La
géomorphologie au service des truites mouchetées
Olivier
Champoux analyse limpact des structures de restauration dune
rivière dans le Wisconsin.
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«Plusieurs
projets de restauration de rivières ne sont pas efficaces
à long terme à cause du manque de connaissances
sur les principes hydrauliques du cours deau et les
processus découlement», selon Olivier
Champoux, étudiant au Département de géographie.
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Quels sont les
effets à long terme de laménagement des rivières
sur la restauration de lhabitat des poissons? Olivier Champoux,
étudiant au Département de géographie, sest
posé la question et en a fait lobjet de son mémoire
de maîtrise. «On nen connaît pas bien les
impacts, dit-il, car la majorité des études ne sont
pas menées sur une longue période.»
Autre lacune: les projets sont généralement axés
sur la biologie plutôt que sur la géomorphologie fluviale
et ils ne tiennent pas compte de la dynamique de lécoulement
près des structures. «Une des conditions primordiales
du succès dun programme de restauration est pourtant
la connaissance du comportement hydraulique des rivières, de
leur morphologie et de leur sédimentation», affirme le
chercheur.
Loriginalité de sa recherche sur la portée des
aménagements de la rivière Lawrence, dans lÉtat
du Wisconsin, ne tient pas simplement au fait que M. Champoux prend
en considération la dimension temporelle. Il intègre
aussi dans son analyse diverses données géomorphologiques
et hydrologiques, par exemple la vitesse de lécoulement,
la force de cisaillement du lit de la rivière et sa turbulence.
«Les conditions hydrauliques sont très importantes pour
la survie de la truite mouchetée, qui fraie dans ce plan deau
dune longueur de 12 km, signale-t-il. Ce salmonidé, aussi
appelé omble de fontaine, a besoin de zones où les vitesses
découlement sont modérées afin de pouvoir
se nourrir et se protéger. Dans le jargon des spécialistes,
ces lieux se nomment des mouilles. Des endroits
moins profonds au débit plus élevé, quon
appelle des seuils, sont aussi nécessaires
au frai et à loxygénation des oeufs.»
Le cas de la rivière Lawrence
En 1963, le service des ressources naturelles du Wisconsin fait installer
des déflecteurs sur les berges de la Lawrence Creek afin de
rétablir les conditions propices au développement de
la truite mouchetée. Ce type de structure qui ressemble à
des quais de bois sert à créer des «mouilles»,
explique Olivier Champoux, cest-à-dire à réduire
artificiellement la largeur de la rivière dans le but daugmenter
la vitesse du courant et dentraîner un cisaillement du
lit.
«Mais les niveaux deau dune rivière peuvent
changer dune saison à lautre et dans le temps,
souligne le géographe. Durant une période de crue, les
déflecteurs peuvent alors être submergés et lécoulement
dirigé vers les berges, créant ainsi une érosion
assez sévère. Cela survient très rarement à
la Lawrence Creek, car son débit est relativement stable.»
Une étude effectuée par le biologiste responsable du
projet de la rivière Lawrence, Robert L. Hunt, montre, trois
ans après les travaux, une amélioration de la qualité
de lhabitat physique du poisson. Au cours de cette période,
la largeur et la profondeur moyennes de la rivière, qui étaient
de 7 m et de 0,12 m avant les travaux, sont passées à
4,3 m et à 0,21 m. Cela a contribué à une augmentation
de 17% de la population de truites.
M. Champoux émet toutefois un doute: «Les résultats
sont presque toujours très bons quelques années après
limplantation, puisque les processus dajustement des cours
deau se font sur une longue période et que lévolution
des populations de poissons est beaucoup plus rapide. Nos résultats
indiquent dailleurs une dégradation de lhabitat.
Par exemple, la superficie des fosses a diminué de 22% entre
1966 et 1999.»
Cest grâce aux cartes morphologiques et sédimentologiques
dessinées par le biologiste américain que M. Champoux
a pu comparer, 33 ans plus tard, les données avec une nouvelle
carte quil a produite en avril 1999. Pour ce faire, il sest
rendu dans le Midwest américain en compagnie de deux assistants
de terrain, Andrea Bell et Gino Beauchamp. «On a fait un relevé
topographique électronique à partir des mêmes
points de référence utilisés par Robert L. Hunt
et son équipe dans deux sections distinctes de la rivière:
une zone coulant sur des dépôts morainiques et une autre,
en aval, sur des dépôts dépandage glaciaire.»
Cela a notamment permis de repérer les zones de «mouilles»
et dobserver que les structures installées dans la section
morainique nétaient pas adaptées aux conditions
de la Lawrence Creek, fait valoir Olivier Champoux. Mais de manière
générale, les concepteurs du projet daménagement
ont bien intégré les variables physiques et biologiques
de lhabitat du poisson.
Pourquoi avoir choisi cette rivière? Parce que la documentation
disponible permettait de mener une recherche à long terme et
que le Wisconsin est un État pionnier dans la conception de
techniques daménagement, répond le chercheur.
Au Québec, la majorité des programmes de restauration
des rivières ont été instaurés seulement
vers le milieu des années 90.
Adepte de plein air
âgé de 25 ans, Olivier Champoux apprécie les randonnées
en forêt, les promenades en canot et, bien sûr, la pêche
à lomble de fontaine. La truite délevage
quon retrouve à lépicerie nest pas
une mouchetée, précise le jeune homme. Il sagit
presque toujours dune arc-en-ciel. Mais la mouchetée,
dont la chair est succulente, est le poisson le plus recherché
par la majorité des pêcheurs québécois.
Un festival de la truite mouchetée a dailleurs lieu chaque
année, au mois de juin, à Saint-Alexis-des-Monts.
Depuis quil travaille pour le centre Saint-Laurent dEnvironnement
Canada, les expéditions sur le terrain sont moins fréquentes.
Mais lexpérience en laboratoire a aussi ses charmes,
selon M. Champoux. «Jaime analyser les données
et voir les résultats, confie-t-il. Et puis, on na pas
à subir les marécages et les mouches noires!»
Dominique
Nancy