Volume 35 numéro 21
19 février
2001


 


On peut réduire de moitié la récidive du cancer du sein
Un anti-oestrogène connu pour ses effets préventifs est également efficace chez les femmes porteuses d’une prédisposition génétique au cancer du sein.

Au Canada, 1 femme sur 400 est porteuse de mutations génétiques prédisposant au cancer du sein et la proportion est plus importante chez les Canadiennes françaises, souligne le Dr Parviz Ghadirian.

Au pays, on diagnostique 19 000 nouveaux cas de cancer du sein chaque année, un mal qui affecte neuf pour cent des Canadiennes et qui se place au premier rang de tous les cancers chez la femme.

Lorsque ce cancer est dépisté à temps et convenablement traité, les risques de réapparition de tumeurs dans l’un ou l’autre sein sont de 2 à 10%, selon Diane Provencher, professeure au Département d’obstétrique-gynécologie et oncologue à l’hôpital Notre-Dame du CHUM. Mais chez les femmes porteuses de mutations sur l’un ou l’autre de deux gènes particuliers — BRCA1 et BRCA2 (pour breast cancer) —, le risque de récidive est de 40 à 60%!

Une vaste étude épidémiologique internationale à laquelle ont participé la Dre Provencher ainsi que le Dr Parviz Ghadirian, du Département de nutrition et directeur de l’Unité de recherche en épidémiologie du CHUM, a montré qu’un anti-oestrogène, le tamoxifène, peut réduire de moitié les risques de récidive du cancer du sein chez les femmes porteuses de mutations. L’atténuation du risque atteint un sommet de 75% après deux à quatre ans d’usage de ce médicament.

On connaît quelque 120 mutations des gènes BRCA et les hommes comme les femmes peuvent en être porteurs. Au Canada, 1 femme sur 400 en serait porteuse et le taux grimpe à 1 sur 50 chez les juives d’ascendance ashkénaze. Les Canadiennes de souche française, chez qui on a dénombré une douzaine de mutations, constituent également un groupe à risque. Près de 80% des femmes concernées vont développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans si aucune intervention préventive n’est pratiquée.

L’effet préventif du tamoxifène, issu des recherches sur les contraceptifs dans les années 50 et utilisé dans le traitement du cancer du sein depuis 25 ans, était connu mais on ignorait s’il avait aussi un effet chez les femmes porteuses de prédispositions génétiques. L’étude épidémiologique, qui a mis à contribution 34 centres de recherche dans huit pays et qui a duré 10 ans, a porté sur près de 600 femmes porteuses de mutations sur l’un ou l’autre des gènes BRCA; 209 étaient affectées de tumeurs dans les deux seins et 384 dans un seul sein.

C’est dans le second groupe que l’effet préventif du tamoxifène a pu être observé; le médicament a réduit globalement de 50% le risque de développer un cancer dans l’autre sein. L’effet préventif est de 37% pour les mutations du gène BRCA2 et de 62% pour celles du BRCA1. L’étude a également montré que l’ablation des ovaires réduit la récidive de 60%.

Les auteurs de l’étude croient que le tamoxifène devrait aussi avoir un effet préventif chez les femmes porteuses de mutations qui n’ont pas encore développé de cancer. Une recherche en ce sens est actuellement effectuée par le Dr André Robidoux, du Département de chirurgie.

Mais rien n’est jamais parfait. Le tamoxifène doublerait le risque de cancer de l’endomètre, qui représente 5% des cancers chez la femme, contre 31% pour le cancer du sein. «C’est un risque à considérer, mais les effets bénéfiques sont de loin plus importants», estime le Dr Ghadirian.

Daniel Baril