Plus
dargent pour Médecine/sciences
Après
17 ans à la barre de la publication, Michel Bergeron livre
son testament spirituel.
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Michel
Bergeron croit en la diffusion des connaissances en français.
Cest pourquoi il a lancé avec des collaborateurs
Médecine/sciences, qui a aujourdhui 17 ans.
Les parutions totalisent 18,000 pages darticles scientifiques. |
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Le professeur
Michel Bergeron lance un appel aux gouvernements pour quils
multiplient par deux le financement de la revue Médecine/ sciences,
actuellement de 210 000$ par année. «Les gouvernements
de France et du Canada dépensent 150 milliards de dollars chaque
année pour leurs services de santé. Pourquoi hésitent-ils
à consacrer une fraction de ce budget à la diffusion
des connaissances dans toute la francophonie par le biais dune
revue de qualité, bien établie et respectée par
les pairs?» sinterroge le professeur du Département
de physiologie de la Faculté de médecine.
Après 17 ans dun dévouement soutenu, dont 15 à
titre de rédacteur en chef pour lAmérique du Nord
(un homologue est responsable de la section européenne), le
cofondateur de Médecine/sciences publie dans le numéro
courant un éditorial quon peut qualifier dengagé.
«Cest en quelque sorte mon testament spirituel»,
dit en souriant le physiologiste qui demeure directeur général
de cette revue tirée à 8000 exemplaires. Géré
conjointement par la France et le Québec, Médecine/
sciences produit 10 numéros, bon an, mal an, en plus de suppléments
et de numéros spéciaux. Cela représente quelque
1400 pages darticles scientifiques annuellement, soit 18,000
pages depuis son lancement.
Dénonçant lattitude des commanditaires, qui boudent
les revues savantes sous prétexte quelles sadressent
à un public trop restreint, lex-rédacteur en chef
prie les gouvernements dêtre plus sensibles aux causes
de ces diffuseurs de la connaissance. «Au Québec, [
]
Médecine/ sciences mis à part, il ny a quune
seule autre revue de langue française révisée
par les pairs. Quelle pitié!» écrit-il.
Le français, langue des sciences
Lauteur y réaffirme sa foi en lusage de la langue
maternelle dans le réseau scientifique. «Langlais
est, bien entendu, la langue de la république de la science,
nuance-t-il en entrevue. Mais ce sont les contribuables de chaque
région qui financent les travaux des chercheurs; pourquoi nauraient-ils
pas le droit dêtre les premiers à y avoir accès?
De plus, noublions pas que la langue maternelle est loutil
le plus performant pour exprimer des concepts complexes. Pourquoi
sen passer?»
Si Sigmund Freud avait succombé au piège de la langue
des sciences, il naurait peut-être pas légué
une oeuvre aussi significative, estime M. Bergeron. Le fondateur de
la psychanalyse avait étudié en France et le français
était alors lespéranto des chercheurs, rappelle-t-il.
«Aujourdhui, on constate que Freud écrivait dans
un allemand très particulier. Les traducteurs doivent être
sensibles aux expressions régionales utilisées par Freud.
Il naurait pas pu être aussi précis dans une langue
seconde.»
Autre facette abordée par léditorialiste: le cyberespace
scientifique. Financées par lÉtat, les recherches
doivent parvenir aux personnes intéressées. Selon le
professeur Bergeron, le cyberespace permet de «libérer»
le savoir contenu dans les tours divoire. Or, pour alimenter
une autoroute de linformation avide de contenus, Médecine/sciences
représente une véritable aubaine.
Certes, les coûts dimpression de lédition
savante sont si élevés que la voie de lédition
exclusivement électronique semble toute tracée. Quelque
70% des lecteurs de Médecine/sciences ont cependant
affirmé, dans un sondage mené lan dernier, leur
préférence pour le bon vieux papier. Pour Michel Bergeron,
lun nempêche pas lautre. «En couplant
lélectronique à limprimé, Médecine/sciences
peut jouer, grâce à ses auteurs, le véritable
rôle dune université virtuelle des sciences du
vivant», peut-on lire dans léditorial du numéro
de décembre 2000.
Courte
espérance de vie
«Je me souviens de Médecine/ sciences, nous ne
vous donnions pas cinq ans despérance de vie»,
a rappelé récemment Jean Rochon, ministre de la Recherche,
de la Science et de la Technologie, à M. Bergeron. Certains
étaient encore plus sévères et croyaient que
la revue bicéphale ne survivrait pas six mois.
Le ministre Rochon était alors doyen de la Faculté de
médecine de lUniversité Laval. Dix-sept ans plus
tard, Michel Bergeron na pas récolté plus denthousiasme
en faisant appel aux doyens des quatre facultés québécoises
de médecine. «Quatre réponses négatives»,
dit-il.
Mais le professeur ne se décourage pas. «Doit-on laisser
aux agences de publicité de Toronto, New York, Paris ou Montréal
la responsabilité de léducation médicale
continue?» lance-t-il, faisant référence au fait
que les commanditaires sont plus volontiers dirigés vers les
revues domnipraticiens que vers les revues savantes. «Le
nouveau modèle scientifique nous permet de briser la culture
oligopolistique de lédition médicale, qui exerce
un véritable malthusianisme sur les lectures qui sont offertes
aux médecins, aux pharmaciens, aux biologistes, aux étudiants
et aux citoyens», écrit-il encore.
Envers et contre tous, Médecine/ sciences atteindra
dans quelques mois lâge de la majorité. Une nouvelle
équipe a pris le relais des Axel Kahn, Jean Hamburger et autres.
Le nouveau rédacteur en chef à Montréal, Daniel
Bichet, secondé par Michel Bouvier, directeur du Département
de biochimie, complétera léquipe de Paris, dirigée
par Marc Peschanski.
Mathieu-Robert
Sauvé