Un
anthropologue amateur de vin en Italie
Vincent
Fournier étudie le développement et lindustrie
vinicole de Cirò Marina.
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La
présence de Vincent Fournier (au centre) dans la
petite ville de Cirò Marina, qui compte 10 000
habitants, signifie pour les viticulteurs que leur production
de vin gagne en reconnaissance.
Photo:
Julie Routhier
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«LUniversité
de Montréal envoie un de ses experts pour étudier lindustrie
vinicole de Cirò Marina», titre La Gazetta del Sud,
un important journal dItalie. Dans une publication locale de
la Calabre, Il Crotonese, on souligne également limportance
de la recherche menée par Vincent Fournier.
«Je ne pensais pas faire les manchettes des journaux en consacrant
mon doctorat à létude du développement
et de la production du vin de Cirò. Pour les gens dici,
ma présence signifie que leur production gagne en reconnaissance»,
affirme létudiant du Département danthropologie
avec un sourire dans la voix.
Selon Vincent Fournier, la publicité gratuite accroît
sa crédibilité aux yeux des administrateurs locaux,
qui lui accordent un appui inestimable. Grâce à la collaboration
de Mariella Pandolfi, professeure au Département danthropologie,
le jeune chercheur a réussi à établir tous les
contacts nécessaires pour entreprendre sa recherche.
Sous la codirection de Michel Verdon et Guy Lanoue, professeurs au
même département, le jeune homme essaie notamment de
comprendre pourquoi et comment certains producteurs de vin se détournent
de la production de quantité pour privilégier la qualité.
«De plus en plus, des régions de lItalie sorientent
vers un raffinement de leur production de vin, souligne M. Fournier.
Cest le cas de la Sicile, dont de nombreux produits de qualité
se retrouvent aujourdhui au Québec. Mais il nest
pas facile pour un viticulteur dune région méconnue
telle Cirò Marina de se mesurer à des concurrents qui
détiennent lavantage de provenir dun lieu reconnu
comme Bordeaux, la Toscane ou le Piémont.»
Un bled du pied de la «botte»
Pourquoi lanthropologue a-t-il choisi Cirò Marina? Pour
le vin bien sûr, répond cet amateur avoué. Cest
du moins la réponse que les journaux locaux aiment entendre,
dit-il à la blague. «Ce nest pas faux, mais la
réalité est plus complexe. En fait, Cirò Marina
est la région doù provenait le seul vin calabrais
soumis à une intense commercialisation. On en trouve même
à la Société des alcools du Québec.»
Située à lextrémité méridionale
de la péninsule italienne (le pied de la «botte»),
Cirò Marina produit 95% de la quantité de vin dorigine
contrôlée de la Calabre. Plusieurs petits viticulteurs
produisent du raisin et il existe une vingtaine de propriétaires
de «cantina», signale M. Fournier. Ces derniers possèdent
également des parcelles de vignes, mais ils soccupent
essentiellement de vinification faite à partir du raisin quils
achètent aux viticulteurs. Cette situation commerciale particulière
influe sur lindustrie vinicole actuelle de la Calabre, indique
létudiant. Cest dailleurs ce quil essaie
de mettre en lumière.
Quel est le lien avec lanthropologie? «Lapproche
sur le terrain, répond Vincent Fournier. Je prends le temps
de me laisser imprégner par la culture des gens. Outre les
sources dinformation qui peuvent me renseigner sur lhistoire
et lévolution du contexte local archives, recensements,
publications , je mène des entrevues auprès des
viticulteurs et des propriétaires de cantina afin
de reconstituer leur histoire individuelle.»
En comparant ces différentes histoires et les transferts de
propriétés dune génération à
lautre, et en tenant compte de moments historiques importants
la construction du chemin de fer à la fin du siècle
dernier ou encore lobtention, dans les années 70, de
la «Denominazione di origine controllata» , létudiant
tente de retracer lévolution de lindustrie vinicole
de cette communauté.
Dominique
Nancy
Vin
des dieux ou piquette?
Les viticulteurs de Cirò Marina aiment bien leur vin. Dès
lAntiquité, le vin de Cirò a connu une grande
renommée. Une légende raconte dailleurs quautrefois
le vin de Crimissa nom antique de Cirò était
offert en hommage aux athlètes qui revenaient vainqueurs des
olympiades.
«Il est vrai que les vins de la Calabre étaient connus
des Grecs, qui appelaient le sud de lItalie Enotria,
la terre des vins», souligne Vincent Fournier, étudiant
au Département danthropologie. Mais il faut dire que
la Calabre nest pas reconnue pour son vin. Le Larousse des
vins nest dailleurs pas élogieux à légard
des produits vinicoles de cette région, la plus pauvre de lItalie.
Lencyclopédie dit carrément que le vin est de
«piètre qualité».
Quelle que soit la véracité des faits, ajoute le jeune
chercheur, le discours des gens est très important sur le plan
symbolique. Et lanthropologue doit chercher à le comprendre.
Sil est faux, il nen est que plus intéressant,
conclut-il.
D.N.