Volume 35 numéro 19
5 février 2001


 


Étendre la loi 101 jusqu’au cégep?
Les spécialistes sont divisés.

Marie McAndrew
Devrait-on étendre jusqu’au cégep l’obligation faite aux francophones et aux allophones d’étudier en français? La question est dans l’air et a fait l’objet d’un débat à la table ronde qui clôturait le colloque sur les enjeux démolinguistiques du français.

Victor Piché, directeur du Département de démographie, est d’avis que les quelques milliers d’allophones qui prendraient le chemin des cégeps francophones par une telle mesure seraient trop peu nombreux pour changer significativement la situation et qu’il ne vaut donc pas la peine d’adopter pareille disposition.

«Il est nécessaire, dit-il, d’être bilingue au Québec et cela est déterminé par le marché du travail. Les immigrants ne travailleraient pas davantage en français parce qu’ils fréquenteraient des cégeps francophones. Et si l’on reconnaît des droits à la minorité anglophone — contrairement à l’Ontario par rapport à sa minorité francophone —, il faut aussi accepter qu’elle possède ses maisons d’enseignement.»

Intervenant de la salle, Marie McAndrew, du Centre d’études ethniques de l’Université de Montréal, s’est elle aussi inscrite résolument contre une telle perspective. À son avis, l’extension au cégep des dispositions de la loi 101 poserait un problème juridique puisqu’on imposerait des mesures linguistiques dans un secteur où la fréquentation scolaire n’est pas obligatoire. De plus, «cela limiterait aussi l’accès aux études en anglais pour les francophones, qui sont déjà peu bilingues, déplore-t-elle. Sans compter qu’une politique linguistique trop coercitive risquerait de renverser la tendance actuellement favorable au français.»

Arlindo Vieira, président du Conseil des relations interculturelles, et Jack Jedwab, directeur de l’Association d’études canadiennes, se sont dits d’accord avec les considérations de Victor Piché et de Marie McAndrew.

À l’inverse, Charles Castonguay, du Département de mathématiques et de statistique de l’Université d’Ottawa, s’est clairement montré en faveur de l’obligation d’étudier en français au cégep. «Le cégep est un moment privilégié où se construit l’identité du jeune et où s’effectue le choix quant au marché du travail.» Le cégep français constituerait donc à ses yeux le chaînon manquant entre le français langue d’enseignement et le français langue de travail. «Lors de l’adoption de la loi 101, les études secondaires pouvaient être suffisantes pour travailler, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui», souligne-t-il.

Enfin, Marc Termotte, du Département de démographie, s’est montré plus nuancé. Dans son mémoire, il s’est dit «perplexe» devant le fait que la moitié des allophones qui ont étudié en français au primaire et au secondaire choisissent le réseau collégial anglophone. Mais dans la mesure où le français serait la principale langue de travail fixée par la «loi du sol», il se dit favorable à un système d’enseignement collégial qui laisserait le choix aux allophones d’étudier dans la langue de leur premier emploi.

Daniel Baril