La
moitié des Québécois négligent encore
leur santé buccale
Le
nouveau doyen Claude Lamarche déplore notre faible «quotient
dentaire».
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«Nous
sommes la plus grosse faculté au Canada, cest
pour ça quil nous faut aussi être la
meilleure», déclare Claude Lamarche. |
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Manque-t-on de
dentistes au Québec? Lorsquon pose la question à
Claude Lamarche, il rappelle quil y a quatre ou cinq ans on
parlait de fermer une des trois facultés québécoises
de médecine dentaire. «Pourtant, des sondages de lOrdre
des dentistes du Québec et de lAssociation des chirurgiens
dentistes du Québec démontrent que seulement 52% des
Québécois fréquentent régulièrement
un cabinet de dentistes tandis que 48 % ny vont que lorsquil
y a une urgence ou lorsquils en sentent le besoin.» Le
«quotient dentaire», cest-à-dire limportance
que les gens accordent à létat de leur bouche,
est donc moins élevé au Québec quailleurs
en Amérique du Nord, constate-t-il. «À lOrdre,
on a entrepris toutes sortes de démarches pour changer cette
situation. Mais le fait que les gens ont des assurances ou que le
gouvernement rembourse les soins dentaires aux enfants de 12 ans et
moins joue pour beaucoup. Il reste quil y a encore trop de gens
qui nutilisent pas la soie dentaire. Et combien ne se brossent
même pas les dents?»
Une fois passée la période des caries, soit après
25 ans, beaucoup de gens simaginent quils nont plus
besoin de voir leur dentiste et relâchent leur hygiène
dentaire. «Passé cet âge, cest létat
parodontal qui est important, cest-à-dire les gencives
et les os, signale le Dr Lamarche. Mais nous savons que, lorsque le
contexte économique est défavorable et quil y
a du chômage, les gens se préoccupent moins de létat
de leur bouche.»
La plus grande au Canada
À une époque pas si lointaine, un homme pouvait dire
à son futur gendre: «Jai pris soin de ta promise,
je lui ai fait enlever toutes ses dents
» rappelle le doyen,
qui déplore le taux élevé dédentement
de la population québécoise. Cette situation touche
particulièrement les personnes âgées, qui ont
souvent de la difficulté à salimenter. Afin daméliorer
la formation des futurs dentistes tout en contribuant à hausser
la qualité de vie de la population vieillissante, la Faculté
a élaboré un projet, en collaboration avec la Régie
régionale, pour permettre aux étudiants daller
dans les centres daccueil.
Bon an, mal an depuis 1966, la Faculté de médecine dentaire
accueille 85 nouveaux étudiants en première année
parmi les 450 à 500 jeunes qui font une demande dadmission.
Sy ajoutent des dentistes en résidence qui viennent rafraîchir
leur formation et les étudiants inscrits à la maîtrise
en réhabilitation prosthodontique. La prosthodontie est la
fabrication et la mise en place de prothèses ou de dispositifs
permettant de remplacer les dents manquantes et les tissus environnants.
Nouvelles technologies
En dentisterie comme ailleurs, les connaissances et les nouvelles
technologies explosent: utilisation de matériaux composites
qui ont la propriété de faire corps avec la dent, emploi
de la microabrasion et du laser pour certaines chirurgies, fabrication
de couronnes par ordinateur, etc. Un fabricant de matériel
dentaire a prêté à la Faculté un appareil
de 130,000$ qui permet justement de faire de la fabrication de couronnes
assistée par ordinateur. Le patient peut ainsi obtenir sa couronne
en une seule visite.
La Faculté a aussi entrepris des démarches pour létablissement
dun centre dimplantologie, qui doit être mis sur
pied au cours des mois qui viennent.
Comme on ne pouvait plus ajouter de cours aux quatre années
de formation déjà bien remplies, on a instauré,
depuis septembre 1999, une «année de prédentaire».
