Volume 35 numéro 22
26 février 2001




COURRIER

La bibliothèque n’est pas en voie de disparition, mais plutôt en voie de mutation!
J’ai trouvé fort intéressant l’article de Marie-Ève Lévesque et Marie-Ève Noël sur les comportements étudiants de recherche d’information: «La bibliothèque est-elle en voie de disparition?» (Forum, 5 février 2001.) C’est tout à fait rafraîchissant de voir que les étudiants ont un certain esprit critique face à l’information. De fait, la différence entre l’information dans Internet et l’information en bibliothèque est que la seconde est une information spécialisée, «contrôlée», c’est-à-dire sélectionnée, indexée et formatée pour en faciliter la diffusion. Comme les étudiants l’ont mentionné, l’information qu’on trouve dans Internet n’est pas toujours fiable. En effet, quand on évalue une information, il faut se poser des questions précises: s’agit-il d’un auteur connu et reconnu? L’éditeur est-il un gouvernement, une institution ou une association de spécialistes, ou encore un éditeur commercial de renom? L’information est-elle cohérente avec ce que l’on connaît déjà sur le sujet? L’information est-elle substantielle ou se réduit-elle à une ou deux pages? Et ainsi de suite… Ce n’est pas parce que c’est écrit dans un livre ou parce que c’est dans Internet qu’il s’agit d’une information véridique et de qualité!

Que se passe-t-il donc? Véritablement, la bibliothèque est en train de se déplacer vers Internet, c’est-à-dire qu’elle change lentement de support pour passer du format papier au format numérisé. La bibliothèque est sur le point de devenir «virtuelle»; la bibliothèque ne se définira plus principalement en fonction d’un lieu physique. Toutefois, ce passage va prendre quelques années (peut-être 10 ans) parce qu’il y a des coûts importants reliés à cette mutation; il y a aussi de nouveaux instruments technologiques à maîtriser par les personnels concernés. Cependant, la bibliothèque «physique» va quand même continuer à exister comme ancrage à la bibliothèque virtuelle, car il faudra toujours un lieu de rencontre aux personnes qui travaillent dans l’ombre à l’édification de la bibliothèque virtuelle. Par ailleurs, même si, à l’avenir, l’information numérisée sera beaucoup plus considérable, une collection papier va toujours exister en parallèle, particulièrement pour certaines disciplines comme les lettres, les sciences humaines et sociales, ou pour répondre à des besoins particuliers. La disparition du livre n’est pas pour demain.

En vérité, les nouvelles technologies ont démocratisé l’accès à l’information générale et spécialisée, et en ont permis un accès plus facile et plus rapide. Par exemple, il y a quelques années à peine, un étudiant à la maîtrise prenait environ une année pour se bâtir une bibliographie sur son sujet de recherche en faisant marcher ses doigts sur les pages jaunes (les pages jaunies des répertoires papier!) sans savoir en toute certitude si la recherche était complète. Aujourd’hui, un étudiant qui connaît les stratégies de recherche d’information peut faire la même chose en quelques heures, avec la conviction qu’il a fait le tour du sujet dans la mesure où il a interrogé les bonnes bases de données.

Internet, comme l’affirmaient les étudiants, donne accès à une information plus actuelle et plus diversifiée (bien que l’information spécialisée sur un sujet prenne au minimum quelques mois à surgir à partir de la date d’un événement). Toutefois, l’évaluation et la sélection de cette information qui se multiplie à l’infini devient problématique. Certains développements technologiques comme les métamoteurs de recherche d’information (de puissants logiciels de recherche d’information comme Google et Copernic) vont peut-être permettre de s’y retrouver plus facilement, mais l’explosion de l’information rend son contrôle beaucoup plus difficile. Enfin, la recherche d’information n’est pas un talent inné, mais quelque chose qui s’apprend; c’est pourquoi les bibliothèques vont voir leur rôle d’initiation à la recherche de l’information spécialisée prendre plus d’importance dans les années à venir.

Luc Girard
Bibliothécaire de référence
Relations industrielles et sciences économiques