Quand
la musique contemporaine renoue avec le sacré
La
Symphonie du millénaire se situait au carrefour de lart,
de lappartenance sociale et du sacré.
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Par
les éléments quelle combinait, la Symphonie
du millénaire a constitué un «bel objet
sociologique», estime Anne Robineau. |
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La Symphonie du
millénaire na laissé personne indifférent:
on a adoré ou détesté cette oeuvre jouée
devant loratoire Saint-Joseph pour saluer larrivée
du troisième millénaire.
Anne Robineau, qui poursuit des études doctorales en sociologie
de la musique contemporaine au Département de sociologie, y
a vu tous les éléments répondant aux attentes
sociales, politiques, artistiques et spirituelles dune société.
Rappelons que lévénement, tenu le 3 juin dernier,
a mis à contribution 19 compositeurs, 15 ensembles de musique
en tous genres, 333 musiciens, les cloches de 15 églises et
la participation active de 2000 des 40 000 personnes venues assister
à ce spectacle gratuit en plein air.
«Il est rare que la musique contemporaine sorte des lieux de
concert pour se retrouver sur la place publique, souligne létudiante.
Il est également rare pour le public de pouvoir célébrer
collectivement sa culture en dehors des activités de la fête
nationale. Ces éléments en faisaient un bel objet sociologique!»
Anne Robineau nestime pas pour autant que le grand public vient
dadopter la musique contemporaine comme miroir de ses valeurs
et de sa culture. Lélément identitaire vient plutôt
de lenrobage du produit, qui renouait, selon son analyse, avec
le passé récent du Québec, où la culture
et les arts étaient imprégnés déléments
religieux rassembleurs.
La dimension spirituelle de la Symphonie du millénaire ne faisait
effectivement pas de doute: outre le choix de lemplacement et
lutilisation des clochers, le fil conducteur qui a guidé
les compositeurs était le Veni creator, un hymne liturgique
grégorien du temps de la Pentecôte. Les titres des mouvements
étaient Enfer, Purgatoire, Contemplation, Paradis, Ascension
et Apothéose. Le concepteur de lévénement,
Walter Boudreau, a reconnu que sa source dinspiration lui venait
dune expérience esthético-spirituelle vécue
sur les flancs du mont Royal alors quil navait pas 20
ans.
«Mais il ne faut pas se méprendre sur les intentions
des artistes, précise Mme Robineau. Ils ont utilisé
les symboles religieux comme support pour une expérience du
sacré non pas dans le sens religieux du terme mais au sens
dexpérience esthétique qui tisse et transcende
les liens entre les individus dun groupe. Cest en fait
la réutilisation selon les valeurs de la société
moderne du patrimoine religieux à des fins culturelles
et didentité collective.»
Dans lesprit de la chercheuse, la sécularisation de la
société nenlève pas le besoin de repères
symboliques qui agissent comme «puissance morale» gouvernant
une société. «Sil nous arrive, en tant que
collectivité, de bannir certaines institutions qui nous apportaient
le sens dont nous avions besoin pour vivre en société
à une époque donnée, cela névacue
en rien le besoin de sens. Certaines manifestations culturelles, comme
la Symphonie du millénaire ou les célébrations
entourant Expo 67, peuvent répondre ponctuellement et de façon
plus ou moins complète à ce besoin.»
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Financée
par les fonds publics pour commémorer le passage au 21e
siècle et jouée au pied de loratoire Saint-Joseph,
la Symphonie du millénaire a attiré 40 000 personnes. |
La Symphonie illustre
à sa façon la définition que les sociologues
Durkheim et Balandier ont donné de la religion, soit la validation
symbolique des expériences culturelles et politiques créatrices
de sens pour une collectivité.
Stratégies sociales des groupes religieux
Lanalyse dAnne Robineau sur la Symphonie du millénaire
est publiée dans le dernier numéro de la revue Religiologiques
(UQAM), qui présente en neuf textes les actes du colloque sur
les stratégies sociales des groupes religieux tenu au dernier
congrès de lACFAS.
Les organisateurs de ce colloque, Martin Geoffroy et Jean-Guy Vaillancourt,
professeurs au Département de sociologie, y présentent
leurs analyses respectives sur linstitutionnalisation du mouvement
nouvel âge et sur les stratégies sociales des groupes
catholiques de droite.
Élisabeth Campos, chercheuse postdoctorale au Centre international
de criminologie comparée de lUdeM, et Catherine Dilhaire,
étudiante à la maîtrise en criminologie, signent
conjointement une étude sur les stratégies de recrutement
des groupes sectaires.
Pour sa part, Anne Robineau prépare actuellement un colloque
sur le thème «musique et société»
qui se tiendra au prochain congrès de lACFAS en mai 2001,
à lUniversité de Sherbrooke.
Daniel
Baril