Lart
sous la république de Weimar
Le
Centre dexposition présente 146 gravures et dessins.
![](photos/naubert.jpg) |
De
gauche à droite, Andrée Lemieux, directrice
du Centre dexposition de lUniversité
de Montréal, Constance Naubert-Riser, directrice
du Département dhistoire de lart, et
Jürgen Heinzmann, professeur à la Section détudes
allemandes du Département de littératures
et de langues modernes. |
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LAu sortir de
la Première Guerre mondiale, lAllemagne vaincue vit pendant
15 ans un chaos économique et social qui favorisera la diffusion
des idées dextrême droite et la prise du pouvoir
par le parti national-socialiste dAdolf Hitler en 1933. «Paradoxalement,
les artistes traversent à cette époque une période
remarquablement faste; ils veulent prendre position et leur production
est riche de sens», signale Constance Naubert-Riser, directrice
du Département dhistoire de lart et responsable
dune importante exposition qui vient de prendre laffiche
au Centre dexposition de lUniversité de Montréal:
Gravures et dessins au temps de la république de Weimar.
Une tendance se dégage nettement chez les artistes de cette
époque: leur engagement politique. «Voici le cul de la
République», lance un des artistes à louverture
dune exposition marquante à Berlin, en 1925, qui fera
connaître la Nouvelle Objectivité.
Otto Dix, Max Beckmann, George Grosz, Conrad Felix Müller et
Käthe Kollwitz sont parmi les artistes les plus remarquables
du nouveau courant, qui se caractérise par une critique acerbe
de la société. Plusieurs caricatures, banales au premier
coup doeil, révèlent leur sens à mesure
quon les regarde. On aperçoit par exemple un homme pendu
à léchafaud dans le coin dun dessin montrant
des danseuses de cabaret ou encore quelques cadavres sous les pas
des nouveaux riches. Le tout en noir et blanc sur du papier, seul
support qui soit encore à la portée des artistes.
«Durant cette période dinflation galopante, un
nouveau marché se développe pour les oeuvres sur papier,
explique Mme Naubert-Riser. Rassembler dans un portfolio des gravures
et des lithographies savère pour les artistes un moyen
de diffusion rapide qui leur permet de joindre la classe moyenne.
La classe aisée, de droite, est trop liée à la
guerre et jugée comme une ennemie pour être une clientèle
potentielle.»
On ne peut préciser la naissance de la Nouvelle Objectivité.
Mais on connaît bien la date de sa disparition: le 30 janvier
1933. Quand Hitler prend le pouvoir, il ne veut plus voir ces artistes
dégénérés. Les académiciens seront
limogés, les autres sexileront ou trouveront le moyen
de disparaître. Il semble que la Nouvelle Objectivité
fasse actuellement un retour chez les artistes allemands de la Nouvelle
Vague.
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On
ne reste pas insensible devant Brot! (Du pain !), une lithographie
de Käthe Kollwitz, quon peut voir dans le cadre de
lexposition Gravures et dessins au temps de la république
de Weimar. Dans le regard désespéré de
lenfant vers sa mère voûtée, découragée,
il y a mille mots, mille maux. |
Sombres impressions
En tout cas, les gravures et dessins présentés au Centre
dexposition communiquent au spectateur un sentiment de détresse,
de cynisme et danarchie qui semblait courant chez les créateurs
picturaux de lépoque. La plupart des 146 oeuvres sont
de violentes dénonciations des inégalités sociales
et économiques au sein de la population allemande de lentre-deux-guerres.
La déchéance des moeurs est également dénoncée,
comme en témoignent les gravures et dessins regroupés
sur le thème «Sexe et vie nocturne». On y voit
des hommes gras à demi nus fumer des cigares en compagnie de
prostituées peu attirantes.
«Sous la république de Weimar, il y a un grand nombre
de pauvres, mais une certaine partie de la population vit très
confortablement. Ces gens-là, fortunés, ne se rendent
pas compte quils dansent sur un volcan», explique Jürgen
Heinzmann, professeur à la Section détudes allemandes
du Département de littératures et de langues modernes
de la Faculté des arts et des sciences.
Spécialiste de la Nouvelle Objectivité et de lexpressionnisme
allemand, M. Heinzmann est à lorigine de la venue en
sol québécois de ces oeuvres qui font actuellement le
tour du monde. Il na pas tardé à inviter Mme Naubert-Riser
à se joindre à lui pour préparer lévénement.
Selon cette dernière, lexposition a fait dès le
départ une large place aux étudiants. «Jen
ai fait le thème de mon séminaire de maîtrise
sur la théorie de lart. Les huit étudiants du
séminaire ont participé étroitement à
la préparation de lexposition.»
Mélanie Aubin, Marie-Pierre Boucher, Stéphanie Danaux,
Nathalie Garneau, Benoît Latour, Julie Lussier, Samuel Monsiège
et Johanne Picard ont appris, en se présentant à leur
premier cours du trimestre, quils travailleraient à ce
projet. Ils ont apprécié lexpérience, même
si elle leur a occasionné un important surcroît de travail.
Du côté de la Section détudes allemandes,
une dizaine détudiants ont été mis à
contribution afin de traduire les textes préparés par
lInstitut des études culturelles et littéraires
dAllemagne. Un groupe détudiants présentera
un spectacle dauthentique cabaret au hall dentrée
du Centre dexposition le 11 février prochain.
Une série de conférences et dactivités
culturelles se tiendra en marge de lexposition, du 25 janvier
au 18 mars, au Goethe Institut de Montréal. On y présentera
notamment des films de Fritz Lang. À noter également
les conférences de Mme Naubert-Riser le 28 janvier, de Jürgen
Heinzmann le 11 février et de deux autres spécialistes
de lUniversité de Montréal: Marc Gaudry (25 février)
et Philippe Despoix (18 mars).
Mathieu-Robert
Sauvé
Gravures et dessins au temps de la république de Weimar,
jusquau 18 mars au Centre dexposition de lUniversité
de Montréal, 2940, chemin de la Côte-Sainte-Catherine;
entrée libre; information: www.expo.umontreal.ca/.
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