Le
Québec, une meilleure terre daccueil
Létude
de Jean Renaud et de son équipe du CEETUM bouscule beaucoup
didées reçues sur les immigrants.
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«Même
si le Québec nest pas encore une société
parfaite en matière dintégration des
immigrants, notre façon de les accueillir sest
grandement améliorée si lon compare
la situation avec ce qui se passait il y a 25 ou 30 ans,
indique Jean Renaud. |
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Le français
est prédominant, comme langue dusage public, pour une
forte proportion de néo-Québécois, qui se rendent
majoritairement aux urnes pour exercer leur droit de vote, révèle
létude de Jean Renaud sur les 10 premières années
de vie au Québec des immigrants admis en 1989.
Le titre qua choisi le directeur du Centre détudes
ethniques de lUniversité de Montréal (CEETUM)
pour cet ouvrage dont il est le coauteur, Ils sont maintenant dici!,
traduit bien les conclusions quil tire des résultats
obtenus. «Après 10 années de vie au Québec,
les répondants de létude se sont très bien
intégrés à la société québécoise.
Ils connaissent essentiellement les mêmes misères et
les mêmes grandeurs que nous: ils travaillent, ont établi
des réseaux sociaux, participent activement à la vie
civique et subissent les effets de la conjoncture économique.
Bref, ils sont dici, au même titre que les Québécois
dorigine.»
Pour Jean Renaud, qui présentait son étude aux médias
le 23 janvier, il sagit là dune surprise agréable.
Il reconnaît cependant que linterprétation de certains
résultats demeure une opération pour le moins complexe.
Selon le sociologue, cette étude ébranle plusieurs mythes
relatifs aux immigrants. Dabord, lidée quils
utilisent habituellement le Québec, au début de leur
processus migratoire, uniquement comme un tremplin vers dautres
destinations est fortement démentie par les résultats:
99,3% des immigrants interrogés nont jamais fait de demande
pour émigrer dans un deuxième pays. Après 10
ans détablissement au Québec, plus de 9 immigrants
sur 10 ont acquis la citoyenneté canadienne. La croyance également
quils aient plutôt tendance à sinstaller
uniquement sur lîle de Montréal ne correspond plus
à la réalité. Les données recueillies
démontrent que les immigrants se répartissent dorénavant
sur un territoire beaucoup plus vaste qui comprend la Montérégie,
Laval et même les Basses-Laurentides.
Le français gagne du terrain
De toutes les idées renversées par cette étude
unique au monde la première à suivre une cohorte
dimmigrants sur une période de 10 ans , cest
sans contredit celle en lien avec la langue qui est la plus mise à
mal. Même si les immigrants continuent majoritairement à
parler leur langue maternelle à la maison, après 10
ans ils utilisent quand même deux fois plus le français
dans la sphère privée. Ils sexpriment uniquement
en français à lextérieur du foyer dans
une proportion de 61%.
La cohorte dimmigrants admis en 1989 provenaient de 78 pays.
Seulement 9,8% dentre eux avaient le français comme langue
maternelle. «Au Québec, commente Jean Renaud, la réalité
politique est intimement liée à la langue et cela constitue
une contrainte, dans une certaine mesure, pour ce genre détude.
On ne devrait pas évaluer la capacité dintégration
des immigrants selon ce seul critère. Il fait partie dun
ensemble dautres facteurs, comme le fait de travailler, détablir
des liens avec son voisinage ou de participer à la vie associative.»
Lemploi, facteur dintégration
Autre fait surprenant, les données recueillies indiquent que
laccès à lemploi se fait assez rapidement
et quune bonne part des répondants connaissent, au fil
du temps, une augmentation de leur stabilité et de leur statut
socioéconomiques. Après seulement 15 semaines de séjour
au pays, plus de la moitié des répondants avaient déjà
trouvé du travail et, à mesure que le temps de séjour
augmente, ils sont de plus en plus nombreux à occuper des emplois
qualifiés (41% en 1999 contre 22% en 1989). Après un
séjour de 10 ans, ils sont moins de 14% à navoir
jamais occupé un emploi.
«Il subsiste encore de sérieux problèmes dans
certains ordres professionnels, qui acceptent difficilement de reconnaître
les compétences des gens venus dailleurs, nuance cependant
le chercheur. Il reste encore de nombreux efforts à fournir
pour assouplir les exigences auxquelles doivent se plier certains
professionnels et qui leur font vivre une importante déqualification
en arrivant ici.»
Les nouveaux arrivants investissent également de façon
importante dans leur éducation, et ce, dès leur arrivée
au pays. Après la première année, 53% ont déjà
participé à une activité de formation alors que
cette proportion passe à 70% après 10 ans. Plus de 36%
des répondants sont devenus propriétaires de leur logement
après 10 années de séjour.
Participation à la société
«Même si le Québec nest pas encore une société
parfaite en matière dintégration des immigrants,
notre façon de les accueillir sest grandement améliorée
si lon compare la situation avec ce qui se passait il y a 25
ou 30 ans, ajoute M. Renaud. À cette époque, on ne savait
pas quoi faire avec les nouveaux arrivants alors que, maintenant,
ils sintègrent plus facilement et ont véritablement
le goût de contribuer à la société québécoise.»
En 1998, 85% des répondants ont voté aux élections
provinciales. Ils étaient 87% à se rendre aux urnes
lors du référendum de 1995. De plus, les néo-Québécois
qui ont des enfants dâge scolaire assistent majoritairement
aux réunions de parents délèves (trois
répondants sur quatre), alors que 10% dentre eux sont
encore ou ont été membres dun conseil détablissement
ou dun comité décole.
Létude de Jean Renaud a été menée
auprès de 1000 immigrants admis au Québec en 1989 et
par le biais de quatre enquêtes sur le terrain effectuées
respectivement en 1990, 1991, 1992 et 1999. Cette recherche a été
rendue possible grâce à la collaboration dune équipe
de chercheurs du CEETUM composée de Lucie Gingras, Sébastien
Vachon, Christine Blaser, Jean-François Godin et Benoît
Gagné.
Histoires damour?
Comment se sent-on après laboutissement dune recherche
à laquelle on a consacré plus de 10 années de
sa vie? avons-nous demandé au chercheur. «Le plus difficile
pour moi a été davoir à détruire
lensemble des données nominatives qui avaient servi à
létude, éliminant ainsi la possibilité
de tout nouveau contact avec les répondants. En revanche, on
est loin davoir épuisé toutes les possibilités
danalyse des données quantitatives. Elles sont dautant
plus précieuses que, nulle part ailleurs dans le monde, on
ne dispose de telles données.»
Parmi les sujets danalyse sur lesquels Jean Renaud promet de
se pencher prochainement, celui des histoires damour est lun
de ses préférés. Il faudra cependant que les
données concernant cet aspect du vécu des répondants
soient disponibles en quantité suffisante. «Au fond,
ce à quoi on aspire dans la vie se résume à bien
peu de choses, ajoute M. Renaud, et les histoires damour en
font certainement partie. Cest dailleurs fondamental et
déterminant en tant que facteur dintégration.
Jai de vieux oncles dorigines polonaise et ukrainienne
qui se sont mariés avec deux de mes tantes. Même sils
ont conservé leur accent, ils sont tout à fait semblables
aux autres membres de la famille.»
Lorraine
Desjardins
Collaboration spéciale
Ils sont maintenant dici! Les dix premières années
au Québec des immigrants admis en 1989 est publiée par
la Direction de la planification stratégique du ministère
des Relations avec les citoyens et de lImmigration.