En septembre 2003, on aura terminé la refonte du programme
de quatre ans en médecine dentaire. Aux stages dans les hôpitaux,
la Faculté veut ajouter des stages en cabinet surtout pour
permettre aux étudiants de se familiariser avec la gestion
du personnel, la comptabilité et les relations avec le patient.
Elle veut aussi augmenter le nombre de cours en éthique professionnelle.
Quant à leur formation clinique, les étudiants lobtiennent
bien sûr principalement à la Clinique de médecine
dentaire, qui reçoit 3000 patients par année pour 29
000 visites.
Le nouveau doyen est également consultant auprès de
deux hôpitaux et conseille des organismes comme lOffice
des professions, la CSST et la SAAQ, en plus dêtre vice-
président de lOrdre des dentistes du Québec. En
ce qui concerne sa participation à lOrdre, il précise:
«Certains y voient un conflit dintérêts,
moi, jy vois une continuité. Le rôle de lOrdre
étant de protéger la population, il faut donc sassurer
que les actes sont de qualité. La meilleure façon dy
parvenir est de veiller à ce que les diplômés
qui sortent de la Faculté soient des professionnels compétents.»
La Faculté participe aussi étroitement à la formation
continue en collaboration avec lOrdre des dentistes. Lan
dernier, elle a donné 20 cours à 700 dentistes.
Défis
Un des défis du nouveau doyen est daméliorer lenseignement
clinique, qui a souffert des compressions budgétaires des dernières
années. «Nous avons déjà eu jusquà
huit étudiants par chargé denseignement clinique.
Lorsque cest le cas, nous passons alors notre temps à
nous laver les mains et à changer de gants pour passer dun
patient à lautre.» Non seulement lencadrement
des étudiants en souffre-t-il, mais le danger que des gestes
irréversibles soient commis augmente. Claude Lamarche vise
donc un ratio de cinq étudiants par chargé denseignement.
«Nous devons aussi changer notre façon de faire lenseignement
clinique pour passer dun traitement morcelé à
une approche globale.» Par exemple, le patient qui a besoin
à la fois dun traitement de gencives, dun plombage,
dun pont et dune prothèse partielle doit se rendre
à quatre endroits. Le Dr Lamarche croit quil serait préférable
que létudiant prenne en charge le patient pour la durée
des traitements, quitte à ladresser à un étudiant
plus avancé pour la partie du traitement quil nest
pas en mesure deffectuer, comme le font dailleurs souvent
les dentistes. «Cette approche globale permettrait une meilleure
formation, des soins plus personnalisés et une plus grande
rétention de la clientèle.» Une telle approche
suppose aussi lexistence dun trimestre dété
qui aurait également comme résultat de favoriser les
échanges détudiants avec les universités
européennes.
Recherche
Enfin, le doyen Lamarche veut augmenter lactivité de
recherche, qui a souffert du départ de quatre chercheurs il
y a cinq ans. Aujourdhui, la Faculté de médecine
dentaire compte six chercheurs en neurophysiologie. Elle sest
dotée dinstallations modernes de microscopie électronique.
Son laboratoire pour létude des tissus calcifiés
et des biomatériaux, que dirige le Dr Antonio Nancy, est financé
par la Fondation canadienne pour linnovation. Il est aussi un
des pôles du réseau montréalais dimagerie
des matériaux et des molécules. Le Laboratoire a reçu,
conjointement avec la Faculté de pharmacie, des fonds de recherche
pour étudier les aspects pharmacologiques des maladies inflammatoires,
en particulier des maladies périodontales.
En microbiologie et immunologie, la Faculté a déjà
des réalisations à son actif, ce qui lui permet doffrir
un service de vérification des stérilisateurs des cabinets
de dentistes. Le laboratoire des Drs Jean Barbeau et André
Prévost, où lon étudie les biofilms bactériens
et la contamination microbiologique dans les cabinets dentaires, travaille
depuis plusieurs années à éliminer les bactéries
des conduites deau des unités dentaires. Des demandes
de brevets ont dailleurs été déposées
pour un système de désinfection des conduites deau.
Françoise
Lachance