Volume 35 numéro 21
19 février 2001


 


Incubateur pour gestionnaires de portefeuille
L’IGP vise aussi l’expérimentation de nouveaux produits financiers.

«L’incubateur est à la finance ce que le laboratoire est à la chimie», selon Pierre Laroche.

Février. Le mois des REER. Banques, sociétés de fonds communs de placement, compagnies d’assurances et courtiers déploient tous les moyens à leur disposition pour mettre la main sur notre épargne qu’ils confieront, la plupart du temps, à des gestionnaires de portefeuille censés la faire fructifier.

Mais le Québec affiche un manque de gestionnaires de portefeuille compétents. C’est pourquoi l’École des Hautes Études Commerciales créait, il y a un an, en collaboration avec une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec (Services financiers CDPQ), un incubateur de gestionnaires de portefeuille (IGP) afin de développer le savoir-faire en la matière.

«L’incubateur est à la finance ce que le laboratoire est à la chimie», explique son directeur, Pierre Laroche, qui dirige également le Service de l’enseignement de la finance aux HEC. L’IGP s’adresse tant aux professionnels déjà en exercice qu’aux diplômés récents des universités. Pour être admis, le candidat doit remplir un questionnaire détaillé et soumettre son dossier à un comité composé de représentants du milieu de la finance.

En fait, l’incubateur offre un encadrement qui permet de gérer en temps réel un portefeuille fictif. L’objectif est non seulement de former de nouveaux gestionnaires mais aussi d’élaborer de nouvelles stratégies d’investissement sans mettre du capital en jeu.


Portefeuille fictif
L’incubateur permet à l’adhérent de placer des ordres en temps réel et contrôle rigoureusement leur acceptation. Il effectue le suivi des transactions et calcule les rendements comme si ces opérations avaient réellement eu lieu. Les ordres peuvent être placés sur la plupart des marchés grâce aux services de la société CITAC, fournisseur de la Salle des marchés des HEC, qui constitue le centre des opérations.

Ainsi le gestionnaire communique les détails d’une transaction à un opérateur de la Salle des marchés qui voit à sa validation. La faisabilité de la transaction une fois confirmée, l’ordre est transmis à CITAC. Cette dernière rassemble les transactions et fournit chaque mois un relevé de compte. À la fin d’une période de deux ans, les données sont authentifiées et rendues disponibles pour le calcul du rendement.

Cinq professionnels en exercice ont déjà adhéré à l’IGP, dans la majorité des cas avec la collaboration de leur employeur. «Nous avons actuellement cinq comptes et deux autres sont sur le point de démarrer», précise Pierre Laroche, qui se réjouit de la réaction du milieu des affaires.

À la suite d’une invitation lancée dans les universités québécoises et dans les clubs d’investissement, une quinzaine d’étudiants ont présenté leur dossier. Répartis en trois équipes, ces étudiants sont en train d’élaborer leur projet. M. Laroche est donc optimiste quant à la mise en route de trois autres portefeuilles à la fin de l’été. «Il y a un critère très important pour adhérer à l’IGP, insiste-t-il. Il faut avoir une politique de placement bien claire.»

Pour adhérer à l’IGP comme étudiant, une formation en finance n’est pas essentielle, d’autant plus que le travail en équipe est encouragé. C’est d’ailleurs le cas dans les institutions financières où les fonds communs de placement sont presque toujours gérés par des équipes de professionnels. Un diplômé du doctorat en biotechnologie qui connaît bien les entreprises dans ce domaine ferait un excellent candidat, croit Pierre Laroche. Autre profil possible: un diplômé en génie minier qui a une formation en placement et qui connaît les rudiments de la gestion de portefeuille pourrait élaborer une stratégie de placement pour un portefeuille de type ressources naturelles.


Approches novatrices

L’incubateur — pour faire écho aux incubateurs d’entreprises qu’utilisent les PME afin de développer leur savoir-faire — favorise l’éclosion d’approches novatrices. Des professionnels et les sociétés qui les emploient peuvent donc y faire l’expérience de nouveaux produits financiers sans avoir à risquer des sommes considérables. «Aussi étonnant que cela puisse paraître, même s’il s’agit d’un domaine qui est près de la finance, il est très difficile de trouver du capital de démarrage, constate Pierre Laroche. Ainsi une société de fonds d’investissement désireuse de proposer un nouveau fonds commun peut tester son concept à l’IGP sur une période de 12 à 24 mois avant de lancer son produit sur le marché.»

Le professionnel qui gère un portefeuille selon une certaine méthode pour le compte de son employeur peut voir ce que son travail aurait donné s’il avait utilisé une autre approche et faire authentifier ses résultats. «Nous sommes en mesure, avec les moyens dont nous disposons, d’authentifier les résultats avec un haut degré de certitude, donc de donner une idée, la plus précise possible, de ce qui serait advenu si ce portefeuille avait réellement existé. Nous avons dans notre salle des marchés le système informatique requis pour authentifier les transactions. Il s’agit d’un processus très rigoureux qui tient compte, par exemple, du nombre de minutes qui se sont écoulées entre le moment où le gestionnaire a fait connaître sa transaction et le moment où elle a été exécutée.»

Se pose également le problème de la confidentialité puisque les stratégies utilisées sont des secrets commerciaux jalousement gardés. «Nous avons avec ces gestionnaires des ententes de confidentialité, observe M. Laroche. Nous sommes seulement deux, l’officier et moi, à connaître en détail toutes les opérations.»

Françoise Lachance

Les personnes qui veulent en savoir plus sur l’Incubateur de gestionnaires de portefeuille peuvent consulter le site Internet à l’adresse suivante: www.hec.ca/igp.