La
grossesse pourrait être un facteur daccidents de la route
Et
lalcool na pas toujours leffet pervers quon
lui prête.
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«Leffet
de la grossesse sur les accidents demeure faible»,
tient à préciser Marc Gaudry. Quant à
celui de lalcool, toute la question est de savoir
ce que signifie une «faible dose». |
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Il pourrait être
dangereux de conduire une automobile pendant la grossesse, particulièrement
pendant les trois premiers mois. Cest du moins ce que laissent
croire différentes études effectuées au cours
des 15 dernières années au Québec, en Angleterre
et en Norvège.
Marc Gaudry, du Centre de recherche sur les transports (CRT), semble
être le premier à avoir désigné ce facteur.
En 1984, à laide dalgorithmes mettant en relation
plusieurs dizaines de facteurs, le chercheur a observé une
corrélation statistiquement significative entre le nombre de
grossesses dune part et la fréquence et la gravité
des accidents de la route dautre part.
«La corrélation est statistiquement forte, cest-à-dire
loin de zéro, mais leffet de la grossesse demeure faible
sur le nombre daccidents», tient-il à préciser.
Bien que le modèle mis au point au CRT le DRAG, pour
«demande routière, accident et gravité»
permette de chiffrer cet effet, Marc Gaudry demeure prudent
et préfère ne pas avancer de chiffres pour linstant.
Cest que les données dont il dispose ne sont pas individualisées
et ne permettent détablir quun lien indirect entre
les deux variables.
«Pour les grossesses comme pour les accidents, les variations
sont énormes selon les mois et selon les années, souligne-t-il.
Nous avons donc une corrélation statistique entre deux courbes
qui bougent beaucoup et la probabilité que cette corrélation
soit due à un autre élément que la grossesse
est très faible.»
Le raffinement du modèle a donné les mêmes résultats
dans une deuxième étude menée en 1991. Puis,
en 1997, une équipe de Norvège est elle aussi parvenue
à la même corrélation avec des données
encore plus précises que celles de léquipe du
CRT.
«Sur la base de ces résultats, le gouvernement norvégien
a entrepris de passer en revue tous les accidents de la route survenus
au cours des 25 dernières années et dans lesquels des
femmes avaient été impliquées afin de vérifier
si elles étaient enceintes», avance Marc Gaudry.
Comme les chercheurs de ce projet disposeront de données individualisées
permettant de croiser les renseignements des fichiers daccidents
et ceux des fichiers médicaux, ils seront en mesure détablir
si un lien direct existe ou non entre grossesse et risque daccident.
Encore les hormones!
Marc Gaudry est convaincu que cette étude va confirmer les
observations antérieures. Lune des hypothèses
quil avance pour expliquer le phénomène met en
cause létat hormonal résultant de la grossesse,
cest-à-dire laugmentation du taux de progestérone
et doestrogènes qui nest pas contrebalancé
par une augmentation équivalente des hormones androgènes.
Cet état rendrait la femme moins performante dans lexécution
de tâches mécaniques.
Cette hypothèse trouve un appui dans une étude effectuée
en Angleterre en 1979 et qui a montré que, de tous les médicaments,
cest la consommation de contraceptifs oraux qui est associée
au plus haut taux de risque daccident. La pilule augmente ce
risque de 5,6 fois, comparativement à 5,2 pour les sédatifs
et tranquillisants et à 2,0 pour tous les médicaments
confondus.
«À cette époque, les concentrations dhormones
dans les contraceptifs oraux étaient très élevées
et créaient un état de grossesse permanent», affirme
le chercheur.
Lhypothèse sera vérifiée par létude
norvégienne, qui tiendra compte du cycle menstruel et de lusage
de contraceptifs.
Lalcool
Le DRAG a permis dobserver une autre étonnante corrélation
jamais soupçonnée jusque-là: une faible consommation
dalcool est associée à un risque moindre daccident
que labstinence.
Encore là, il faut être très prudent puisquil
sagit du même type de rapport indirect: lorsque la consommation
dalcool par personne augmente dans une population donnée,
le nombre daccidents mortels et le nombre de morts par accident
diminuent, bien que celui daccidents légers augmente.
«Notre modèle permet une nouvelle façon daborder
la problématique des accidents de la route en considérant
séparément la fréquence et la gravité
des accidents, deux éléments qui ne sont pas influencés
par les mêmes facteurs. Sil neige, par exemple, le nombre
daccidents augmente, mais ils sont moins graves que les accidents
par beau temps. En revanche, la fréquence diminue avec laugmentation
de la vitesse parce que les conducteurs sont alors plus attentifs,
bien que leurs accidents soient plus graves.»
Les algorithmes de Marc Gaudry montrent une corrélation semblable
avec la consommation dalcool, notamment la consommation de vin.
«Au début, nous pensions que notre modèle était
erroné», avoue-t-il. Mais des résultats semblables
ont été obtenus avec une deuxième version du
DRAG, puis par des équipes de Nouvelle-Zélande, de Norvège
et dAllemagne ainsi que par une étude empirique aux États-Unis.
Pour Marc Gaudry, lexplication serait la suivante: une faible
dose dalcool produit un effet calmant qui réduit lagressivité
et amène le conducteur à conduire moins vite. Tout le
problème est de savoir ce que signifie «faible dose».
Le lien indirect établi par les diverses études ne permet
pas de déterminer de seuil.
Actuellement, le gouvernement du Québec examine la possibilité
dabaisser le taux dalcool acceptable de 0,08 à
0,05 pour la conduite automobile. «Dans létat actuel
de nos connaissances, je serais incapable dêtre pour ou
contre un tel projet», conclut Marc Gaudry.
Les études dont il est question ici ont fait lobjet dune
publication récente dirigée par Marc Gaudry et Sylvain
Lassarre (INRTS, France): Structural Road Accident Models; The
International DRAG Family, chez Pergamon.
Daniel
Baril