Volume 35 numéro 20
12 février 2001


 


Nos paysages de rivières
Mathématiques et émotions de la géomorphologie fluviale

Dans le Bas-Saint-Laurent, crevasses et vallées glaciaires créent de nombreuses chutes, comme celles-ci sur la rivière Neigette qui révèlent la puissance de l’élément.

L’eau qui coule a un irrésistible effet relaxant sur l’Homo sapiens et ce n’est pas un hasard si nos images paradisiaques en contiennent toujours.

Conscients de l’importance de cet élément pour agrémenter notre environnement, les chercheurs de la Chaire en paysage et environnement de l’École d’architecture de paysage ont entrepris, par une série de six séminaires, de faire le point sur l’état des connaissances entourant les aménagements de rivières.

«Nous voulons connaître les processus en action dans le façonnement des cours d’eau, comprendre comment ils se transforment, quelles sont les forces en présence, ce qui se produit si l’on construit un barrage, de quoi il faut tenir compte pour mettre cet environnement en valeur», précise François Tremblay, chercheur à la Chaire.

Le 26 janvier dernier, c’était au tour d’André Roy, directeur du Groupe de recherche en géomorphologie fluviale du Département de géographie, de tracer le tableau des phénomènes géologiques et hydrologiques qui façonnent les paysages de rivières.
«Pour un géomorphologiste, une rivière est d’abord une voie de transport de la matière vers les océans. Le paysage fluvial, créé par l’action de l’eau structurée en réseau, est le résultat de l’effet combiné de diverses composantes comme le débit, les sédiments, la friction, la pente, la profondeur ou encore la largeur, qui interagissent les unes avec les autres.»

Calme et sérénité de la rivière Rimouski, un cours d’eau caractéristique des Appalaches.


Calme et frayeur

Tout ceci peut être traduit en équations mathématiques, mais les interactions sont si complexes qu’il est très difficile de prévoir les résultats. Et lorsque les résultats sont prévisibles, c’est sur une échelle de temps très réduite de quelques décennies qu’ils sont observables: «Des aménagements réalisés sur des rivières à saumons il y a 40 ans sont maintenant à peine visibles, mais on n’a aucun moyen de savoir ce que va devenir un paysage de rivière à une échelle géologique», reconnaît André Roy.

Les mathématiques des écoulements et les limites de la science n’empêchent toutefois pas le chercheur d’apprécier la beauté des cours d’eau qu’il étudie. À l’aide d’une série de photos, il a pu montrer à son auditoire que non seulement divers types de cours d’eau sont propres à des paysages particuliers, mais qu’ils suscitent aussi des émotions différentes.

Les torrents provenant de la fonte de glaciers constituent un type particulier de cours d’eau où André Roy (ici dans les Alpes suisses) mesure l’un des éléments de la géomorphologie, soit la vitesse d’écoulement de l’eau.


Un bassin succédant à un seuil sur une rivière bordée d’arbres a un effet calmant; le Saguenay, contemplé du haut des montagnes environnantes, fait naître un sentiment de grandeur; les méandres d’une rivière stimulent l’observation et l’imagination. Mais l’eau peut aussi évoquer la puissance ou même provoquer la frayeur lors d’inondations dévastatrices.

Les méandres de la Diable, près du lac Maskinongé, propres aux terres basses constituées de sédiments, livrent le passé récent de la rivière.


Jean-Pierre Ducruc, chef de service à la Direction du patrimoine écologique et du développement durable du ministère de l’Environnement, a montré pour sa part que l’appréciation d’un paysage de rivière, à l’instar d’une oeuvre d’art, répond à des lois de l’esthétique et peut aussi s’apprendre: les éléments doivent être considérés selon les niveaux successifs de perception, allant de l’ensemble du paysage à une section précise.


Encore trois séminaires sont à venir, les 16 février, 16 mars et 30 mars. À chacune des rencontres, un représentant d’Hydro-Québec est présent afin de faire état des pratiques de l’entreprise sur le sujet abordé. Sont également de la partie des représentants d’organismes décideurs et d’usagers tels les groupes de plein air.

Daniel Baril