Volume 35 numéro 18
29 janvier 2001


 


L’asthme, une maladie de riches
Paolo Renzi se consacre à cette maladie en progression.

Le pneumologue Paolo Renzi consacre une bonne partie de ses travaux de recherche et de sa pratique clinique à l’asthme. Cette maladie est en progression dans les pays industrialisés, mais elle est rarement observée dans le tiers-monde…

Richard, 38 ans, est asthmatique depuis un an. Il contrôle habituellement bien ses symptômes grâce à son médicament en aérosol doseur, mais, quand il fait du sport, sa respiration devient sifflante. De plus, une toux persistante le réveille à l’occasion.

Lorsque les 15 médecins généralistes de l’atelier sur l’asthme (dans le cadre des Journées du Département de médecine) apprennent que Richard n’a jamais subi de spirométrie, un test permettant de mesurer le volume expiratoire maximal avant et après un traitement aux corticostéroïdes, ils s’empressent de le lui prescrire. Richard passera en même temps les tests d’allergie qui permettront de déterminer si les chats, les acariens et la poussière provoquent chez lui des réactions.

«Bonne réponse, juge le responsable de l’atelier interactif, le pneumologue Paolo Renzi. Le nouveau Consensus canadien sur l’asthme, adopté en 1999, dit que 100% des patients asthmatiques doivent subir une spirométrie et des tests d’allergie.»

L’asthme est une maladie très fréquente de nos jours. Elle touche de 5 à 10% de la population. Chez les jeunes garçons, on compte jusqu’à 15% d’asthmatiques, soit près d’un enfant sur six dans certaines classes. À la grandeur du Québec, cela se traduit par 760 000 visites médicales et 37 000 consultations aux urgences par année. Un coût de 150 M$.

Paradoxalement, l’asthme fait moins de ravages qu’autrefois. «Jusqu’en 1990, on comptait régulièrement six ou sept décès par année au Québec, relate le Dr Renzi. Puis, ce chiffre est tombé à un seul depuis cinq ans.»

Le Dr Renzi lui-même a des patients qui frôlent la catastrophe lorsqu’ils sont surpris par une crise le jour où ils ont oublié leur inhalateur. Mais la mort est moins fréquente qu’autrefois. Cette diminution est due aux entreprises pharmaceutiques qui ont mis sur le marché de nouveaux produits, mais également à une intervention peu coûteuse et drôlement efficace: l’éducation. «Plusieurs études démontrent que des patients informés sont mieux en mesure de contrôler leurs symptômes. Il existe une centaine de centres d’éducation sur l’asthme au Québec. Chaque médecin devrait connaître celui de sa région.»


Une maladie de pays riches

En marge de l’atelier, le Dr Renzi précise que l’augmentation des cas d’asthme demeure inexpliquée. Les épidémiologistes soupçonnent l’environnement familial —des maisons surchauffées, trop isolées, mal aérées —, et l’on sait que les facteurs allergènes sont en cause. Mais cela n’explique pas tout. «Il semble qu’il s’agisse d’une maladie moderne des pays riches. L’asthme est rarement observé dans le tiers-monde.»

De plus, on sait qu’un certain nombre d’enfants asthmatiques verront l’intensité de leurs symptômes diminuer au point de disparaître complètement durant l’adolescence. «Fait nouveau, on voit revenir ces gens en clinique vers le milieu de la trentaine. Je ne peux pas vous présenter de chiffres, ce phénomène est trop nouveau, mais je constate chaque semaine qu’une bonne partie des nouveaux cas est en fait constituée d’anciens asthmatiques.»


Programme Vespa

On sait aussi que l’incidence de l’asthme varie d’une région à l’autre. Une étude à grande échelle prévoit faire la lumière sur cette question. Le programme Vespa (acronyme de Vers l’excellence dans les soins aux personnes asthmatiques), initiative commune du Réseau québécois de l’enseignement sur l’asthme et de la société pharmaceutique Merck Frosst, vise à joindre plusieurs milliers de patients asthmatiques dans diverses régions du Québec afin de déterminer les meilleures approches pour améliorer le traitement.

Le programme est basé sur les principes suivants: la maladie ne semble pas être maîtrisée adéquatement chez plusieurs asthmatiques; de nombreux patients éprouvent de la difficulté à comprendre et à suivre leur traitement; plusieurs patients ne connaissent pas ou sous-estiment l’impact des mesures de l’assainissement de l’environnement sur leur asthme et sur leur qualité de vie.

L’atelier animé par le Dr Renzi, en tout cas, a révélé que les omnipraticiens étaient bien informés des meilleures façons d’intervenir dans les cas présentés. En plus de Richard, les participants étaient invités à poser un diagnostic et à prescrire un traitement à Marguerite, 42 ans, et Georges, 45 ans. En comparant leurs réponses avec celles des experts consultés par l’animateur de l’atelier, ils se sont montrés assez compétents.

«Je m’en réjouis, dit le Dr Renzi. Mais les médecins qui se sont inscrits à mon atelier étaient manifestement déjà sensibilisés à la question. Ce n’est pas certain qu’on puisse généraliser cette attitude à l’ensemble de la profession, même si l’asthme est beaucoup mieux connu qu’autrefois.»

Mathieu-Robert Sauvé