plus dimportance dans les années à venir.
Luc
Girard
Bibliothécaire de référence
Relations industrielles et sciences économiques